– De quel pays ?
346
– Français.
– Votre nom ?
– Edmond Dantès.
– Votre profession ?
– Marin.
– Depuis combien de temps êtes-vous ici ?
– Depuis le 28 février 1815.
– Votre crime ?
– Je suis innocent.
– Mais de quoi vous accuse-t-on ?
– D’avoir conspiré pour le retour de l’Empereur.
– Comment ! pour le retour de l’Empereur !
l’Empereur n’est donc plus sur le trône ?
– Il a abdiqué à Fontainebleau en 1814 et a été relégué à l’île d’Elbe. Mais vous-même, depuis quel temps êtes-vous donc ici, que vous ignorez tout cela ?
– Depuis 1811. »
Dantès frissonna ; cet homme avait quatre ans 347
de prison de plus que lui.
« C’est bien, ne creusez plus, dit la voix en parlant fort vite ; seulement dites-moi à quelle hauteur se trouve l’excavation que vous avez faite ?
– Au ras de la terre.
– Comment est-elle cachée ?
– Derrière mon lit.
– A-t-on dérangé votre lit depuis que vous êtes en prison ?
– Jamais.
– Sur quoi donne votre chambre ?
– Sur un corridor.
– Et le corridor ?
– Aboutit à la cour.
– Hélas ! murmura la voix.
– Oh ! mon Dieu ! qu’y a-t-il donc ? s’écria Dantès.
– Il y a que je me suis trompé, que l’imperfection de mes dessins m’a abusé, que le 348
défaut d’un compas m’a perdu, qu’une ligne d’erreur sur mon plan a équivalu à quinze pieds en réalité, et que j’ai pris le mur que vous creusez pour celui de la citadelle !
– Mais alors vous aboutissiez à la mer ?
– C’était ce que je voulais.
– Et si vous aviez réussi !
– Je me jetais à la nage, je gagnais une des îles qui environnent le château d’If, soit l’île de Daume, soit l’île de Tiboulen, soit même la côte, et alors j’étais sauvé.
– Auriez-vous donc pu nager jusque-là ?
– Dieu m’eût donné la force ; et maintenant tout est perdu.
– Tout ?