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– Nous sommes perdus !

– Monsieur Wall ! monsieur Wall !

– C’est fait de nous !

– Commandant ! commandant !

Ces cris étaient simultanément proférés par les hommes de quart.

Wall se précipita vers le gaillard d’arrière ; Shandon, suivi du docteur, s’élança sur le pont, et regarda.

Au milieu du brouillard entr’ouvert, le Pouce-du-Diable paraissait s’être subitement rapproché du brick ; il semblait avoir grandi d’une façon fantastique ; à son sommet se dressait un second cône renversé et pivotant sur sa pointe ; il menaçait d’écraser le navire de sa masse énorme ; il oscillait, prêt à s’abattre. C’était un spectacle effrayant. Chacun recula instinctivement, et plusieurs matelots, se jetant sur la glace, abandonnèrent le navire.

– Que personne ne bouge ! s’écria le commandant d’une voix sévère ; chacun à son poste !

– Eh, mes amis, ne craignez rien, dit le docteur ; il n’y a pas de danger ! Voyez, commandant, voyez, monsieur Wall, c’est un effet de mirage, et pas autre chose !

– Vous avez raison, monsieur Clawbonny, répliqua maître Johnson ; ces ignorants se sont laissés intimider par une ombre.

Après les paroles du docteur, la plupart des matelots s’étaient rapprochés, et de la crainte passaient à l’admiration de ce merveilleux phénomène, qui ne tarda pas à s’effacer.

– Ils appellent cela du mirage, dit Clifton ; eh bien, le diable est pour quelque chose là dedans, vous pouvez m’en croire !

– C’est sûr, lui répondit Gripper.

Mais le brouillard, en s’entr’ouvrant, avait montré aux yeux du commandant une passe immense et libre qu’il ne soupçonnait pas ; elle tendait à l’écarter de la côte ; il résolut de profiter sans délai de cette chance favorable ; les hommes furent disposés de chaque côté du chenal ; des aussières leur furent tendues, et ils commencèrent à remorquer le navire dans la direction du nord.

Pendant de longues heures cette manœuvre fut exécutée avec ardeur, quoique en silence ; Shandon avait fait rallumer les fourneaux pour profiter de ce chenal si merveilleusement découvert.

– C’est un hasard providentiel, dit-il à Johnson, et si nous pouvons gagner seulement quelques milles, peut-être serons-nous à bout de nos peines ! Monsieur Brunton, activez le feu ; dès que la pression sera suffisante, vous me ferez prévenir. En attendant, que nos hommes redoublent de courage ; ce sera autant de gagné. Ils ont hâte de s’éloigner du Pouce-du-Diable ! eh bien ! nous profiterons de leurs bonnes dispositions.

Tout d’un coup, la marche du brick fut brusquement suspendue.

– Qu’y-a-t-il, demanda Shandon ? Wall, est-ce que nous avons cassé nos remorques ?

– Mais non, commandant, répondit Wall, en se penchant au-dessus du bastingage ! hé ! voilà les hommes qui rebroussent chemin ; ils grimpent sur le navire ; ils ont l’air en proie à une étrange frayeur !

– Qu’est-ce donc ? s’écria Shandon, en se précipitant à l’avant du brick.

– À bord ! à bord ! s’écriaient les matelots avec l’accent de la plus vive terreur.

Shandon regarda dans la direction du nord, et frissonna malgré lui.

Un animal étrange, aux mouvements effrayants, dont la langue fumante sortait d’une gueule énorme, bondissait à une encablure de navire ; il paraissait avoir plus de vingt pieds de haut ; ses poils se hérissaient ; il poursuivait les matelots, se mettant en arrêt sur eux, tandis que sa queue formidable, longue de dix pieds, balayait la neige et la soulevait en épais tourbillons. La vue d’un pareil monstre glaça d’effroi les plus intrépides.

– C’est un ours énorme, disait l’un.

– C’est la bête du Gévaudan !

– C’est le lion de l’Apocalypse !

Shandon courut dans sa cabine prendre un fusil toujours chargé ; le docteur sauta sur ses armes, et se tint prêt à faire feu sur cet animal qui, par ses dimensions, rappelait les quadrupèdes antédiluviens.

Il approchait, en faisant des bonds immenses ; Shandon et le docteur firent feu en même temps, et soudain, la détonation de leurs armes, ébranlant les couches de l’atmosphère, produisit un effet inattendu.

Le docteur regarda avec attention, et ne put s’empêcher d’éclater de rire.

– La réfraction ! dit-il.

– La réfraction ! s’écria Shandon.

Mais une exclamation terrible de l’équipage les interrompit.

– Le chien ! fit Clifton.

– Le dog-captain ! répétèrent ses camarades.

– Lui ! s’écria Pen, toujours lui !

En effet, c’était lui qui, brisant ses liens, avait pu revenir à la surface du champ par une autre crevasse. En ce moment la réfraction, par un phénomène commun sous ces latitudes, lui donnait des dimensions formidables, que l’ébranlement de l’air avait dissipées ; mais l’effet fâcheux n’en était pas moins produit sur l’esprit des matelots, peu disposés à admettre l’explication du fait par des raisons purement physiques. L’aventure du Pouce-du-Diable, la réapparition du chien dans ces circonstances fantastiques, achevèrent d’égarer leur moral, et les murmures éclatèrent de toutes parts.

Chapitre 12 LE CAPITAINE HATTERAS

Le Forward avançait rapidement sous vapeur entre les ice-fields et les montagnes de glace. Johnson tenait lui-même la barre. Shandon examinait l’horizon avec son snow-spectacle ; mais sa joie fut de courte durée, car il reconnut bientôt que la passe aboutissait à un cirque de montagnes.

Cependant, aux difficultés de revenir sur ses pas il préféra les chances de poursuivre sa marche en avant.

Le chien suivait le brick en courant sur la plaine, mais il se tenait à une distance assez grande. Seulement, s’il restait en arrière, on entendait un sifflement singulier qui le rappelait aussitôt.

La première fois que ce sifflement se produisit, les matelots regardèrent autour d’eux ; ils étaient seuls sur le pont, réunis en conciliabule ; pas un étranger, pas un inconnu ; et cependant ce sifflement se fit encore entendre à plusieurs reprises.

Clifton s’en alarma le premier.

– Entendez-vous ? dit-il, et voyez-vous comme cet animal bondit quand il s’entend siffler ?

– C’est à ne pas y croire, répondit Gripper.

– C’est fini ! s’écria Pen.

– je ne vais pas plus loin. Pen a raison, répliqua Brunton.

– C’est tenter Dieu, tenter le diable, répondit Clifton.

– J’aime mieux perdre toute ma part de bénéfice que de faire un pas de plus. Nous n’en reviendrons pas, fit Bollon avec abattement.

L’équipage en était arrivé au plus haut point de démoralisation.

– Pas un pas de plus ! s’écria Wolsten ; est-ce votre avis ?

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