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« A. B. »

« P. S. Ne pourriez-vous substituer l’eau-de-vie à la petite bière ? »

– Ah ! bravo ! s’écria Altamont. Je vois d’ici ces femmes de chambre qui vous lacent au cabestan. Eh bien, ils étaient gais, les compagnons du capitaine Parry.

– Comme tous ceux qui ont atteint leur but, répondit Hatteras.

Hatteras avait jeté cette remarque au milieu de la conversation, puis il était retombé dans son silence habituel. Le docteur, ne voulant pas s’appesantir sur ce sujet, se hâta de reprendre sa lecture.

– Voici maintenant, dit-il, un tableau des tribulations arctiques ; on pourrait le varier à l’infini ; mais quelques-unes de ces observations sont assez justes ; jugez-en :

« Sortir le matin pour prendre l’air, et, en mettant le pied hors du vaisseau, prendre un bain froid dans le trou du cuisinier.

« Partir pour une partie de chasse, approcher d’un renne superbe, le mettre en joue, essayer de faire feu et éprouver l’affreux mécompte d’un raté, pour cause d’humidité de l’amorce.

« Se mettre en marche avec un morceau de pain tendre dans la poche, et, quand l’appétit se fait sentir, le trouver tellement durci par la gelée qu’il peut bien briser les dents, mais non être brisé par elles.

« Quitter précipitamment la table en apprenant qu’un loup passe en vue du navire, et trouver au retour le dîner mangé par le chat.

« Revenir de la promenade en se livrant à de profondes et utiles méditations, et en être subitement tiré par les embrassements d’un ours. »

– Vous le voyez, mes amis, ajouta le docteur, nous ne serions pas embarrassés d’imaginer quelques autres désagréments polaires ; mais, du moment qu’il fallait subir ces misères, cela devenait un plaisir de les constater.

– Ma foi, répondit Altamont, c’est un amusant journal que cette Chronique d’hiver, et il est fâcheux que nous ne puissions nous y abonner !

– Si nous essayions d’en fonder un, dit Johnson.

– À nous cinq ! dit Clawbonny ; nous ferions tout au plus des rédacteurs, et il ne resterait pas de lecteurs en nombre suffisant.

– Pas plus que de spectateurs, si nous nous mettions en tête de jouer la comédie, répondit Altamont.

– Au fait, monsieur Clawbonny, dit Johnson, parlez-nous donc un peu du théâtre du capitaine Parry ; y jouait-on des pièces nouvelles ?

– Sans doute ; dans le principe, deux volumes embarqués à bord de l’Hécla furent mis à contribution, et les représentations avaient lieu tous les quinze jours ; mais bientôt le répertoire fut usé jusqu’à la corde ; alors des auteurs improvisés se mirent à l’œuvre, et Parry composa lui-même, pour les fêtes de Noël, une comédie tout à fait en situation ; elle eut un immense succès, et était intitulée Le Passage du Nord-Ouest ou La Fin du Voyage.

– Un fameux titre, répondit Altamont ; mais j’avoue que si j’avais à traiter un pareil sujet, je serais fort embarrassé du dénouement.

– Vous avez raison, dit Bell, qui sait comment cela finira ?

– Bon ! s’écria le docteur, pourquoi songer au dernier acte, puisque les premiers marchent bien ? Laissons faire la Providence, mes amis ; jouons de notre mieux notre rôle, et puisque le dénouement appartient à l’auteur de toutes choses, ayons confiance dans son talent ; il saura bien nous tirer d’affaire.

– Allons donc rêver à tout cela, répondit Johnson ; il est tard, et puisque l’heure de dormir est venue, dormons.

– Vous êtes bien pressé, mon vieil ami, dit le docteur.

– Que voulez-vous, monsieur Clawbonny, je me trouve si bien dans ma couchette ! et puis, j’ai l’habitude de faire de bons rêves ; je rêve de pays chauds ! de sorte qu’à vrai dire la moitié de ma vie se passe sous l’équateur, et la seconde moitié au pôle.

– Diable, fit Altamont, vous possédez là une heureuse organisation.

– Comme vous dites, répondit le maître d’équipage.

– Eh bien, reprit le docteur, ce serait une cruauté de faire languir plus longtemps le brave Johnson. Son soleil des Tropiques l’attend. Allons nous coucher.

Chapitre 11 TRACES INQUIÉTANTES

Pendant la nuit du 26 au 27 avril, le temps vint à changer ; le thermomètre baissa sensiblement, et les habitants de Doctor’s-House s’en aperçurent au froid qui se glissait sous leurs couvertures ; Altamont, de garde auprès du poêle, eut soin de ne pas laisser tomber le feu, et il dut l’alimenter abondamment pour maintenir la température intérieure à cinquante degrés au-dessus de zéro (+10° centigrades).

