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- Et ensuite ? Qu’avez-vous fait de ce feuillet ?

- Je l’ai emporté avec moi.

- Dans quel but ?

- Nuire à Quebert. Je voulais qu’il aille en prison.

- Et vous avez parlé de ce feuillet à quelqu’un ?

- Évidemment !

- À qui ?

- Au Chef Pratt. Dans les jours qui ont suivi cette découverte.

- Uniquement à lui ?

- J’en ai parlé plus largement au moment de la disparition de Nola. Quebert était une piste que la police ne devait pas négliger.

- Donc, si je comprends bien, vous découvrez que Harry Quebert en pince pour Nola, et vous n’en parlez à personne, sauf lorsque la gamine en question disparaît, environ deux mois plus tard.

- C’est ça.

- Madame Quinn, dis-je. Du peu que je vous connais, je vois mal pourquoi au moment de votre découverte, vous ne vous en servez pas pour faire du tort à Harry, qui s’est somme toute mal comporté à votre égard en ne venant pas à votre garden-party…

Je veux dire, sauf votre respect, vous êtes plutôt du genre à placarder ce feuil et sur les murs de la ville ou à le distribuer dans les boîtes aux lettres de vos voisins.

Elle baissa les yeux :

- Vous ne comprenez donc pas ? J’en avais tellement honte. Tellement honte !

Harry Quebert, le grand écrivain venu de New York, répudiait ma fille pour une gamine de quinze ans. Ma fille ! Vous pensez que je me sentais comment ? J’étais tel ement humiliée. Tellement humiliée ! J’avais fait courir le bruit que Harry et Jenny, c’était du solide, alors imaginez la tête des gens… Et puis, Jenny était tellement amoureuse. Elle en serait morte, si elle avait su. Alors j’ai décidé de garder ça pour moi. Il fal ait voir ma

Jenny, le soir du bal de l’été qui eut lieu la semaine suivante. Elle avait l’air si triste, même au bras de Travis.

- Et le Chef Pratt ? Que vous a-t-il dit lorsque vous lui en avez parlé ?

- Qu’il allait mener son enquête. Je lui en ai reparlé quand la petite a disparu : il a dit que ça pouvait être une piste. Le problème c’est qu’entre-temps, ce feuillet a disparu.

- Comment ça, disparu ?

- Je le gardais dans le coffre du Clark’s. J’étais la seule à y avoir accès. Et puis un jour du tout début du mois d’août 1975, ce feuil et a mystérieusement disparu. Plus de feuillet, plus de preuve contre Harry.

- Qui l’aurait pris ?

- Aucune idée ! Ça reste un vrai mystère. Un coffre énorme, en fonte, dont j’étais la seule à posséder la clé. À l’intérieur, il y avait toute la comptabilité du Clark’s, l’argent des salaires et quelques liquidités pour les commandes. Un matin, j’ai réalisé que le feuillet n’était plus là. Il n’y avait aucun signe d’effraction. Tout était là, sauf ce maudit bout de papier. Je n’ai pas la moindre idée de ce qui a pu se passer.

Je pris note de ce qu’el e me disait : tout ceci devenait de plus en plus intéressant. Je demandai encore :

- De vous à moi, Madame Quinn, lorsque vous avez découvert les sentiments de Harry pour Nola, qu’avez-vous ressenti ?

- De la colère, du dégoût.

- N’auriez-vous pas essayé de vous venger en envoyant quelques lettres anonymes à Harry ?

- Des lettres anonymes ? Est-ce que j’ai une tête à faire ce genre de saloperie ?

Je n’insistai pas et poursuivis mes questions :

- Pensez-vous que Nola aurait pu avoir des relations avec d’autres hommes à Aurora ?

Elle manqua de s’étouffer avec son thé glacé.

- Mais vous n’y êtes pas du tout ! Pas-du-tout ! C’était une gentille petite, toute mignonne, toujours prête à rendre service, travail euse, intel igente. Qu’est-ce que vous al ez imaginer avec vos histoires de coucheries intempestives ?

- Juste une simple question, comme ça. Connaissez-vous un certain Elijah Stern ?

- Bien sûr, répondit-elle comme si c’était l’évidence même, avant d’ajouter : c’était le propriétaire avant Harry.

- Le propriétaire de quoi ? demandai-je.

- De la maison de Goose Cove, pardi. Elle appartenait à Elijah Stern, et il y venait régulièrement avant. C’était une maison de famil e, je crois. Il y a une époque où on le croisait souvent à Aurora. Lorsqu’il a repris les affaires de son père à Concord, il n’a plus eu le temps de venir ici, alors il a mis Goose Cove en location, avant de finalement la vendre à Harry.

Je n’en revenais pas :

- Goose Cove appartenait à Elijah Stern ?

- Ben oui. Qu’est-ce qui vous arrive, le New-Yorkais ? Vous êtes tout blême…

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