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Je sortis un carnet et un stylo.

- J’aimerais que nous reprenions notre discussion sur votre fuite du 30 août 1975. Si je comprends bien, au moment où vous avez décidé de partir, Nola et vous, votre livre était quasiment terminé…

- Je l’ai terminé quelques jours avant le départ. J’ai écrit vite, très vite. J’étais comme dans un état second. Tout était tel ement spécial : Nola qui était là, tout le temps, qui relisait, qui corrigeait, qui retapait. Je vais peut-être vous paraître mièvre, mais c’était magique. Le livre a été terminé dans la journée du 27 août. Je m’en rappelle parce que ce jour est le dernier où j’ai vu Nola. Nous étions convenus qu’il faudrait que je quitte la ville deux ou trois jours avant elle, pour ne pas éveiller les soupçons. Le 27 août fut donc notre dernier jour ensemble. J’avais terminé le roman en un mois. C’était fou. J’étais tellement fier de moi. Je me souviens de ces deux manuscrits qui trônaient sur la table de la terrasse : l’un écrit à la main, et qui correspondait à tous les originaux, et l’autre qui correspondait au travail de titan qu’avait abattu Nola, à savoir leur retranscription à la machine. Nous avons passé un moment sur la plage, là où nous nous étions rencontrés trois mois plus tôt. Nous avons marché longtemps. Nola m’a pris la main et elle m’a dit : « Vous avoir rencontré a changé ma vie, Harry. Vous verrez, nous serons tellement heureux ensemble. » Nous avons marché encore. Notre plan était établi : je devais partir d’Aurora le lendemain matin, en passant par le Clark’s pour me faire voir et faire savoir que je serais absent une semaine ou deux sous le prétexte d’affaires urgentes à Boston. Je devais ensuite séjourner deux jours à Boston, garder les factures d’hôtel, pour que tout concorde si la police m’interrogeait. Puis, le 30 août, je devais al er prendre une chambre au Sea Side Motel, sur la route 1. Chambre 8, m’avait dit Nola, parce qu’elle aimait le chiffre 8. Je lui ai demandé comment elle ferait pour rejoindre ce motel qui était tout de même à plusieurs miles d’Aurora, et el e m’a dit de ne pas m’en faire, qu’elle marchait vite et qu’elle connaissait un raccourci par la plage. Elle me retrouverait dans la chambre en début de soirée, à dix-neuf heures. Il nous faudrait partir aussitôt, rejoindre le Canada, nous trouver un endroit à l’abri, un petit appartement à louer. Je devais rentrer à Aurora quelques jours plus tard, comme si de rien n’était. La police chercherait sûrement Nola et je devais garder mon calme : si on m’interrogeait, répondre que j’étais à Boston et montrer les factures d’hôtel. Je devais ensuite rester une semaine à Aurora, pour ne pas éveiller les soupçons, elle serait restée dans notre appartement, à m’attendre, tranquillement. Après quoi, je devais rendre la maison de Goose Cove et quitter Aurora

pour de bon, expliquant que mon roman était fini et que je devais désormais m’occuper de le faire publier. Je serais alors retourné auprès de Nola, j’aurais envoyé le manuscrit par la poste à des éditeurs new-yorkais, puis j’aurais fait la navette entre notre cachette du Canada et New York pour assurer la sortie du livre.

- Mais Nola, qu’aurait-elle fait ?

- Nous lui aurions trouvé des faux papiers, elle aurait repris le lycée, puis l’université. Et nous aurions attendu ses dix-huit ans et el e serait devenue Madame Harry Quebert.

- Des faux papiers ? Mais c’est complètement fou !

- Je sais. C’était complètement fou. Complètement fou !

- Et ensuite, que s’est-il passé ?

- Ce 27 août, sur la plage, nous avons répété le plan plusieurs fois, puis nous sommes rentrés à la maison. Nous nous sommes assis sur le vieux canapé du salon, qui n’était pas vieux mais qui l’est devenu parce que je n’ai jamais pu m’en séparer, et nous avons eu notre dernière conversation. Voilà, Marcus, voilà ses derniers mots, je ne les oublierai jamais. Elle m’a dit : « Nous serons tel ement heureux, Harry. Je deviendrai votre femme. Vous serez un très grand écrivain. Et un professeur d’université. J’ai toujours rêvé d’épouser un professeur d’université. À vos côtés, je serai la plus heureuse des femmes. Et nous aurons un grand chien couleur du soleil, un labrador que nous appellerons Storm. Attendez-moi, je vous en prie, attendez-moi. » Et je lui ai répondu : « Je t’attendrai toute ma vie s’il le faut, Nola. » Ce sont ses derniers mots, Marcus. Après ça, je me suis assoupi, et lorsque je me suis réveil é, le soleil se couchait et Nola était partie. Il y avait cette lumière rose qui irradiait l’océan, et ces nuées de mouettes criardes. Ces saletés de mouettes qu’el e aimait tant. Sur la table de la terrasse, il ne restait plus qu’un manuscrit : celui qui m’est resté, l’original. Et à côté, ce mot, celui que vous avez trouvé dans la boîte et qui disait, je me souviens de ces phrases par cœur : Ne vous en faites pas, Harry, ne vous en faites pas pour moi, je me débrouillerai pour vous retrouver là-bas. Attendez-moi dans la chambre 8, j’aime ce chiffre, c’est mon chiffre préféré. Attendez-moi dans cette chambre à 19 heures. Ensuite nous partirons pour toujours. Je n’ai pas cherché le manuscrit : j’ai compris qu’elle l’avait pris, pour le relire encore une fois. Ou peut-être pour être certaine que je serais au rendez-vous au motel, le 30. Elle a emporté ce foutu manuscrit, Marcus, comme el e faisait parfois. Et moi, le lendemain, j’ai quitté la ville. Comme nous l’avions prévu. Je suis passé au Clark’s boire un café, tout exprès pour me montrer et dire que je m’absentais. Il y avait Jenny, comme tous les matins, je lui ai dit que j’avais à faire à Boston, que mon livre était presque fini et que j’avais des rendez-vous importants. Et je suis parti. Je suis parti sans me douter une seconde que je ne reverrais plus jamais Nola.