Ce refroidissement annonçait la fin de la tempête, et le docteur s’en réjouissait ; les occupations habituelles allaient être reprises, la chasse, les excursions, la reconnaissance des terres ; cela mettrait un terme à cette solitude désœuvrée, pendant laquelle les meilleurs caractères finissent par s’aigrir.

Le lendemain matin, le docteur quitta son lit de bonne heure et se fraya un chemin à travers les glaces amoncelées jusqu’au cône du phare.

Le vent avait sauté dans le nord ; l’atmosphère était pure ; de longues nappes blanches offraient au pied leur tapis ferme et résistant.

Bientôt les cinq compagnons d’hivernage eurent quitté Doctor’s-House ; leur premier soin fut de dégager la maison des masses glacées qui l’encombraient ; on ne s’y reconnaissait plus sur le plateau ; il eût été impossible d’y découvrir les vestiges d’une habitation ; la tempête, comblant les inégalités du terrain, avait tout nivelé ; le sol s’était exhaussé de quinze pieds, au moins.

Il fallut procéder d’abord au déblaiement des neiges, puis redonner à l’édifice une forme plus architecturale, raviver ses lignes engorgées et rétablir son aplomb. Rien ne fut plus facile d’ailleurs, et, après l’enlèvement des glaces, quelques coups du couteau à neige ramenèrent les murailles à leur épaisseur normale.

Au bout de deux heures d’un travail soutenu, le fond de granit apparut ; l’accès des magasins de vivres et de la poudrière redevint praticable.

Mais comme, par ces climats incertains, un tel état de choses pouvait se reproduire d’un jour à l’autre, on refit une nouvelle provision de comestibles qui fut transportée dans la cuisine. Le besoin de viande fraîche se faisait sentir à ces estomacs surexcités par les salaisons ; les chasseurs furent donc chargés de modifier le système échauffant d’alimentation, et ils se préparèrent à partir.

Cependant, la fin d’avril n’amenait pas le printemps polaire ; l’heure du renouvellement n’avait pas sonné ; il s’en fallait de six semaines au moins ; les rayons du soleil, trop faibles encore, ne pouvaient fouiller ces plaines de neige et faire jaillir du sol les maigres produits de la flore boréale. On devait craindre que les animaux ne fussent rares, oiseaux ou quadrupèdes. Cependant un lièvre, quelques couples de ptarmigans, un jeune renard même eussent figuré avec honneur sur la table de Doctor’s-House, et les chasseurs résolurent de chasser avec acharnement tout ce qui passerait à portée de leur fusil.

Le docteur, Altamont et Bell se chargèrent d’explorer le pays. Altamont, à en juger par ses habitudes, devait être un chasseur adroit et déterminé, un merveilleux tireur, bien qu’un peu vantard. Il fut donc de la partie, tout comme Duk, qui le valait dans son genre, en ayant l’avantage d’être moins hâbleur.

Les trois compagnons d’aventure remontèrent par le cône de l’est et s’enfoncèrent au travers des immenses plaines blanches ; mais ils n’eurent pas besoin d’aller loin, car des traces nombreuses se montrèrent à moins de deux milles du fort ; de là, elles descendaient jusqu’au rivage de la baie Victoria, et paraissaient enlacer le Fort-Providence de leurs cercles concentriques.

Après avoir suivi ces piétinements avec curiosité, les chasseurs se regardèrent.

– Eh bien ! dit le docteur, cela me semble clair.

– Trop clair, répondit Bell ; ce sont des traces d’ours.

– Un excellent gibier, répondit Altamont, mais qui me paraît pêcher aujourd’hui par une qualité.

– Laquelle ? demanda le docteur.

– L’abondance, répondit l’Américain.

– Que voulez-vous dire ? reprit Bell.

– Je veux dire qu’il y a là les traces de cinq ours parfaitement distinctes, et cinq ours, c’est beaucoup pour cinq hommes !

– Êtes-vous certain de ce que vous avancez ? dit le docteur.

– Voyez et jugez par vous-même : voici une empreinte qui ne ressemble pas à cette autre ; les griffes de celles-ci sont plus écartées que les griffes de celles-là. Voici les pas d’un ours plus petit. Comparez bien, et vous trouverez dans un cercle restreint les traces de cinq animaux.

– C’est évident, dit Bell, après avoir examiné attentivement.

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