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Lorsqu’il revint, elle était en train de se laver les mains et comme elle avait relevé ses manches pour ne pas les mouil er, il remarqua la marque bleuâtre sur son poignet.

- Qu’est-ce que c’est que ça ? demanda-t-il.

- Rien, je me suis cognée contre la porte à battants l’autre jour.

- Cognée ? Ne me raconte pas d’histoires ! explosa Travis. Tu t’es fait battre, oui ! Qui t’a fait ça ?

- Ce n’est pas important.

- Bien sûr que c’est important ! J’exige de savoir qui est cet homme qui te fait tant de mal. Dis-le moi, je ne partirai pas d’ici tant que je ne le saurai pas.

- C’est… C’est Luther Caleb qui m’a fait ça. Le chauffeur de Stern. Il… C’était l’autre matin, il était en colère. Il m’a attrapé le poignet et m’a fait mal. Mais ce n’était pas volontaire, tu sais. Il n’a pas mesuré sa force.

- C’est grave, Jenny ! C’est très grave ! S’il revient ici, je veux que tu me préviennes immédiatement !

20 août 1975

Elle chantait en marchant sur le chemin de Goose Cove. Elle se sentait envahie d’une douce sensation de joie : dans dix jours, ils partiraient ensemble. Dans dix jours, el e commencerait enfin à vivre pour de bon. Elle comptait les nuits avant le grand jour : c’était si proche. Lorsqu’elle aperçut la maison, au bout du chemin de gravier, elle accéléra le pas, si pressée de retrouver Harry. Elle ne remarqua pas la silhouette tapie dans les fourrés qui l’observait. Elle entra dans la maison par la porte principale, sans sonner, comme elle faisait désormais tous les jours.

- Harry chéri ! appela-t-elle pour s’annoncer.

Il n’y eut aucune réponse. La maison semblait déserte. Elle appela encore.

Silence. Elle traversa la salle à manger et le salon, sans le trouver. Il n’était pas dans son bureau. Ni sur la terrasse. Elle descendit alors les escaliers jusqu’à la plage et cria son nom. Peut-être était-il allé se baigner ? Il faisait ça lorsqu’il avait trop travaillé. Mais il n’y avait personne non plus sur la plage. Elle sentit la panique l’envahir : où pouvait-il bien être ? Elle retourna dans la maison, appela encore. Personne. Elle passa en revue toutes les pièces du rez-de-chaussée puis monta à l’étage.

Ouvrant la porte de la chambre, elle le trouva assis sur son lit, en train de lire un paquet de feuil es.

- Harry ? Vous étiez là ? Ça va faire dix minutes que je vous cherche partout…

Il sursauta en l’entendant.

- Pardon, Nola, je lisais… Je ne t’ai pas entendue.

Il se leva, rempila les pages qu’il tenait dans ses mains et les glissa dans un tiroir de sa commode.

Elle eut un sourire :

- Et que lisiez-vous de si passionnant que vous ne m’ayez même pas entendue hurler votre nom à travers la maison ?

- Rien d’important.

- C’est la suite de votre roman ? Montrez-moi !

- Rien d’important, je te montrerai à l’occasion.

Elle le regarda d’un air mutin :

- Vous êtes sûr que ça va, Harry ?

Il rit.

- Tout va bien, Nola.

Ils sortirent sur la plage. Elle voulait voir les mouettes. Elle ouvrit grands les bras, comme si el e avait des ailes, et courut en décrivant de grands cercles.

- J’aimerais pouvoir voler, Harry ! Plus que dix jours ! Dans dix jours nous nous envolerons ! Nous partirons de cette ville de malheur pour toujours !

Ils se croyaient seuls sur la plage. Ni Harry, ni Nola ne se doutaient que Luther Caleb les observait, depuis la forêt, au-dessus des rochers. Il attendit qu’ils retournent dans la maison pour sortir de sa cachette : il longea le chemin de Goose Cove en courant et regagna sa Mustang, sur le chemin forestier paral èle. Il se rendit à Aurora et gara sa voiture devant le Clark’s. Il se précipita à l’intérieur : il devait absolument parler à Jenny. Il fallait que quelqu’un sache. Il avait un mauvais pressentiment. Mais Jenny n’avait aucune envie de le voir.

- Luther ? Tu ne devrais pas être ici, lui dit-elle lorsqu’il se présenta devant le comptoir.

- Venny… Ve fuis dévolé pour l’autre matin. Ve n’aurais pas dû t’attraper le bras comme ve l’ai fait.

- J’ai eu un bleu après ça…

- Ve fuis dévolé.

- Il faut que tu partes maintenant.

- Non, attends…

- J’ai porté plainte contre toi, Luther. Travis dit que si tu reviens en ville, je dois l’appeler et que tu auras affaire à lui. Tu ferais bien de partir avant qu’il ne te voie ici.

Le géant eut un air dépité.

- Tu as porté plainte contre moi ?

- Oui. Tu m’as fait si peur l’autre matin…

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