"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » » "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" de Joël Dicker

Add to favorite "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" de Joël Dicker

Harry vérité Quebert Marcus jeune intrigue passé l'affaire mentor roman Dicker questions soulève l'art l'amour réflexions l'enquête habilement récit entrecroisant

Select the language in which you want the text you are reading to be translated, then select the words you don't know with the cursor to get the translation above the selected word!




Go to page:
Text Size:

- Je lui ai parlé. Il s’appelle Edward Horowitz. Il est à la retraite maintenant. Il passe ses journées à retaper son bateau, devant sa maison.

- Est-il possible d’aller le voir ? demanda Gahalowood.

- J’ai déjà pris rendez-vous. Il nous attend à trois heures.

L’inspecteur à la retraite Horowitz se tenait devant sa maison, impassible, ponçant avec application la coque d’un canot en bois. Comme le temps était menaçant, il avait ouvert la porte de son garage pour s’en servir comme d’un abri. Il nous invita à piocher dans le pack de bières éventré qui traînait par terre et nous parla sans interrompre son travail, mais en nous faisant comprendre que nous avions toute son attention. Il revint sur l’incendie de la maison des Kellergan et nous répéta ce dont nous avions déjà pris connaissance en lisant le rapport de police, sans beaucoup plus de détails.

- Au fond, cet incendie, c’était une drôle d’histoire, conclut-il.

- Comment ça ? demandai-je.

- On a longtemps pensé que David Kellergan avait mis le feu à la maison et tué sa femme. Il n’y a aucune preuve de sa version des faits : comme par miracle, il arrive à temps pour sauver sa fille, mais juste trop tard pour sauver sa femme. Il était tentant de croire qu’il avait lui-même mis le feu à la maison. Surtout que quelques semaines plus tard, il a foutu le camp de la ville. La maison brûle, sa femme meurt et lui, il se tire. Il y avait quelque chose de pas net, mais on n’a jamais eu le moindre élément qui puisse le désigner coupable.

- C’est le même scénario que la disparition de sa fille, constata Gahalowood. En 1975, Nola disparaît de la circulation : elle est probablement assassinée, mais aucun élément ne permet de l’affirmer vraiment.

- À quoi pensez-vous, sergent ? demandai-je. Que le révérend aurait tué sa femme, puis sa fille ? Vous pensez qu’on s’est trompé de coupable ?

- Si c’est le cas, c’est une catastrophe, s’étrangla Gahalowood. Qui pourrait-on

interroger, Monsieur Horowitz ?

- Difficile à dire. Vous pouvez aller voir au temple de Mt Pleasant. Ils ont peut-être un registre des paroissiens, certains ont connu le révérend Kel ergan. Mais trente-neuf ans après les faits… Vous allez perdre un temps fou.

- On a plus de temps, pesta Gahalowood.

- Je sais que David Kel ergan était assez proche d’une espèce de secte pentecôtiste de la région, reprit Horowitz. Des fous de Dieu qui vivent en communauté dans une propriété fermière, à une heure de route d’ici. C’est là-bas que le révérend a vécu après l’incendie. Je le sais parce que j’allais le trouver là-bas quand je devais lui parler pendant mon enquête. Il y est resté jusqu’à son départ. Demandez à parler au pasteur Lewis, s’il est toujours là-bas. C’est leur espèce de gourou.

Le pasteur Lewis dont parlait Horowitz dirigeait la Communauté de la Nouvelle Église du Sauveur. Nous nous y rendîmes le lendemain matin. L’officier Thomas vint nous chercher dans le Holiday Inn du bord de l’autoroute dans lequel nous avions pris deux chambres - l’une payée par l’État du New Hampshire, l’autre par moi-même - et nous conduisit dans une gigantesque propriété, dont une grande partie consistait en des champs cultivés. Après nous être perdus sur une route bordée de plants de maïs, nous croisâmes un type en tracteur qui nous guida jusqu’à un groupe de maisons et nous désigna celle du pasteur.

Nous y fûmes aimablement reçus par une gentille et grosse femme, qui nous installa dans un bureau où nous rejoignit, quelques minutes plus tard, le Lewis en question. Je savais qu’il devait avoir dans les quatre-vingt-dix ans mais il en faisait vingt de moins. Il avait l’air plutôt sympathique, rien à voir avec la description que nous en avait fait Horowitz.

- La police ? dit-il en nous saluant un par un.

