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- O fureur des cœurs mûrs par l'amour ulcérés!

Dans le ravin hanté des chats-pards et des onces Nos héros, s'étreignant méchamment, ont roulé, Et leur peau fleurira l'aridité des ronces.

- Ce gouffre, c'est l'enfer, de nos amis peuplé!

Roulons-y sans remords, amazone inhumaine, Afin d'éterniser l'ardeur de notre haine!

XXXVI Le Balcon

Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses,

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 29 / 106

O toi, tous mes plaisirs! ô toi, tous mes devoirs!

Tu te rappelleras la beauté des caresses, La douceur du foyer et le charme des soirs, Mère des souvenirs, maîtresse des maîtresses!

Les soirs illuminés par l'ardeur du charbon, Et les soirs au balcon, voilés de vapeurs roses.

Que ton sein m'était doux! que ton cœur m'était bon!

Nous avons dit souvent d'impérissables choses Les soirs illumines par l'ardeur du charbon.

Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!

Que l'espace est profond! que le cœur est puissant!

En me penchant vers toi, reine des adorées, Je croyais respirer le parfum de ton sang.

Que les soleils sont beaux dans les chaudes soirées!

La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison, Et mes yeux dans le noir devinaient tes prunelles, Et je buvais ton souffle, ô douceur! ô poison!

Et tes pieds s'endormaient dans mes mains fraternelles.

La nuit s'épaississait ainsi qu'une cloison.

Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses, Et revis mon passé blotti dans tes genoux.

Car à quoi bon chercher tes beautés langoureuses Ailleurs qu'en ton cher corps et qu'en ton cœur si doux?

Je sais l'art d'évoquer les minutes heureuses!

Ces serments, ces parfums, ces baisers infinis, Renaîtront-ils d'un gouffre interdit à nos sondes, Comme montent au ciel les soleils rajeunis Après s'être lavés au fond des mers profondes?

- O serments! ô parfums! ô baisers infinis!

XXXVII Le Possédé

Le soleil s'est couvert d'un crêpe. Comme lui, O Lune de ma vie! emmitoufle-toi d'ombre Dors ou fume à ton gré; sois muette, sois sombre, Et plonge tout entière au gouffre de l'Ennui; Je t'aime ainsi! Pourtant, si tu veux aujourd'hui, Comme un astre éclipsé qui sort de la pénombre,

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 30 / 106

Te pavaner aux lieux que la Folie encombre C'est bien! Charmant poignard, jaillis de ton étui!

Allume ta prunelle à la flamme des lustres!

Allume le désir dans les regards des rustres!

Tout de toi m'est plaisir, morbide ou pétulant; Sois ce que tu voudras, nuit noire, rouge aurore; Il n'est pas une fibre en tout mon corps tremblant Qui ne crie: O mon cher Belzébuth, je t'adore!

XXXVIII Un Fantôme

I Les Ténèbres

Dans les caveaux d'insondable tristesse Où le Destin m'a déjà relégué;

Où jamais n'entre un rayon rose et gai; Où, seul avec la Nuit, maussade hôtesse, Je suis comme un peintre qu'un Dieu moqueur Condamne à peindre, hélas! sur les ténèbres; Où, cuisinier aux appétits funèbres, Je fais bouillir et je mange mon cœur, Par instants brille, et s'allonge, et s'étale Un spectre fait de grâce et de splendeur.

A sa rêveuse allure orientale,

Quand il atteint sa totale grandeur, Je reconnais ma belle visiteuse:

C'est Elle! noire et pourtant lumineuse.

II Le Parfum

Lecteur, as-tu quelquefois respiré

Are sens

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