"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » » "Les Fleurs du mal" de Charles Baudelaire

Add to favorite "Les Fleurs du mal" de Charles Baudelaire

Select the language in which you want the text you are reading to be translated, then select the words you don't know with the cursor to get the translation above the selected word!




Go to page:
Text Size:

La poitrine en avant et les poumons gonflés

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 54 / 106

Comme de la toile

J'escalade le dos des flots amoncelés Que la nuit me voile;

Je sens vibrer en moi toutes les passions D'un vaisseau qui souffre;

Le bon vent, la tempête et ses convulsions Sur l'immense gouffre

Me bercent. D'autres fois, calme plat, grand miroir De mon désespoir!

LXX Sépulture

Si par une nuit lourde et sombre

Un bon chrétien, par charité,

Derrière quelque vieux décombre

Enterre votre corps vanté,

A l'heure où les chastes étoiles

Ferment leurs yeux appesantis,

L'araignée y fera ses toiles,

Et la vipère ses petits;

Vous entendrez toute l'année

Sur votre tête condamnée

Les cris lamentables des loups

Et des sorcières faméliques,

Les ébats des vieillards lubriques

Et les complots des noirs filous.

LXXI Une gravure fantastique

Ce spectre singulier n'a pour toute toilette, Grotesquement campé sur son front de squelette, Qu'un diadème affreux sentant le carnaval.

Sans éperons, sans fouet, il essouffle un cheval, Fantôme comme lui, rosse apocalyptique, Qui bave des naseaux comme un épileptique.

Au travers de l'espace ils s'enfoncent tous deux, Et foulent l'infini d'un sabot hasardeux.

Le cavalier promène un sabre qui flamboie

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 55 / 106

Sur les foules sans nom que sa monture broie, Et parcourt, comme un prince inspectant sa maison, Le cimetière immense et froid, sans horizon, Où gisent, aux lueurs d'un soleil blanc et terne, Les peuples de l'histoire ancienne et moderne.

LXXII Le Mort joyeux

Dans une terre grasse et pleine d'escargots Je veux creuser moi-même une fosse profonde, Où je puisse à loisir étaler mes vieux os Et dormir dans l'oubli comme un requin dans l'onde.

Je hais les testaments et je hais les tombeaux; Plutôt que d'implorer une larme du monde, Vivant, j'aimerais mieux inviter les corbeaux A saigner tous les bouts de ma carcasse immonde.

O vers! noirs compagnons sans oreille et sans yeux, Voyez venir à vous un mort libre et joyeux; Philosophes viveurs, fils de la pourriture, A travers ma ruine allez donc sans remords, Et dites-moi s'il est encor quelque torture Pour ce vieux corps sans âme et mort parmi les morts!

LXXIII Le Tonneau de la Haine

La Haine est le tonneau des pâles Danaïdes; La Vengeance éperdue aux bras rouges et forts A beau précipiter dans ses ténèbres vides De grands seaux pleins du sang et des larmes des morts, Le Démon fait des trous secrets à ces abîmes, Par où fuiraient mille ans de sueurs et d'efforts, Quand même elle saurait ranimer ses victimes, Et pour les pressurer ressusciter leurs corps.

La Haine est un ivrogne au fond d'une taverne, Qui sent toujours la soif naître de la liqueur Et se multiplier comme l'hydre de Lerne.

- Mais les buveurs heureux connaissent leur vainqueur,

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 56 / 106

Et la Haine est vouée à ce sort lamentable De ne pouvoir jamais s'endormir sous la table.

LXXIV La cloche fêlée

Il est amer et doux, pendant les nuits d'hiver, D'écouter, près du feu qui palpite et qui fume, Les souvenirs lointains lentement s'élever Au bruit des carillons qui chantent dans la brume.

Bienheureuse la cloche au gosier vigoureux Qui, malgré sa vieillesse, alerte et bien portante, Jette fidèlement son cri religieux,

Ainsi qu'un vieux soldat qui veille sous la tente!

Moi, mon âme est fêlée, et lorsqu'en ses ennuis Elle veut de ses chants peupler l'air froid des nuits, Il arrive souvent que sa voix affaiblie Semble le râle épais d'un blessé qu'on oublie Au bord d'un lac de sang, sous un grand tas de morts Et qui meurt, sans bouger, dans d'immenses efforts.

LXXV Spleen

Pluviôse, irrité contre la ville entière, De son urne à grands flots verse un froid ténébreux Aux pâles habitants du voisin cimetière Et la mortalité sur les faubourgs brumeux.

Mon chat sur le carreau cherchant une litière Agite sans repos son corps maigre et galeux; L'âme d'un vieux poète erre dans la gouttière Avec la triste voix d'un fantôme frileux.

Le bourdon se lamente, et la bûche enfumée Accompagne en fausset la pendule enrhumée Cependant qu'en un jeu plein de sales parfums, Héritage fatal d'une vieille hydropique, Le beau valet de cœur et la dame de pique Causent sinistrement de leurs amours défunts.

© "https://athena.unige.ch/" Baudelaire, Les Fleurs du Mal, p. 57 / 106

LXXVI Spleen

Are sens