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Vous ne devez jamais mourir. Vous êtes un ange. Les anges ne meurent jamais.

Voyez comme je ne suis jamais loin de vous. Séchez vos larmes, je vous ensupplie. Je ne supporte pas de vous savoir triste.

Je vous embrasse pour que s’atténue votre peine.

* *

Cher amour,

Quel e surprise de trouver votre mot au moment de me coucher ! Je vous écrisen cachette : le soir, nous n'avons pas le droit de veiller après le couvre-feu et lesinfirmières sont de vraies peaux de vache. Mais je ne pouvais pas résister : à peine ai-je lu vos lignes que je devais y répondre. Juste pour vous dire que je vous aime.

Je rêve de danser avec vous. Je suis certaine que vous dansez commepersonne. J’aimerais vous demander de m’emmener au bal de l’été, mais je sais quevous ne voudrez pas. Vous direz que si l’on nous voit ensemble, nous serons perdus.

Je pense que je ne serai pas encore sortie d’ici de toute façon. Mais pourquoi vivre, sion ne peut aimer ? C’est la question que je me suis posée lorsque j’ai fait ce que j’aifait.

Je suis éternellement vôtre.

* *

Mon merveilleux ange,

Un jour, nous danserons. Je vous le promets. Un jour viendra où l’amour vaincraet où nous pourrons nous aimer au grand jour. Et nous danserons, nous danserons surles plages. La plage, comme au premier jour. Vous êtes tellement belle lorsque vousêtes sur la plage.

Guérissez vite ! Un jour nous danserons, sur les plages.

* *

Cher amour,

Danser sur les plages. Je ne rêve que de ça.

Dites-moi qu'un jour vous m’emmènerez danser sur les plages, juste vous etmoi…

18. Martha’s Vineyard

(Massachusetts, fin juillet 1975)

“Dans notre société, Marcus, les hommes que l’on admire le plus sont ceux qui bâtissent des ponts, des gratte-ciel et des empires. Mais en réalité, les plus fiers et les plus admirables sont ceux qui arrivent à bâtir l’amour. Car il n’est pas de plus grande et de plus difficile entreprise.”

Elle dansait sur la plage. Elle jouait avec les vagues et courait sur le sable, les cheveux au vent; elle riait, el e était tellement heureuse de vivre. De la terrasse de l’hôtel, Harry la contempla un instant, puis il se replongea dans les feuillets qui recouvraient la table où il était installé. Il écrivait vite, et bien. Depuis qu’ils étaient arrivés ici, il avait déjà écrit plusieurs dizaines de pages, il avançait à un rythme frénétique. C’était grâce à elle. Nola, Nola chérie, sa vie, son inspiration. N-O-L-A. Il écrivait son grand roman enfin. Un roman d’amour.

« Harry, cria-t-elle, faites une pause ! Venez vous baigner ! » Il s’autorisa à interrompre son travail et monta dans leur chambre, rangea les feuil ets dans sa mallette et passa son maillot de bain. Il la rejoignit sur la plage, et ils marchèrent le long de l’océan, s’éloignant de l’hôtel, de la terrasse, des autres clients et des baigneurs. Ils passèrent une barrière de rochers et arrivèrent à une crique isolée. Là, ils pouvaient s’aimer.

- Prenez-moi dans vos bras, Harry chéri, lui dit-el e lorsqu’ils furent protégés des regards.

Il l’enlaça et elle s’accrocha à son cou, fort. Puis ils plongèrent dans l’océan et s’éclaboussèrent gaiement, avant d’aller se sécher au soleil, allongés sur les grands linges blancs de l’hôtel. Elle posa sa tête sur son torse.

- Je vous aime, Harry… Je vous aime comme je n’ai jamais aimé.

Ils se sourirent.

- Ce sont les plus belles vacances de ma vie, dit Harry.

