– Et Abby ?
– Je reviens.
Il sortit et alluma une cigarette. J’en attrapai une à mon tour et le rejoignis.
– Toi non plus, tu n’as pas arrêté, observa-t-il, un rictus aux lèvres.
– Aucune raison de le faire… mais ce n’est pas de notre consommation de tabac respective que nous parlions.
Je me campai face à lui.
– Edward, regarde-moi.
Il m’obéit. Je compris que ce que j’allais entendre n’allait pas être agréable.
– Abby ? Elle va bien, n’est-ce pas ?
Le contraire était inenvisageable, je la revoyais sur son vélo le jour où je l’avais rencontrée, pétillante malgré son âge.
– Elle est malade.
– Mais… elle va guérir ?
– Non.
Je mis la main devant ma bouche. Abby était le socle de cette famille, si maternelle, si bienveillante, si généreuse. Je me souvenais d’elle lorsqu’elle me trouvait trop maigre et qu’elle me fourrait des tranches de carrot cake presque de force dans la bouche. Je pouvais encore sentir sa dernière étreinte quand je lui avais dit au revoir, et qu’elle m’avait répondu : « Donne-nous de tes nouvelles. » Sans que je le réalise sur le moment, Abby avait eu un impact considérable sur mon début de guérison, et je l’avais laissée de côté.
J’essayais de reprendre contenance lorsque je découvris Olivier près de nous. Edward remarqua mon inattention, et se retourna. Ils se serrèrent la main, et Olivier déposa un baiser discret sur mes lèvres.
– Ça va ? m’interrogea-t-il.
– Pas terrible. Edward vient de m’apprendre une très mauvaise nouvelle, Abby ne va pas bien du tout.
– Je suis désolé, dit-il à Edward. Je vous laisse, alors, vous serez mieux pour parler en tête à tête.
Il caressa ma joue et rejoignit Félix à l’intérieur des Gens. Je le suivis du regard, puis me tournai vers Edward, qui me dévisageait. Mon estomac était noué, je levai les yeux au ciel en soufflant avant de pouvoir m’adresser à nouveau à lui :
– Dis-m’en plus, s’il te plaît…
Il secoua la tête, et resta silencieux.
– Ce n’est pas possible… Je ne peux pas croire ce que tu viens de…
– Elle sera heureuse de savoir que tu vas bien. Elle n’a jamais cessé de s’inquiéter pour toi.
– Je voudrais faire quelque chose… je pourrai prendre de ses nouvelles ?
Il m’envoya un regard ombrageux.
– Je lui dirai que je t’ai vue, ça suffira.
Il consulta sa montre.
– Je dois y aller.
Il laissa la porte ouverte le temps de récupérer son sac et de saluer Félix et Olivier. Quand il revint vers moi, je me lançai :
– J’ai une question à te poser avant que tu partes.
– Je t’écoute.
– Ça n’a rien à voir avec Abby, mais j’ai besoin de savoir. J’ai essayé de t’appeler deux fois, il y a plusieurs mois, je t’ai même laissé un message. L’as-tu eu ?
Il s’alluma une nouvelle cigarette, et me regarda droit dans les yeux.
– Oui.
– Et pourquoi tu n’as…
– Diane, il n’y a plus de place pour toi dans ma vie depuis longtemps…
Il me laissa moins de cinq secondes pour encaisser le coup.
– Olivier semble être quelqu’un de bien. Tu as bien fait de refaire ta vie.
– Je ne sais pas quoi te dire…
– Ne dis rien, alors.