– Abby est montée se coucher, m’annonça-t-il.
– J’espère ne pas trop la fatiguer.
– Avec tout ce que tu fais, ça ne risque pas ! Tu ne pouvais pas lui faire plus beau cadeau. Elle a eu du mal à se remettre de ton départ.
– Je suis désolée…
– Ne le sois pas, elle est comme ça, elle voudrait garder tout son monde autour d’elle, en permanence, comme si vous étiez des enfants. Tout ce que j’espère, c’est que tu ne t’es pas forcée à venir pour elle.
– Pas du tout… j’avais quelques craintes, je peux te l’avouer… mais depuis que je suis là, je sais que c’est la meilleure décision que j’aie prise.
J’étais bien au chaud sous la couette, dans mon lit spécial géant. Je venais de raccrocher d’avec Olivier, ça m’avait fait du bien de lui parler, et d’avoir un contact avec ma réalité parisienne. J’étais bien plus attachée à ce pays que je ne voulais l’admettre. J’étais prête à éteindre ma lampe de chevet quand des coups frappés à ma porte retentirent. Je fus stupéfaite de découvrir Abby, enveloppée dans sa robe de chambre.
– Je te croyais endormie…
– J’ai des insomnies… et je voulais savoir si tu étais bien installée.
– Il faudrait être difficile.
Elle s’approcha du lit, s’assit à côté de moi, et me prit les mains.
– Tu es radieuse, Diane.
– Merci.
– On va rattraper le temps perdu.
– Oui.
– Si tu savais comme je suis heureuse de t’avoir près de moi quelques jours… Ma seconde fille est à la maison…
L’émotion me rendit muette.
– Couche-toi.
Elle se leva, je me rallongeai. Elle me borda et m’embrassa le front.
– Dors bien, ma petite fille.
Je m’endormis paisiblement.
Le lendemain après-midi, Abby voulut que nous allions marcher toutes les deux sur la plage. Pour qu’elle ne se fatigue pas trop, Jack nous déposa en voiture à proximité. Nous avancions bras dessus, bras dessous, à petits pas. La main d’Abby calmait mes tremblements ; je ne voyais que mon cottage.
J’avais cru mourir de chagrin dans cette maison. Mais ces quatre murs avaient aussi contribué à me faire devenir celle que j’étais aujourd’hui.
– Personne n’y a habité depuis ton départ.
– Pourquoi ?
– Il est à toi… J’ai pris les clés, veux-tu y entrer ?
– Non, je ne souhaite pas remuer tout ça.
– Je comprends.
Nous poursuivîmes notre balade sur la plage, non sans recevoir quelques gouttes de pluie. Mais je faisais confiance au flair météorologique de Jack, qui nous avait assuré qu’il n’y aurait pas de grain avant plusieurs heures. J’aimais cette plage, cette mer d’un bleu menaçant, ce vent qui faiblissait à peine. À cet endroit, j’avais pleuré Colin et Clara, j’avais ri, j’avais découvert le vrai Edward, j’avais rencontré Judith. Et je m’étais roulée dans le sable.
– Edward a toujours son chien ?
– Plus fou que jamais. Tiens, regarde-le qui arrive !
Abby me lâcha et recula de quelques pas en riant. Entendre cet aboiement me remplit de joie et d’excitation. J’en avais passé, du temps, avec Postman Pat ! Il arrivait en courant. Je tapai sur mes genoux pour le faire venir à moi et, comme avant, il me sauta dessus et me fit tomber à la renverse.
– Comment vas-tu, mon chien ? lui demandai-je alors qu’il me léchait le visage.
– Il t’a reconnue, me dit Abby.
– C’est incroyable !
Je réussis à me relever et lui envoyai un bâton au loin, en m’interrogeant sur l’absence de son maître.
– Edward le laisse en liberté, maintenant ?
– Non, il doit être avec Declan.
– Qui est Declan ?
Abby n’eut pas le temps de me répondre ; une petite voix l’appelait à tue-tête derrière moi. Je me retournai, et eus un mouvement de recul en découvrant un petit garçon qui courait vers nous, plus précisément vers Abby. Il se jeta sur elle et se blottit contre son ventre. Un nœud se forma dans ma gorge, la présence de cet enfant ternissait mes retrouvailles avec la plage et suscitait trop de questions pour ma tranquillité d’esprit.