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- Seulement un peu ?

- Seulement un peu.

- Vous mentez, Monsieur Stern. J’ai des témoins qui affirment que vous avez eu une relation avec elle. Que vous la faisiez venir chez vous.

Stern avait éclaté de rire :

- Vous avez des preuves de ce que vous avancez ? J’en doute, parce que c’est faux. Je n’ai jamais touché cette petite. Écoutez, sergent, vous me faites de la peine : votre enquête piétine visiblement et vous avez grand mal à formuler vos questions. Je vais donc vous aider : c’est Nola Kellergan qui est venue me trouver. Elle est venue un jour chez moi, el e m’a dit qu’elle avait besoin d’argent. Elle a accepté de poser pour un tableau.

- Vous l’avez payée pour qu’elle pose ?

- Oui. Luther avait un grand don pour la peinture. Un talent fou ! Il m’avait peint déjà des tableaux magnifiques, des vues du New Hampshire, des scènes de vie quotidienne de notre belle Amérique et j’étais très emballé. Pour moi, Luther pouvait devenir l’un des grands peintres de ce siècle, et je me suis dit qu’il pourrait faire quelque chose de grandiose en peignant cette jeune fil e magnifique. La preuve, si je vends ce tableau maintenant, avec tout le foin qui entoure cette affaire, j’en tirerai sans aucun doute un ou deux mil ions de dollars. Vous connaissez beaucoup de peintres contemporains qui vendent à deux millions de dollars ?

Son explication faite, Stern avait décrété qu’il avait perdu assez de temps et que l’audition était terminée, et il était parti, suivi par son troupeau d’avocats, laissant Gahalowood muet et ajoutant un mystère de plus à l’enquête.

- Vous y comprenez quelque chose, l’écrivain ? me demanda Gahalowood après avoir terminé de me rapporter l’audition de Stern. Un jour, la gamine débarque chez Stern et propose de se faire peindre contre du pognon. Vous pouvez y croire ?

- C’est insensé. Pourquoi aurait-elle eu besoin d’argent ? Pour la fuite ?

- Peut-être. Pourtant el e n’a même pas emporté ses économies. Il y a, dans sa chambre, un pot à biscuits avec cent vingt dol ars à l’intérieur.

- Et qu’avez-vous fait du tableau ? demandai-je.

- On le conserve pour le moment. Pièce à conviction.

- Conviction de quoi si Stern n’est pas inculpé ?

- Contre Caleb.

- Alors vous le suspectez vraiment ?

- J’en sais rien, l’écrivain. Stern faisait de la peinture, Pratt se faisait faire des fellations, mais quel mobile auraient-ils eu pour tuer Nola ?

- La peur qu’el e parle ? suggérai-je. Elle aurait menacé de tout raconter, et dans un moment de panique, l’un d’eux la frappe jusqu’à la tuer avant de l’enterrer dans les bois.

- Mais pourquoi laisser ce mot sur le manuscrit ? Adieu, Nola chérie, c’est quelqu’un qui aimait cette petite. Et le seul qui l’aimait, c’était Quebert. Tout nous relie à Quebert. Et si Quebert, ayant appris pour Pratt et Stern, avait pété un plomb et tué Nola ? Cette histoire pourrait très bien être un crime passionnel. C’était votre hypothèse d’ail eurs.

- Harry, commettre un crime passionnel ? Non, ça n’a aucun sens. Quand arriveront les résultats de cette foutue analyse graphologique ?

- Rapidement. Plus qu’une question de jours, j’imagine. Marcus, il faut que je vous dise : le bureau du procureur va proposer un accord à Quebert. On renonce à l’enlèvement et lui plaide coupable de crime passionnel. Vingt ans de prison. Il en fera quinze s’il se tient bien. Pas de peine de mort.

- Un accord ? Pourquoi un accord ? Harry n’est coupable de rien.

Je sentais que nous passions à côté de quelque chose, un détail qui pouvait tout expliquer. Je remontai le fil des derniers jours de Nola, mais aucun événement majeur n’avait été à signaler durant tout le mois d’août 1975 à Aurora, jusqu’à ce fameux soir du 30 août. À vrai dire, en parlant avec Jenny Dawn, Tamara Quinn et quelques habitants de la ville, il m’apparut que les trois dernières semaines de Nola Kellergan furent heureuses. Harry m’avait dépeint les scènes de noyade, Pratt avait raconté comment il l’avait forcée à des fel ations, Nancy m’avait parlé des rendez-vous sordides avec Luther Caleb mais les déclarations de Jenny et Tamara furent tout autres : d’après leurs récits, rien ne laissait présager que Nola était battue ou malheureuse. Tamara Quinn m’indiqua même qu’elle lui avait demandé de reprendre son service au Clark’s à partir de la rentrée scolaire, ce qu’elle avait accepté. Je fus tel ement étonné de l’apprendre que je lui en demandai deux fois confirmation. Pourquoi donc Nola aurait-el e entrepris les démarches pour reprendre son emploi de serveuse si elle avait prévu de s’enfuir ? Robert Quinn, lui, me raconta qu’il la croisait parfois transportant une machine à écrire, mais qu’el e transbahutait avec légèreté, en chantonnant gaiement.

On aurait dit qu’Aurora, en août 1975, était le paradis sur terre. J’en vins à me demander si Nola avait réellement eu l’intention de quitter la ville. Puis, un horrible doute m’envahit : quelles garanties avais-je que Harry me racontait la vérité ? Comment savoir si Nola lui avait vraiment demandé de partir avec lui ? Et si c’était un stratagème pour se disculper de son meurtre ? Et si Gahalowood avait raison depuis le début ?

Je revis Harry l’après-midi du 5 juillet, à la prison. Il avait une mine affreuse et le teint gris. Des lignes que je ne lui avais jamais connues étaient apparues sur son front.

- Le procureur veut vous proposer un marché, dis-je.

- Je sais. Roth m’en a déjà parlé. Crime passionnel. Je pourrais sortir au bout de quinze ans.

Au ton de sa voix, je compris qu’il était prêt à envisager cette option.

- Ne me dites pas que vous allez accepter cette offre, m’emportai-je.

- Je n’en sais rien, Marcus. Mais c’est un moyen d’éviter la peine de mort.

- Éviter la peine de mort ? Qu’est-ce que ça veut dire ? Que vous êtes coupable ?

- Non ! Mais tout m’accable ! Et je n’ai aucune envie de me lancer dans une partie de poker avec des jurés qui m’ont déjà condamné. Quinze ans de prison, c’est toujours mieux que la perpétuité ou le couloir de la mort.

- Harry, je vais vous poser cette question une dernière fois : avez-vous tué Nola ?

- Mais bien sûr que non, nom de Dieu ! Combien de fois devrai-je vous le dire.

- Alors nous le prouverons !

Je ressortis mon enregistreur et le posai sur la table.

- Pitié, Marcus. Pas encore cette machine !

- Il faut comprendre ce qui s’est passé.

- Je ne veux plus que vous m’enregistriez. S’il vous plaît.

- Très bien. Je vais prendre des notes.

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