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- Bien sûr que je m’en rappelle… Comment pourrais-je oublier ?

- Mais alors pourquoi ne serions-nous plus amis ?

- À cause des livres. Les livres nous ont unis et maintenant, ils nous séparent.

C’était écrit.

- C’était écrit ? Comment ça ?

- Tout est dans les livres… Marcus, je savais que ce moment viendrait dès le jour où je vous ai vu.

- Mais quel moment ?

- C’est à cause du livre que vous êtes en train d’écrire.

- Ce livre ? Mais si vous voulez, je renonce au livre ! Vous voulez qu’on annule tout ? Eh bien voilà, c’est annulé ! Plus de livre ! Plus rien !

- Ça ne servirait malheureusement à rien. Si ce n’est pas celui-là, ce sera un autre.

- Harry, qu’êtes-vous en train de me raconter ? Je ne comprends rien.

- Vous allez faire ce livre et ce sera un livre magnifique, Marcus. J’en suis très heureux, surtout ne vous méprenez pas. Mais nous arrivons au moment de la séparation. Un écrivain s’en va, et un autre naît. Vous allez prendre la relève, Marcus.

Vous al ez devenir un immense écrivain. Vous avez vendu les droits de votre manuscrit pour un mil ion de dollars ! Un mil ion de dollars ! Vous allez devenir quelqu’un de très grand, Marcus. Je l’ai toujours su.

- Mais au nom du Ciel, qu’est-ce que vous essayez de me dire ?

- Marcus, la clé est dans les livres. Elle est sous vos yeux. Regardez, regardez bien ! Voyez-vous où nous sommes ?

- Nous sommes sur le parking d’un motel !

- Non ! Non, Marcus ! Nous sommes aux origines du mal ! Et voici plus de trente ans que je redoute ce moment.

Sal e de boxe du campus de l’université de Burrows, février 2003

- Vous placez mal vos frappes, Marcus. Vous tapez bien, mais vous avez toujours la première phalange du majeur qui dépasse trop et qui frotte au moment de l’impact.

- Quand j’ai les gants, je ne le sens plus.

- Vous devez savoir boxer poings nus. Les gants ne servent qu’à ne pas tuer votre adversaire. Vous le sauriez si vous cogniez autre chose que ce sac.

- Harry… Selon vous, pourquoi est-ce que je boxe toujours tout seul ?

- Demandez-le à vous-même.

- Parce que j’ai peur, je crois. J’ai peur de l’échec.

- Mais quand vous êtes allé dans cette salle de Lowell, sur mon conseil, et que vous vous êtes fait massacrer par ce grand Noir, qu’avez-vous ressenti ?

- De la fierté. Après coup, j’ai ressenti de la fierté. Le lendemain, quand j’ai regardé les bleus sur mon corps, je les ai aimés : je m’étais dépassé, j’avais osé !

J’avais osé me battre !

- Donc vous considérez avoir gagné…

- Au fond, oui. Même si, techniquement, j’ai perdu le combat, j’ai l’impression d’avoir gagné ce jour-là.

- La réponse est là : peu importe de gagner ou de perdre, Marcus. Ce qui compte, c’est le chemin que vous parcourez entre le gong du premier round et le gong final. Le résultat du match, au fond, n’est qu’une information pour le public. Qui a le droit de dire que vous avez perdu, si vous, vous pensez avoir gagné ? La vie c’est comme une course à pied, Marcus : il y aura toujours des gens qui seront plus rapides ou plus lents que vous. Tout ce qui compte au final, c’est la vigueur que vous avez mise à parcourir votre chemin.

- Harry, j’ai trouvé cette affiche dans un hall…

- C’est le championnat de boxe universitaire ?

- Oui… Il y aura toutes les grandes universités. Harvard, Yale… Je… Je voudrais y participer.

- Alors je vais vous y aider.

- Vraiment ?

- Bien sûr. Vous pourrez toujours compter sur moi, Marcus. Ne l’oubliez jamais.

Vous et moi nous sommes une équipe. Pour toute la vie.

10. À la recherche d’une fille de quinze ans(Aurora, New Hampshire, 1-18 septembre 1975)

“Harry, comment transmettre des émotions que l’on n’a pas vécues ?