Je posai mon stylo. Harry pleurait.

7 juil et 2008

À Boston, dans le salon du Plaza, Barnaski s’accorda une demi-heure pour parcourir la cinquantaine de pages que je lui avais apportées, avant de nous faire appeler.

- Alors ? lui demandai-je en pénétrant dans la pièce.

Il eut un regard lumineux :

- C’est tout simplement génial, Goldman ! Génial ! Je savais que vous étiez l’homme de la situation !

- Attention, ces pages ce sont surtout mes notes. Il y a des faits dedans qui ne devront pas être publiés.

- Bien sûr, Goldman. Bien sûr. De toute façon, vous approuverez les épreuves finales.

Il commanda du champagne, étala les contrats sur la table et en récapitula le contenu :

- Livraison du manuscrit pour fin août. Les jaquettes publicitaires seront déjà prêtes. Relecture et mise en forme en deux semaines, impression dans le courant du mois de septembre. Sortie prévue pour la dernière semaine de septembre. Au plus tard.

Quel timing parfait ! Juste avant l’élection présidentielle et plus ou moins au moment de la tenue du procès de Quebert ! Coup de marketing phénoménal, mon cher Goldman !

Hip hip hip hourra !

- Et si l’enquête n’est pas bouclée ? demandai-je. Comment dois-je terminer le livre ?

Barnaski avait une réponse déjà toute prête et validée par son service juridique :

- Si l’enquête est terminée, c’est un récit authentique. Si el e ne l’est pas, on laisse le sujet ouvert ou alors vous suggérez la fin et c’est un roman. Juridiquement, c’est intouchable et pour les lecteurs, ça ne fait aucune différence. Et puis tant mieux si l’enquête n’est pas terminée : on pourra toujours faire un second tome. Quelle aubaine !

Il me regarda d’un air entendu; un employé apporta le champagne et il insista pour l’ouvrir lui-même. Je signai son contrat, il fit sauter le bouchon, renversa du champagne partout, remplit deux coupes et en tendit l’une à Douglas et l’autre à moi. Je demandai :

- Vous n’en prenez pas ?

Il eut une moue dégoûtée et s’essuya les mains sur un coussin.

- Je n’aime pas ça. Le champagne, c’est juste pour le show. Le show, Goldman, c’est quatre-vingt-dix pour cent de l’intérêt que les gens portent au produit final !

Et il sortit téléphoner à la Warner Bros pour parler des droits cinématographiques.

Dans le courant de ce même après-midi, sur la route du retour à Aurora, je reçus un appel de Roth : il était dans tous ses états.

- On a les résultats, Goldman !

- Quels résultats ?

- L’écriture ! Ce n’est pas celle de Harry ! Ce n’est pas lui qui a écrit ce mot sur le manuscrit !

Je poussai un cri de joie.

- Qu’est-ce que cela signifie concrètement ? demandai-je.

- Je n’en sais rien encore. Mais si ce n’est pas son écriture, cela confirme qu’il n’avait pas le manuscrit au moment où Nola a été tuée. Or le manuscrit est l’une des principales preuves à charge de l’accusation. Le juge vient de fixer une nouvelle audience de comparution ce jeudi 10 juillet à onze heures. Une convocation si rapide, c’est sûrement une bonne nouvelle pour Harry !

J’étais très excité : Harry serait bientôt libre. Il avait donc toujours dit la vérité, il était innocent. J’attendis avec impatience que jeudi arrive. Mais à la veille de cette nouvelle audience, le mercredi 9 juil et, une catastrophe se produisit. Ce jour-là, vers dix-sept heures, j’étais à Goose Cove, dans le bureau de Harry, en train de relire mes notes sur Nola. C’est alors que je reçus un appel de Barnaski sur mon téléphone portable. Sa voix tremblait.

- Marcus, j’ai une terrible nouvelle, me dit-il d’emblée.

- Que se passe-t-il ?

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