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- Je suis très fort pour deviner ce genre de choses. Vous la sautez, hein ?

- Je… Je vous demande pardon ?

- Allons ne faites pas cette tête, mon ami. Il n’y a rien de mal à cela. Jenny, la serveuse, vous la sautez, n’est-ce pas ? Parce qu’à voir son comportement depuis que nous sommes arrivés, elle se fait forcément sauter par l’un de nous deux. Or, je sais que ce n’est pas moi. J’en déduis donc que c’est vous. Ha, ha ! Vous avez bien raison.

Joli brin de fil e. Notez comme je suis perspicace.

Quebert se força à rire, soulagé.

- Jenny et moi ne sommes pas ensemble, dit-il. Disons que nous avons juste flirté un peu. C’est une gentille fil e, mais pour vous faire une confidence, je m’ennuie un peu avec elle… J’aimerais trouver quelqu’un dont je sois très amoureux, quelqu’un de spécial… De différent…

- Bah, je ne me fais pas de souci pour vous. Vous finirez par trouver la perle rare, cel e qui vous rendra heureux.

Pendant que Harry et Stern déjeunaient, sur la route 1 frappée par le soleil, Nola rentrait chez el e, transportant sa machine à écrire. Une voiture arriva derrière elle et s’arrêta à sa hauteur. C’était le Chef Pratt, au volant d’un véhicule de la police d’Aurora.

- Où vas-tu avec cette machine à écrire ? demanda-t-il un peu amusé.

- Je rentre chez moi, Chef.

- À pied ? D’où diable viens-tu ? Peu importe : monte, je vais te conduire.

- Merci, Chef Pratt, mais je préfère marcher.

- Ne sois pas ridicule. Il fait une chaleur à crever.

- Non merci, Chef.

Le Chef Pratt eut soudain un ton de voix agressif.

- Pourquoi ne veux-tu pas que je te ramène ? Monte je te dis ! Monte !

Nola finit par accepter et Pratt la fit s’installer sur le siège du passager, à côté de lui. Mais au lieu de continuer en direction de la ville, il effectua un demi-tour et repartit dans l’autre direction.

- Où al ons-nous, Chef ? Aurora est de l’autre côté.

- Ne t’inquiète pas, ma petite. Je veux juste te montrer quelque chose de beau.

Tu n’as pas peur, hein ? Je veux te montrer la forêt, c’est un bel endroit. Tu veux voir un bel endroit, non ? Tout le monde aime les beaux endroits.

Nola ne dit plus rien. La voiture roula jusqu’à Side Creek, s’engouffra sur un chemin forestier et se rangea à l’abri des arbres. Le Chef défit alors sa ceinture, ouvrit sa braguette, et, saisissant Nola par la nuque, lui ordonna de faire ce qu’elle avait su si bien lui faire dans son bureau.

15 août 1975

À huit heures du matin, Louisa Kellergan vint chercher sa fille dans sa chambre.

Nola l’attendait assise sur son lit, en sous-vêtements. C’était le jour. Elle savait. Louisa eut un sourire plein de tendresse pour sa fille.

- Tu sais pourquoi je fais ça, Nola…

- Oui, Maman.

- C’est pour ton bien. Pour que tu ail es au Paradis. Tu veux être un ange, non ?

- Je ne sais pas si je veux être un ange, Maman.

- Allons, ne dis pas de bêtises. Viens, ma chérie.

Nola se leva et suivit docilement sa mère jusque dans la sal e de bains. La grande bassine était prête, posée sur le sol, remplie d’eau. Nola regarda sa mère : c’était une belle femme, avec de magnifiques cheveux blonds et ondulés. Tout le monde disait qu’el es se ressemblaient beaucoup.

- Je t’aime, Maman, dit Nola.

- Moi aussi je t’aime, ma chérie.

- Je regrette d’être une méchante fille.

- Tu n’es pas une méchante fille.

Nola s’agenouilla devant la bassine; sa mère lui attrapa la tête et la lui plongea dedans, en la tenant par les cheveux. Elle compta jusqu’à vingt, lentement et sévèrement, puis ressortit de l’eau glacée la tête de Nola, qui laissa échapper un cri de panique. « Allons, ma fil e, c’est pour ta pénitence, lui dit Louisa. Encore, encore. » Et el e lui replongea aussitôt la tête sous l’eau glacée.

Enfermé dans le garage, le révérend écoutait sa musique.

Il était épouvanté par ce qu’il venait d’entendre.

- Ta mère te noie ? répéta Harry, bouleversé.

Il était midi. Nola venait d’arriver à Goose Cove. Elle avait pleuré toute la matinée, et malgré ses efforts pour sécher ses yeux rougis au moment d’arriver à la grande maison, Harry avait immédiatement remarqué que quelque chose n’allait pas.

- Elle me met la tête dans la grande bassine, expliqua Nola. L’eau est glacée !

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