Il écarta délicatement une mèche de cheveux de mon front en me souriant. Je frissonnai.
– Je vais t’aider à ranger avant de te laisser aller au lit.
Il se leva et repassa derrière le bar où il se lança dans la vaisselle. Je le rejoignis et essuyai les assiettes qu’il me tendit. Nous écoutions No Surprises qui tournait en boucle, nous ne parlions pas.
Dans l’espace réduit où nous étions, nous n’avions d’autre choix que de nous frôler, épaule contre épaule, j’aimais ça. Quand tout fut propre et rangé, Olivier alla enfiler son blouson.
– Tu remontes chez toi par l’intérieur ? me demanda-t-il.
– Oui.
– Enferme-toi bien.
Je le raccompagnai à la porte, nous nous fîmes face.
– Diane, je ne te bousculerai pas, je te laisserai prendre le temps de venir vers moi si tu en as envie… Je vais t’attendre, longtemps s’il le faut…
Il s’approcha de moi, et me dit à l’oreille : « Je n’ai pas peur. »
Puis il embrassa ma joue. Ce ne furent pas les deux bises amicales sans signification – que nous n’avions d’ailleurs jamais échangées. Non, c’étaient simplement ses lèvres sur ma joue, et c’était la preuve de sa promesse et de sa délicatesse.
– Bonne nuit.
– Merci, réussis-je à lui murmurer.
Il sortit et attendit que j’aie tout fermé à clé pour s’éloigner. C’est groggy, et comme dans du coton, que je montai chez moi et me couchai. Venais-je de rencontrer cet homme qui mettrait de la joie dans ma vie ?
Saurais-je me laisser aller ?
– 4 –
Les deux semaines suivantes, Olivier passa presque chaque jour me rendre visite. Parfois, uniquement pour me dire bonjour ; sinon, il s’arrêtait prendre un café ou un verre le soir en sortant du travail. Plus jamais il ne m’invita à sortir, ni ne s’approcha physiquement de moi. Il me laissait m’habituer à sa présence, il m’apprivoisait, et ça fonctionnait : je scrutais de plus en plus fébrilement la rue, guettant sa venue, j’étais déçue lorsqu’il partait et, le soir, en me couchant, je pensais encore à lui. Pourtant, je
n’arrivais pas à franchir le pas, à lui faire partager mes sentiments. L’idée de l’avenir me terrorisait.
Il avait passé sa pause-déjeuner aux Gens et venait de partir lorsque Félix m’agressa sans que je le voie venir :
– Tu joues à quoi ?
– Hein ?
– Il commence à me faire pitié ce pauvre garçon. Tu le fais mariner alors que tu le regardes avec des yeux de merlan frit. Je le vois bien, tu passes ta journée à te languir de lui, tu bégaies quand il arrive… Qu’est-ce que tu attends pour lui sauter dessus ?
– Je n’en sais rien…
– C’est à cause de Colin ? Je croyais que tu avais dépassé ça.
– Non, ce n’est pas Colin. Pour être honnête avec toi, je pense plus à Olivier qu’à lui.
– C’est bon signe.
– Oui… mais…
– La gentillesse et la patience ont leurs limites. Donne-lui un peu d’espoir, sinon…
– Fous-moi la paix, lui répondis-je, exaspérée par les vérités qu’il m’assénait.
Le soir même, Félix me fit les gros yeux quand Olivier repassa. Ce dernier s’approcha de moi, avec un sourire timide.
– Tu es libre demain soir ?
– Euh… oui…
– En fait, j’ai invité quelques amis qui me pressaient de pendre la crémaillère. J’aimerais bien que tu sois là. D’ailleurs, Félix, si tu veux venir, joins-toi à nous.
– On sera là, répondis-je, sans laisser le temps à Félix d’en placer une.
– Je te laisse travailler. À demain soir, alors !
Il salua Félix. En fermant la porte derrière lui, il me regarda à travers la vitre, je lui souris.
– Bah, ce n’était pas si compliqué que ça !
– Ne me fous pas la honte demain soir, dis-je à Félix.
Il pouffa.
En sonnant chez Olivier le lendemain, j’étais heureuse, absolument pas stressée. Au contraire, j’étais