- C’est justement votre travail d’écrivain. Écrire, cela signifie que vous êtes capable de ressentir plus fort que les autres et de transmettre ensuite. Écrire, c’est permettre à vos lecteurs de voir ce que parfois ils ne peuvent voir. Si seuls les orphelins racontaient des histoires d’orphelins, on aurait de la peine à s’en sortir. Cela signifierait que vous ne pourriez pas parler de mère, de père, de chien ou de pilote d’avion, ni de la Révolution russe, parce que vous n’êtes ni une mère, ni un père, ni un chien, ni un pilote d’avion et que vous n’avez pas connu la Révolution russe. Vous n’êtes que Marcus Goldman. Et si chaque écrivain ne devait se limiter qu’à lui-même, la littérature serait d’une tristesse épouvantable et perdrait tout son sens. On a le droit de parler de tout, Marcus, de tout ce qui nous touche. Et il n’y a personne qui puisse nous juger pour cela. Nous sommes écrivains parce que nous faisons différemment une chose que tout le monde autour de nous sait faire : écrire. C’est là que réside toute la subtilité.”

À un moment ou un autre, tout le monde crut voir Nola quelque part. Dans le magasin général d’une ville avoisinante, à un arrêt de bus, au comptoir d’un restaurant.

Une semaine après la disparition, alors que les recherches se poursuivaient, la police dut faire face à une multitude de témoignages erronés. Dans le comté de Cordridge, une projection de cinéma fut interrompue après qu’un spectateur crut reconnaître Nola Kel ergan au troisième rang. Aux environs de Manchester, un père de famille qui accompagnait sa fil e - blonde et âgée de quinze ans - à une fête foraine fut emmené au commissariat pour vérification.

Les recherches, malgré leur intensité, demeuraient vaines : la mobilisation des habitants de la région avait permis leur extension à toutes les villes voisines d’Aurora, mais sans permettre de trouver le moindre début de piste. Des spécialistes du FBI étaient venus optimiser le travail de la police en pointant les lieux à fouiller en priorité, sur la base de l’expérience et des statistiques : cours d’eau et orée des bois proches d’un parking, décharges où pourrissaient des ordures nauséabondes. L’affaire leur paraissait si complexe qu’ils avaient même sol icité l’aide d’un médium, qui avait fait ses preuves lors de deux affaires de meurtre en Oregon, mais sans succès cette fois-ci.

La ville d’Aurora bouillonnait, envahie par les badauds et les journalistes. Dans la rue principale, le poste de police fourmillait d’une intense activité : on y coordonnait les recherches, on y centralisait et triait les informations. Les lignes téléphoniques étaient encombrées, le téléphone n’arrêtait pas de sonner, souvent pour rien, et chaque appel nécessitait de longues vérifications. Des pistes avaient été ouvertes dans le Vermont et le Massachusetts où on avait envoyé des équipes cynophiles. Sans résultat. Le point presse donné deux fois par jour par le Chef Pratt et le capitaine Rodik devant l’entrée du poste ressemblait de plus en plus à un aveu d’impuissance.

Sans que personne ne s’en rende compte, Aurora faisait l’objet d’une étroite surveillance : dissimulés parmi les journalistes venus de tout l’État pour couvrir l’événement, des agents fédéraux observaient les alentours de la maison des Kellergan et avaient mis leur téléphone sur écoute. Si c’était un enlèvement, le ravisseur ne tarderait pas à se manifester. Il appellerait, ou peut-être, par perversité, se mêlerait aux curieux qui défilaient devant le 245 Terrace Avenue pour déposer des messages de soutien. Et si ce n’était pas une question de rançon mais bien un maniaque qui avait sévi, comme certains le craignaient, il fal ait le neutraliser au plus vite, avant qu’il ne recommence.

La population se serrait les coudes : les hommes ne comptaient pas les heures passées à ratisser des parcelles entières de prés et de forêts, ou à inspecter les berges des cours d’eau. Robert Quinn prit deux jours de congé pour participer aux recherches.

Erne Pinkas, sur autorisation de son contremaître, quittait l’usine une heure plus tôt pour pouvoir rejoindre les équipes de la fin de l’après-midi jusqu’à la tombée du soir.

Dans la cuisine du Clark’s, Tamara Quinn, Amy Pratt et d’autres bénévoles préparaient des col ations pour les volontaires. Elles ne parlaient que de l’enquête :

- J’ai des informations, répétait Tamara Quinn. J’ai des informations capitales !

- Quoi ? Quoi ? Raconte ! s’époumonait son auditoire en beurrant du pain de mie pour faire des sandwichs.

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