Alors la vie regarda pensive derrière elle et autour d’elle et elle dit à voix basse : « Ô
Zarathoustra, tu ne m’es pas assez fidèle !
Il s’en faut de beaucoup que tu ne m’aimes autant que tu le dis ; je sais que tu songes à
me quitter bientôt.
Il y a un vieux bourdon, lourd, très lourd : il sonne la nuit là-haut, jusque dans ta caverne : – quand tu entends cette cloche sonner les heures à minuit, tu songes à me quitter entre une heure et minuit : – tu y songes, ô Zarathoustra, je sais que tu veux bientôt m’abandonner ! » –
« Oui, répondis-je en hésitant, mais tu le sais aussi – » Et je lui dis quelque chose à l’oreille, en plein dans ses touffes de cheveux embrouillées, dans ses touffes jaunes et
folles.
« Tu sais cela, ô Zarathoustra ? Personne ne sait cela – »
Et nous nous sommes regardés, nous avons jeté nos regards sur la verte prairie, où passait la fraîcheur du soir, et nous avons pleuré ensemble. – Mais alors la vie m’était plus chère que ne m’a jamais été toute ma sagesse. –
Ainsi parlait Zarathoustra.
3.
Un !
Ô homme prends garde !
Deux !
Que dit minuit profond ?
Trois !
« J’ai dormi, j’ai dormi –,
Quatre !
« D’un rêve profond je me suis éveillé : –
Cinq !
« Le monde est profond,
Six !
« Et plus profond que ne pensait le jour.
Sept !
« Profonde est sa douleur –,
Huit !
« La joie – plus profonde que l’affliction.
Neuf !
« La douleur dit : Passe et finis !
Dix !
« Mais toute joie veut l’éternité –
Onze !
« – veut la profonde éternité ! »
Douze !
Les sept sceaux (ou : Le chant de L’Alpha et de L’Oméga)
1.
Si je suis un devin et plein de cet esprit divinatoire qui chemine sur une haute crête entre deux mers, –
qui chemine entre le passé et l’avenir, comme un lourd nuage, – ennemi de tous les étouffants bas-fonds, de tout ce qui est fatigué et qui ne peut ni mourir ni vivre :
prêt à l’éclair dans le sein obscur, prêt au rayon de clarté rédempteur, gonflé d’éclairs
affirmateurs ! qui se rient de leur affirmation ! prêt à des foudres divinatrices :