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Il attendit tout le mardi.

Il attendit tout le mercredi.

Il attendit tout le jeudi.

Il attendit tout le vendredi.

Il attendit tout le samedi.

Il attendit tout le dimanche.

Il attendait avec ferveur et espoir : elle reviendrait. Et ils partiraient ensemble. Ils seraient heureux. Elle était la seule personne qui ait jamais donné du sens à la vie.

Qu’on brûle les livres, les maisons, la musique et les hommes : rien n’importait pourvu qu’elle soit avec lui. Il l’aimait : aimer voulait dire que ni la mort, ni l’adversité ne lui faisaient peur tant qu’el e serait à ses côtés. Alors il l’attendait. Et lorsque la nuit tombait, il jurait aux étoiles qu’il attendrait toujours.

Pendant que Harry se refusait à perdre espoir, le capitaine Rodik ne pouvait que constater l’échec des opérations de police malgré l’ampleur des moyens déployés. Il y avait à présent plus de deux semaines qu’on remuait ciel et terre, sans succès. Au cours d’une réunion avec le FBI et le Chef Pratt, Rodik eut ce constat amer :

- Les chiens ne trouvent rien, les hommes ne trouvent rien. Je crois que nous ne la retrouverons pas.

- Je suis assez d’accord avec vous, acquiesça le responsable du FBI. En principe, dans ce genre de cas, soit on retrouve la victime tout de suite, morte ou vivante, soit il y a une demande de rançon. Et si ce n’est rien de tout ça, alors le cas s’en va rejoindre les affaires de disparitions non résolues qui s’entassent sur nos bureaux année après année. Pour la seule semaine dernière, le FBI a reçu cinq avis de disparition de gamins sur l’ensemble du pays. On n’a pas le temps de tout traiter.

- Mais qu’aurait-il pu arriver à cette gamine alors ? demanda Pratt qui ne pouvait pas se résigner à baisser les bras. Une fugue ?

- Une fugue ? Non. Pourquoi l’aurait-on vue en sang et effrayée ?

Rodik haussa les épaules, et le type du FBI proposa d’al er boire une bière.

Le lendemain, au soir du 18 septembre, lors d’un dernier point presse commun, le Chef Pratt et le capitaine Rodik annoncèrent que les recherches pour retrouver Nola Kel ergan al aient cesser. Le dossier restait ouvert auprès de la brigade criminelle de la police d’État. Il n’y avait pas le moindre élément, pas la moindre piste : en quinze jours, il n’avait été trouvé aucune trace de la petite Nola Kel ergan.

Des bénévoles, conduits par le Chef Pratt, poursuivirent leurs recherches pendant plusieurs semaines, jusqu’aux frontières de l’État. Mais en vain. Nola Kellergan s’était comme envolée.

9. Une Monte Carlo noire

“ Les mots c’est bien, Marcus. Mais n’écrivez pas pour qu’on vous lise : écrivez pour être entendu.”

Mon livre avançait. Les heures passées à écrire se matérialisaient peu à peu, et je sentais revenir en moi ce sentiment indescriptible que je croyais perdu à jamais.

C’était comme si je recouvrais enfin un sens vital qui, pour m’avoir fait défaut, m’avait fait dysfonctionner; comme si quelqu’un avait appuyé sur un bouton dans mon cerveau et l’avait soudain ral umé. Comme si j’étais de nouveau en vie. C’était la sensation des écrivains.

Mes journées débutaient avant l’aube : je partais courir, traversant Concord de part en part, avec, dans mes oreilles, mon lecteur de minidisques. Puis, de retour dans ma chambre d’hôtel, je commandais un bon litre de café et je me mettais au travail. Je pouvais à nouveau compter sur l’aide de Denise, que j’avais récupérée chez Schmid & Hanson et qui avait accepté de reprendre du service dans mon bureau de la Cinquième Avenue. Je lui envoyais mes pages par courriel au fur et à mesure que je les écrivais, et el e se chargeait de procéder aux corrections d’usage. Lorsqu’un chapitre était complet, je l’envoyais à Douglas, pour avoir son avis. C’était amusant de voir combien il s’investissait dans ce livre; je sais qu’il restait collé à son ordinateur, à attendre mes chapitres. Il ne manquait pas non plus de me rappeler l’imminence des délais, me répétant : « Si on ne finit pas à temps, on est cuit ! » Il disait « on » alors que lui, théoriquement, ne risquait rien dans l’opération, mais il se sentait autant concerné que moi.

Je crois que Douglas subissait beaucoup de pression de la part de Barnaski et qu’il essayait de m’en protéger : Barnaski craignait que je ne parvienne pas à tenir les délais sans aide extérieure. Il m’avait déjà téléphoné à plusieurs reprises pour me le dire de vive voix.