- Polices d’État du New Hampshire et de l’Alabama, indiqua Gahalowood. Nous enquêtons sur la mort de Nola Kellergan.

- J’ai l’impression qu’on ne parle que de ça dernièrement.

Tout en me serrant la main, il me dévisagea un instant et me demanda :

- Vous n’êtes pas… ?

- Si, c’est lui, répondit Gahalowood, agacé.

- Alors… Que puis-je pour vous, Messieurs ?

Gahalowood débuta l’interrogatoire.

- Pasteur Lewis, si je ne me trompe pas, vous avez connu Nola Kel ergan.

- Oui. À vrai dire, j’ai surtout bien connu ses parents. Des gens charmants. Très proches de notre communauté.

- Qu’est-ce que « votre communauté » ?

- Nous sommes un courant pentecôtiste, sergent. Rien de plus. Nous avons des idéaux chrétiens et nous les partageons. Oui, je sais, certains disent que nous sommes une secte. Nous recevons la visite des services sociaux deux fois par an pour voir si les enfants sont scolarisés, correctement nourris ou maltraités. Ils viennent voir aussi si nous avons des armes ou si nous sommes des suprématistes blancs. Ça en devient ridicule. Nos enfants vont tous au lycée municipal, je n’ai jamais tenu une carabine de ma vie et je participe activement à la campagne électorale de Barack Obama dans notre comté. Que voulez-vous savoir, au juste ?

- Ce qui s’est passé en 1969, dis-je.

- Apollo 11 se pose sur la lune, répondit Lewis. Victoire majeure de l’Amérique sur l’ennemi soviétique.

- Vous savez très bien de quoi je parle. L’incendie chez les Kellergan. Que s’est-il réellement passé ? Qu’est-il arrivé à Louisa Kellergan ?

Alors que je n’avais pas prononcé le moindre mot, Lewis me dévisagea longuement et s’adressa à moi.

- Je vous ai beaucoup vu à la télévision ces derniers temps, Monsieur Goldman.

Je pense que vous êtes un bon écrivain, mais comment ne vous êtes-vous pas renseigné au sujet de Louisa ? Car j’imagine que c’est la raison pour laquel e vous êtes ici, hein ? Votre livre ne tient pas la route et, pour utiliser des termes très terre à terre, j’imagine que c’est la panique à bord. Est-ce correct ? Que venez-vous chercher ici ? La justification de vos mensonges ?

- La vérité, dis-je.

Il sourit tristement.

- La vérité ? Mais laquelle, Monsieur Goldman ? Celle de Dieu ou celle des hommes ?

- La vôtre. Quel e est votre vérité sur la mort de Louisa Kellergan ? David Kel ergan a-t-il tué sa femme ?

Le pasteur Lewis se leva du fauteuil dans lequel il était assis et alla fermer la porte de son bureau, qui était restée entrouverte. Il se posta ensuite devant la fenêtre et scruta l’extérieur. Cette scène me rappela immédiatement notre visite au Chef Pratt.

Gahalowood me fit un signe pour me dire qu’il prenait le relais.

- David était un homme si bon, finit par souffler Lewis.

- Était ? releva Gahalowood.

- Il y a trente-neuf ans que je ne l’ai pas vu.

- Battait-il sa fille ?

- Non ! Non. C’était un homme au cœur pur. Un homme de foi. Quand il a débarqué à Mt Pleasant, les travées étaient désertes. Six mois plus tard, il faisait salle comble le dimanche matin. Il n’aurait jamais pu faire le moindre mal à sa femme, ni à sa fille.

- Alors qui étaient-ils ? demanda doucement Gahalowood. Qui étaient les Kel ergan ?

Le pasteur Lewis appela sa femme. Il demanda du thé au miel pour tout le monde. Il retourna s’asseoir dans son fauteuil et nous regarda tour à tour. Il avait le regard tendre et la voix chaude. Il nous dit :

- Fermez les yeux, Messieurs. Fermez-les yeux. À présent, nous sommes à Jackson, Alabama, année 1953.

Jackson, Alabama, janvier 1953

C’était une histoire comme l’Amérique les aime. Un jour du début de l’année 1953, un jeune pasteur venu de Montgomery entra dans le bâtiment délabré du temple de Mt Pleasant, au centre de Jackson. C’était un jour de tempête : des rideaux d’eau tombaient du ciel, les rues étaient balayées par des bourrasques d’une rare violence. Les arbres se balançaient, des journaux arrachés au crieur réfugié sous le

Are sens