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Mon cœur est un palais flétri par la cohue; On s'y soûle, on s'y tue, on s'y prend aux cheveux!

- Un parfum nage autour de votre gorge nue!...

O Beauté, dur fléau des âmes, tu le veux!

Avec tes yeux de feu, brillants comme des fêtes, Calcine ces lambeaux qu'ont épargnés les bêtes!

LVI Chant d'Automne

I

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 45 / 106

Bientôt nous plongerons dans les froides ténèbres; Adieu, vive clarté de nos étés trop courts!

J'entends déjà tomber avec des chocs funèbres Le bois retentissant sur le pavé des cours.

Tout l'hiver va rentrer dans mon être: colère, Haine, frissons, horreur, labeur dur et forcé, Et, comme le soleil dans son enfer polaire, Mon cœur ne sera plus qu'un bloc rouge et glacé.

J'écoute en frémissant chaque bûche qui tombe L'échafaud qu'on bâtit n'a pas d'écho plus sourd.

Mon esprit est pareil à la tour qui succombe Sous les coups du bélier infatigable et lourd.

Il me semble, bercé par ce choc monotone, Qu'on cloue en grande hâte un cercueil quelque part.

Pour qui? - C'était hier l'été; voici l'automne!

Ce bruit mystérieux sonne comme un départ.

II

J'aime de vos longs yeux la lumière verdâtre, Douce beauté, mais tout aujourd'hui m'est amer, Et rien, ni votre amour, ni le boudoir, ni l'âtre, Ne me vaut le soleil rayonnant sur la mer.

Et pourtant aimez-moi, tendre cœur! soyez mère, Même pour un ingrat, même pour un méchant; Amante ou sœur, soyez la douceur éphémère D'un glorieux automne ou d'un soleil couchant.

Courte tâche! La tombe attend - elle est avide!

Ah! laissez-moi, mon front posé sur vos genoux, Goûter, en regrettant l'été blanc et torride, De l'arrière-saison le rayon jaune et doux!

LVII A une Madone

Ex-voto dans le goût espagnol

Je veux bâtir pour toi, Madone, ma maîtresse, Un autel souterrain au fond de ma détresse,

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 46 / 106

Et creuser dans le coin le plus noir de mon cœur, Loin du désir mondain et du regard moqueur, Une niche, d'azur et d'or tout émaillée, Où tu te dresseras, Statue émerveillée.

Avec mes Vers polis, treillis d'un pur métal Savamment constellé de rimes de cristal Je ferai pour ta tête une énorme Couronne; Et dans ma Jalousie, ô mortelle Madone Je saurai te tailler un Manteau, de façon Barbare, roide et lourd, et doublé de soupçon, Qui, comme une guérite, enfermera tes charmes, Non de Perles brodé, mais de toutes mes Larmes!

Ta Robe, ce sera mon Désir, frémissant, Onduleux, mon Désir qui monte et qui descend, Aux pointes se balance, aux vallons se repose, Et revêt d'un baiser tout ton corps blanc et rose.

Je te ferai de mon Respect de beaux Souliers De satin, par tes pieds divins humiliés, Qui, les emprisonnant dans une molle étreinte Comme un moule fidèle en garderont l'empreinte.

Si je ne puis, malgré tout mon art diligent Pour Marchepied tailler une Lune d'argent Je mettrai le Serpent qui me mord les entrailles Sous tes talons, afin que tu foules et railles Reine victorieuse et féconde en rachats Ce monstre tout gonflé de haine et de crachats.

Tu verras mes Pensers, rangés comme les Cierges Devant l'autel fleuri de la Reine des Vierges Etoilant de reflets le plafond peint en bleu, Te regarder toujours avec des yeux de feu; Et comme tout en moi te chérit et t'admire, Tout se fera Benjoin, Encens, Oliban, Myrrhe, Et sans cesse vers toi, sommet blanc et neigeux, En Vapeurs montera mon Esprit orageux.

Enfin, pour compléter ton rôle de Marie, Et pour mêler l'amour avec la barbarie, Volupté noire! des sept Péchés capitaux, Bourreau plein de remords, je ferai sept Couteaux Bien affilés, et comme un jongleur insensible, Prenant le plus profond de ton amour pour cible, Je les planterai tous dans ton Cœur pantelant, Dans ton Cœur sanglotant, dans ton Cœur ruisselant!

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 47 / 106

LVIII Chanson d'Après-midi Quoique tes sourcils méchants

Te donnent un air étrange

Qui n'est pas celui d'un ange,

Sorcière aux yeux alléchants,

Je t'adore, ô ma frivole,

Ma terrible passion!

Avec la dévotion

Du prêtre pour son idole.

Le désert et la forêt

Embaument tes tresses rudes,

Ta tête a les attitudes

De l'énigme et du secret.

Sur ta chair le parfum rôde

Comme autour d'un encensoir;

Tu charmes comme le soir

Nymphe ténébreuse et chaude.

Ah! les philtres les plus forts

Ne valent pas ta paresse,

Are sens