- Il faut que vous preniez des écrivains fantômes pour rédiger ce bouquin, m’avait-il dit, vous n’y arriverez jamais sinon. J’ai des équipes qui sont là pour ça, vous donnez les grandes lignes et ils écrivent à votre place.

- Jamais de la vie, avais-je répondu. C’est ma responsabilité d’écrire ce livre.

Personne ne le fera à ma place.

- Oh, Goldman, vous êtes insupportable avec votre morale et vos bons sentiments. Tout le monde fait écrire ses livres par quelqu’un d’autre aujourd’hui. Untel, par exemple, il ne refuse jamais mes équipes.

- Untel n’écrit pas lui-même ses livres ?

Il avait eu ce stupide ricanement caractéristique.

- Mais bien sûr que non ! Comment diable voulez-vous qu’il puisse tenir le rythme ? Les lecteurs ne veulent pas savoir comment Untel écrit ses livres, ou même qui les écrit. Tout ce qu’ils veulent, c’est avoir, chaque année, au début de l’été, un nouveau livre d’Untel pour leurs vacances. Et nous le leur donnons. Ça s’appelle avoir le sens du commerce.

- Ça s’appelle tromper le public, dis-je.

- Tromper le public… Tsss, Goldman, vous êtes décidément un grand tragédien.

Je lui avais fait comprendre qu’il était hors de question que quelqu’un d’autre que

moi écrive ce livre : il avait perdu patience et il était devenu grossier.

- Goldman, il me semble que je vous ai versé un million de dol ars pour ce foutu bouquin : j’aimerais donc que vous vous montriez un plus coopératif. Si je pense que vous avez besoin de mes écrivains, alors on va les utiliser, bordel de merde !

- Du calme, Roy, vous aurez le livre dans les délais. À condition que vous cessiez de m’interrompre dans mon travail en me téléphonant sans cesse.

Barnaski était alors devenu épouvantablement grossier :

- Goldman, sacré nom de Dieu, j’espère que vous êtes conscient qu’avec ce livre, j’ai mes couil es sur la table. Mes couilles ! Sur la table ! J’ai investi énormément de pognon et je joue la crédibilité d’une des plus grosses maisons d’édition du pays.

Alors si ça se passe mal, s’il n’y a pas de bouquin à cause de vos caprices ou de je ne sais quelle autre merde et que je devais couler à pic, sachez que je vous entraînerais avec moi ! Et bien profond !

- J’en prends note, Roy. J’en prends bonne note.

Barnaski, en dehors de ses travers humains, avait un talent inné pour le marketing : mon livre était d’ores et déjà le livre de l’année alors que sa promotion, à coups de publicités géantes sur les murs de New York, ne faisait que débuter. Peu après l’incendie de la maison de Goose Cove, il avait fait une déclaration retentissante.

Il avait dit : « Il y a, quelque part, caché en Amérique, un écrivain qui s’efforce de rétablir la vérité à propos de ce qui s’est passé en 1975, à Aurora. Et parce que la vérité dérange, il y a quelqu’un qui est prêt à tout pour le faire taire. » Le lendemain, un article du New York Times titrait : Qui veut la peau de Marcus Goldman ? Ma mère l’avait évidemment lu et m’avait aussitôt téléphoné :

- Pour l’amour du Ciel, Markie, où te trouves-tu ?

- À Concord, au Regent’s. Suite 208.

- Mais tais-toi ! s’était-elle écriée. Je ne veux pas le savoir !

- Enfin, Maman. C’est toi qui…

- Si tu me le dis, je ne pourrai pas m’empêcher de le dire au boucher, qui le dira à son commis, qui le répétera à sa mère, qui n’est autre que la cousine du concierge du lycée de Felton et qui ne pourra pas s’empêcher de le lui dire, et ce diable ira le raconter au proviseur qui en parlera dans la salle des maîtres, et bientôt tout Newark saura que mon fils est dans la suite 208, au Regent’s de Concord, et celui-qui-veut-ta-peau viendra t’égorger dans ton sommeil. Pourquoi une suite d’ailleurs ? As-tu une petite amie ? Vas-tu te marier ?

Elle avait alors appelé mon père, je l’avais entendue crier : « Nelson, Viens écouter le téléphone ! Markie va se marier ! »

- Maman, je ne vais pas me marier. Je suis tout seul dans ma suite.

Gahalowood, qui était dans ma chambre où il venait de se faire servir un copieux petit déjeuner, n’avait rien trouvé de mieux à faire que de s’écrier : « Hé ! Moi je suis là ! »

- Qui est-ce ? avait aussitôt demandé ma mère.

Are sens