- Allô ? Mon nom est Deborah Cooper, j’habite à Side Creek Lane, à Aurora. Je crois que je viens de voir une jeune fil e poursuivie par un homme dans la forêt.
- Que s’est-il passé exactement ?
- Je ne sais pas ! J’étais à la fenêtre, je regardais en direction des bois et là, j’ai vu cette jeune fille qui courait entre les arbres… Il y avait un homme derrière el e… Je crois qu’el e essayait de lui échapper.
- Où sont-ils à présent ?
- Je… Je ne les vois plus. Ils sont dans la forêt.
- Je vous envoie immédiatement une patrouil e, Madame.
- Merci, faites vite !
Après avoir raccroché, Deborah Cooper retourna immédiatement à la fenêtre de sa cuisine. Elle ne voyait plus rien. Elle songea que sa vue lui avait peut-être joué des tours, mais que dans le doute, il valait mieux que la police vienne inspecter les environs. Et el e sortit de chez elle pour accueillir la patrouille.
Il est indiqué dans le rapport que la centrale de police transmit l’information à la police d’Aurora, dont le seul officier en service ce jour-là était Travis Dawn. Il arriva à Side Creek Lane environ quatre minutes après l’appel.
Après s’être fait rapidement expliquer la situation, l’officier Dawn procéda à une première fouille de la forêt. Quelques dizaines de mètres après s’être enfoncé entre les rangées d’arbres, il trouva un lambeau de tissu rouge. Estimant que la situation était peut-être grave, il décida de prévenir immédiatement le Chef Pratt, bien que celui-ci soit en congé. Il lui téléphona chez lui, depuis la maison de Deborah Cooper. Il était dix-huit heures quarante-cinq.
19 heures
Le Chef Pratt avait estimé que l’affaire semblait suffisamment sérieuse pour venir en prendre personnellement la mesure : Travis Dawn ne l’aurait jamais dérangé chez lui si ce n’était pas pour une situation exceptionnelle.
À son arrivée à Side Creek Lane, il recommanda à Deborah Cooper de s’enfermer chez elle, pendant que lui et Travis partaient pour procéder à une fouille plus approfondie de la forêt. Ils s’engagèrent sur le chemin qui longeait le bord de l’océan, dans la direction que la jeune fil e en robe rouge semblait avoir prise. D’après le rapport de police, après avoir marché un bon mile, les deux policiers découvrirent des traces de sang et des cheveux blonds dans une partie plutôt dégagée de la forêt, proche du bord de l’océan. Il était dix-neuf heures trente.
Il est probable que Deborah Cooper soit restée à la fenêtre de sa cuisine pour essayer de suivre les policiers. Ceux-ci avaient déjà disparu sur le sentier depuis un bon moment lorsqu’el e vit soudain surgir de la forêt une jeune femme, la robe déchirée et le visage en sang, qui appelait à l’aide et qui se précipita vers la maison. Deborah Cooper, prise de panique, déverrouilla la porte de la cuisine pour l’accueillir et se rua dans le salon pour appeler à nouveau la police.
Le rapport de police indique que le deuxième appel de Deborah Cooper parvint à dix-neuf heures trente-trois à la centrale. Il dura un peu plus de quarante secondes. Sa retranscription en est la suivante :
- Centrale de la police, quel e est votre urgence ?
- Allô ? (Voix paniquée.) Ici Deborah Cooper, je… j’ai appelé tout à l’heure pour… pour signaler une jeune fille poursuivie dans les bois, eh bien elle est là ! Elle est dans ma cuisine !
- Calmez-vous, Madame. Que s’est-il passé ?
- Je n’en sais rien ! Elle est arrivée de la forêt. Il y a d’ailleurs deux policiers qui sont dans la forêt en ce moment, mais je pense qu’ils ne l’ont pas vue ! Je l’ai recueil ie dans ma cuisine. Je… Je crois que c’est la fil e du révérend… La petite qui travail e au Clark’s… Je crois que c’est elle…
- Quelle est votre adresse ?
- Deborah Cooper, Side Creek Lane à Aurora. Je vous ai appelés avant ! La fille est là, vous comprenez ? Elle a le visage en sang ! Venez vite !
- Ne bougez pas, Madame. J’envoie des renforts immédiatement.
Les deux policiers inspectaient les traces de sang lorsqu’ils entendirent la déflagration retentir depuis la maison. Sans perdre une seconde, ils rebroussèrent chemin en courant, l’arme à la main.
Au même moment, l’opérateur de la centrale de la police, ne parvenant à joindre ni l’agent Travis Dawn ni le Chef Pratt sur leur radio de bord et jugeant la situation préoccupante, décida de déclencher une alerte générale auprès du bureau du shérif et de la police d’État, et d’envoyer les unités disponibles à Side Creek Lane.
