Dernière nuit à l’hôtel ; nous venions de faire l’amour, tendrement, comme toujours, et j’avais peur. Peur de perdre quelque chose après ces petites vacances, peur de perdre la paix, tout simplement. Olivier était dans mon dos, et me serra contre lui. Je caressai distraitement son bras, et regardai par la fenêtre que nous avions laissée ouverte.
– Diane, tu es ailleurs depuis quelques heures…
– Tu te trompes.
– Il y a un problème aux Gens, avec Félix ?
– Absolument pas.
– Dis-moi ce qui te travaille.
Qu’il arrête ! Qu’il se taise ! Pourquoi était-il si attentionné, si perspicace ? Je ne voulais pas que ce soit
lui qui fasse éclater notre bulle.
– Rien, je te promets.
Il soupira et embrassa mon cou.
– Tu mens très mal. Tu t’inquiètes pour cette femme, ta propriétaire en Irlande ?
– Tu commences à bien me connaître… c’est vrai, je pense à elle, je n’arrive pas à y croire. Tout ce qu’elle a fait pour m’aider, je m’en rends compte aujourd’hui… Et songer qu’elle peut…non, c’est impossible. Je voudrais faire quelque chose, mais quoi ?
– Commence par l’appeler, ce serait un bon début.
– Je ne sais pas si j’en suis capable.
– Ça va te demander du courage, mais tu es bien plus forte que tu ne le crois. Quand je t’ai rencontrée, j’ai senti ta fragilité, mais tu as des ressources, énormément de ressources. Tu y arriveras.
– Je vais y réfléchir.
Je me tournai vers lui, et l’embrassai. J’avais besoin de le sentir contre moi, de m’accrocher à lui, je refusais de penser aux possibles conséquences de cet appel.
Je mis plus de un mois à me décider et à trouver la bonne occasion pour le faire. Je n’étais jamais seule.
Aux Gens, Félix était toujours sur mon dos ; le reste du temps j’étais avec Olivier, et je ne me voyais pas téléphoner à Abby avec lui à mes côtés. En vérité, je reculais le moment tellement j’avais peur de ce que je risquais de découvrir. Je profitai des congés de Félix, fin août, pour prendre mon courage à deux mains.
– Allô ?
Bien que sa voix soit teintée de fatigue, je reconnus Abby, et cela m’ôta les mots de la bouche.
– Allô !… Il y a quelqu’un ?
– Abby… c’est moi…
– Diane ? C’est bien vrai ?
– Oui. Pardon de ne pas avoir…
– Tais-toi, ma petite chérie. Je suis si heureuse de t’entendre. Quand Edward nous a annoncé qu’il t’avait vue…
– Il vous a raconté ?
– Encore heureux ! Il nous a dit que tu allais bien, que tu avais rencontré quelqu’un ! C’est magnifique !
Ç’avait le mérite d’être clair.
– Merci… Et toi, comment vas-tu ?
– En pleine forme !
– Abby, grondai-je. Il n’est pas rentré dans les détails, mais Edward m’a dit…
– Il mériterait une bonne leçon pour ça, il n’aurait pas dû te tracasser…
C’était comme si je l’avais quittée la veille.
– Il a eu raison. Que t’arrive-t-il ?
– Eh bien, tu sais, le cœur d’une vieille dame fatiguée…
– Tu n’es pas vieille !
– Tu es mignonne, Diane. Ne t’en fais pas, c’est la vie… C’est bon de t’entendre, tu me manques beaucoup.
– Toi aussi, Abby.
– Oh, si je m’écoutais, je te demanderais bien quelque chose.