Le visage de Nola s’illumina :

- Faisons des photos ! Faisons des photos, comme ça nous n’oublierons jamais !

Avez-vous pris l’appareil ?

Il sortit l’appareil de son sac et le lui donna. Elle se colla contre lui et tint le boîtier à bout de bras, dirigeant l’objectif vers eux, et prit une photo. Juste avant d’appuyer sur le déclencheur, elle tourna la tête et l’embrassa longuement sur la joue. Ils rirent.

- Je pense que cette photo sera très bonne, dit-el e. Surtout, gardez-la toute votre vie.

- Toute ma vie. Cette photo ne me quittera jamais.

Ils étaient là depuis quatre jours.

Deux semaines plus tôt

C’était le samedi 19 juil et, jour du traditionnel bal de l’été. Pour la troisième année consécutive, le bal n’avait pas lieu à Aurora mais au country club de Montburry, seul endroit digne d’accueillir pareil événement selon Amy Pratt qui, depuis qu’el e en avait pris les rênes, s’était efforcée d’en faire une soirée de grand standing. Elle avait banni l’utilisation de la salle de gymnastique du lycée d’Aurora, interdit les buffets au profit de dîners assis et placés, décrété le port obligatoire de la cravate pour les hommes et instauré une tombola entre la fin du dîner et le début des danses pour relancer l’ambiance.

Pendant le mois précédant le bal, on voyait ainsi Amy Pratt arpenter la ville pour vendre à prix d’or ses tickets de tombola, que personne ne refusait d’acheter, de crainte d’être mal placé le soir du bal. Selon certains, les bénéfices - juteux - des ventes al aient directement dans sa poche, mais personne n’osait en parler ouvertement : il importait d’être en bons termes avec elle. Il se disait qu’une année, elle avait volontairement oublié d’attribuer une place à table à une femme avec qui el e s’était disputée. Au moment du dîner, la malheureuse s’était retrouvée debout au milieu de la sal e.

Harry avait d’abord décidé de ne pas se rendre au bal. Il avait pourtant bien acheté sa place quelques semaines plus tôt, mais à présent il n’était plus d’humeur à sortir : Nola était toujours à la clinique et il était malheureux. Il voulait être seul. Mais le matin même, Amy Pratt était venue tambouriner à sa porte : il y avait des jours qu’el e ne l’avait plus vu en ville, on ne le trouvait plus au Clark’s. Elle voulait s’assurer qu’il ne lui ferait pas faux bond, il devait absolument être présent au bal, el e avait dit à tout le monde qu’il serait là. Pour la première fois, une grande vedette new-yorkaise assisterait à sa soirée et, qui sait, l’année suivante, Harry reviendrait peut-être avec tout le gratin du show-business. Et d’ici quelques années le Tout-Hollywood et le Tout-Broadway viendraient jusque dans le New Hampshire pour assister à ce qui serait devenu l’un des événements les plus mondains de la côte Est. « Vous viendrez ce soir, Harry ? Hein, vous serez là ? » Avait-elle gémi en se tortillant devant sa porte. Elle l’avait supplié et il avait fini par promettre de venir, surtout parce qu’il ne savait pas dire non, et el e avait même réussi à lui refourguer pour cinquante dollars de tickets de tombola.

Plus tard dans la journée, il était allé voir Nola à la clinique. Sur la route, dans un magasin de Montburry, il avait encore acheté des disques d’opéra. Il n’arrivait pas à s’en empêcher, il savait que la musique la rendait tellement heureuse. Mais il dépensait trop d’argent, il ne pouvait plus se le permettre. Il n’osait pas imaginer l’état de son compte en banque; il ne voulait même pas en connaître le solde restant. Ses économies partaient en fumée, et à ce train-là, il n’aurait bientôt plus de quoi payer la maison jusqu’à la fin de l’été.

À la clinique, ils s’étaient promenés dans le parc et, dans le secret d’un bosquet, Nola l’avait enlacé.

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