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- Alors vous avez peur que votre fille se retrouve seule jusqu’à la fin de sa vie.

- Oui ! Exactement ! Jusqu’à la fin de sa vie !

- Vous-même, avez-vous peur de la solitude ?

- Oui.

- Qu’est-ce que ça vous inspire ?

- La solitude, c’est la mort.

- Avez-vous peur de mourir ?

- La mort, docteur, ça me terrifie.

Dimanche 14 septembre 1975

À la table des Quinn, Travis fut bombardé de questions. Tamara voulait tout savoir sur cette enquête qui n’avançait pas. Robert, lui, avait bien quelques curiosités à partager, mais les rares fois où il avait voulu parler, sa femme l’avait rabroué en lui disant : « Tais-toi, Bobbo. C’est pas bon pour ton cancer. » Jenny avait l’air malheureuse et toucha à peine au repas. Seule sa mère tenait le crachoir. Au moment de servir la tarte aux pommes, elle finit par oser demander :

- Alors, Travis, vous avez une liste de suspects ?

- Pas vraiment. Je dois dire qu’on patauge un peu pour le moment. C’est quand même fou, il n’y a pas le moindre indice.

- Est-ce que Harry Quebert est suspect ? interrogea Tamara.

- Maman ! s’indigna Jenny.

- Alors quoi ? On peut plus poser de questions dans cette maison ? Si je donne son nom, c’est parce que j’ai de bonnes raisons : c’est un pervers, Travis. Un pervers !

Il serait impliqué dans la disparition de la petite que je serais pas étonnée.

- C’est grave ce que vous avancez, M’dame Quinn, lui répondit Travis. On ne peut pas dire ce genre de choses sans preuve.

- Mais j’en avais ! beugla-t-elle, folle de rage. J’en avais ! Figure-toi que j’avais un texte écrit de sa main et très compromettant, rangé dans mon coffre, au restaurant !

Je suis la seule à avoir la clé ! Et tu sais où je garde la clé ? Autour de mon cou ! Je ne l’enlève jamais ! Jamais ! Eh bien, l’autre jour, j’ai voulu reprendre ce fichu morceau de papier pour le donner au Chef Pratt, et voilà qu’il avait disparu ! Il n’était plus dans mon coffre ! Comment c’est possible ? Je n’en sais rien. C’est de la sorcellerie !

- Peut-être que tu l’as simplement rangé ail eurs, suggéra Jenny.

- La ferme, ma fille. Je ne suis tout même pas fol e, non ? Bobbo, suis-je folle ?

Robert hocha la tête dans un geste qui ne disait ni oui ni non, ce qui eut pour effet d’irriter encore plus sa femme.

- Alors, Bobbo, pourquoi tu ne réponds pas quand je te pose une question ?

- À cause de mon cancer, finit-il par dire.

- Eh bien, t’auras pas de tarte. C’est le docteur qui l’a dit : les desserts pourraient te tuer sur-le-champ.

- Mais je n’ai pas entendu le docteur dire ça ! protesta Robert.

- Tu vois, le cancer te rend déjà sourd. Dans deux mois, tu rejoindras les anges, mon pauvre Bobbo.

Travis essaya de calmer la tension en reprenant le fil de la discussion :

- En tout cas, si vous n’avez pas de preuve, ça ne tient pas la route, conclut-il.

Les enquêtes de police sont des choses précises et scientifiques. Et j’en sais quelque chose : j’ai été major de ma promotion à l’académie de police.

La seule idée de ne plus savoir où était passé le morceau de papier qui pouvait faire perdre Harry mettait Tamara dans tous ses états. Pour se calmer, el e s’empara de la pelle à tarte et coupa plusieurs tranches d’un geste guerrier, tandis que Bobbo sanglotait parce qu’il n’avait pas du tout envie de mourir.

Mercredi 17 septembre 1975

La recherche du feuil et obsédait Tamara Quinn. Elle avait passé deux jours à fouiller sa maison, sa voiture, et même le garage où elle n’allait jamais. En vain. Ce matin-là, après le lancement du premier service du petit déjeuner au Clark’s, elle s’enferma dans son bureau et vida le contenu de son coffre sur le sol : personne n’avait accès au coffre, c’était impossible que le feuillet ait disparu. Il devait être là. Elle en revérifia le contenu, en vain; dépitée el e remit ses affaires en ordre. À cet instant, Jenny frappa et passa la tête par l’entrebâillement de la porte. Elle trouva sa mère plongée dans l’énorme gueule d’acier.

- Ma’ ? Qu’est-ce que tu fais ?

- Je suis occupée.

- Oh, Ma’ ! Ne me dis pas que tu es encore en train de chercher ce satané morceau de papier ?

- Occupe-toi de tes salades, ma fil e, veux-tu ? Quelle heure est-il ?

Jenny consulta sa montre.

- Presque huit heures trente, dit-elle.

- Archi zut ! Je suis en retard.

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