19 heures 45
L’officier Dawn et le Chef Pratt arrivèrent à la maison, hors d’haleine. Ils entrèrent dans la maison par la porte de derrière qui donnait sur la cuisine, où ils trouvèrent Deborah Cooper morte, gisant sur le carrelage, baignant dans son sang, un impact de balle au niveau du cœur. Après une rapide fouil e du rez-de-chaussée qui s’avéra infructueuse, le Chef Pratt se précipita à sa voiture pour prévenir la centrale et demander des renforts. La retranscription de sa discussion avec l’opérateur de la centrale est la suivante :
- Ici le Chef Pratt, police d’Aurora. Demande urgente de renforts à Side Creek Lane, au croisement de la route 1. Nous avons une femme tuée par balle et vraisemblablement une gamine dans la nature.
- Chef Pratt, nous avons déjà reçu un appel de détresse d’une Madame Deborah Cooper, à Side Creek Lane, il y a sept minutes, nous informant qu’une jeune fille avait trouvé refuge chez elle. Les deux affaires sont-el es liées ?
- Quoi ? C’est Deborah Cooper qui est morte. Et il n’y a plus personne dans la maison. Envoyez toute la cavalerie disponible ! Il est en train de se passer un sacré merdier ici !
- Des unités sont en route, Chef. Je vous en envoie d’autres.
Avant même la fin de la communication, Pratt entendit une sirène : les renforts arrivaient déjà. Il eut à peine le temps de prévenir Travis de la situation, lui demandant notamment de refouil er la maison, que la radio se mit à crépiter soudain : une poursuite venait de s’engager sur la route 1, à quelques centaines de mètres de là, entre une voiture du bureau du shérif et un véhicule suspect, repéré aux abords de la forêt.
L’adjoint du shérif Paul Summond, premier parmi les renforts en route à arriver, venait de croiser par hasard une Chevrolet Monte Carlo noire aux plaques illisibles, qui sortait du sous-bois et s’enfuyait à toute al ure malgré ses injonctions. Elle partait en direction du nord.
Le Chef Pratt sauta dans sa voiture et partit prêter main forte à Summond. Il s’engagea sur un chemin forestier parallèle à la route 1 dans le but de couper plus haut la route au fuyard : il déboula sur la route principale trois miles après Side Creek Lane et manqua de peu d’intercepter la Chevrolet noire.
Les voitures étaient lancées à des vitesses folles. La Chevrolet poursuivait sa course sur la route 1, direction nord. Le Chef Pratt lança un appel radio à toutes les unités disponibles pour dresser des barrages, et demander l’envoi d’un hélicoptère.
Bientôt, la Chevrolet, après un virage spectaculaire, s’engagea sur une route secondaire, puis sur une autre. Elle roulait à tombeau ouvert, les véhicules de police avaient de la peine à la suivre. Sur sa radio de bord, Pratt hurlait qu’ils étaient en train de la perdre.
La poursuite continua sur des routes étroites : le conducteur semblait savoir exactement où il allait, parvenant à distancer peu à peu les policiers. Arrivée à une intersection, la Chevrolet manqua de percuter un véhicule venant en sens inverse, qui s’immobilisa au milieu de la chaussée. Pratt parvint à contourner l’obstacle en passant par la bande herbeuse, mais Summond, qui arrivait juste derrière lui, ne put éviter la col ision, heureusement sans gravité. Pratt, désormais seul derrière la Chevrolet, guida les renforts du mieux qu’il put. Il perdit un instant le contact visuel avec la voiture mais la repéra ensuite sur la route de Montburry, avant de se faire distancer définitivement.
C’est lorsqu’il croisa des patrouilles qui arrivaient en sens inverse, qu’il comprit que le véhicule suspect leur avait échappé. Il demanda immédiatement le bouclage de toutes les routes, la fouil e générale de toute la région et l’envoi de la police d’État. À Side Creek Lane, Travis Dawn était catégorique : il n’y avait pas la moindre trace de la jeune fille en robe rouge, ni dans la maison, ni dans les abords immédiats.
20 heures
Le révérend David Kel ergan, paniqué, composa le numéro d’urgence de la police pour indiquer que sa fil e, Nola, quinze ans, avait disparu. C’est un adjoint du shérif du comté venu en renfort qui arriva le premier au 245 Terrace Avenue, aussitôt suivi par Travis Dawn. À vingt heures quinze, le Chef Pratt arriva à son tour sur place.
La conversation entre Deborah Cooper et l’opérateur de la centrale de police ne laissait aucun doute possible : c’était Nola Kellergan qui avait été vue à Side Creek Lane.