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DĂ©sapprenez donc la mĂ©lancolie et toutes les tristesses de la populace ! Ô comme les arlequins populaires me paraissent tristes aujourd’hui ! Mais cet aujourd’hui appartient Ă 

la populace.

20.

Faites comme le vent quand il s’élance des cavernes de la montagne : il veut danser Ă  sa

propre maniÚre. Les mers frémissent et sautillent quand il passe.

Celui qui donne des ailes aux Ăąnes et qui trait les lionnes, qu’il soit louĂ©, cet esprit bon et indomptable qui vient comme un ouragan, pour tout ce qui est aujourd’hui et pour toute

la populace, – celui qui est l’ennemi de toutes les tĂȘtes de chardons, de toutes les tĂȘtes fĂȘlĂ©es, et de toutes les feuilles fanĂ©es et de toute ivraie : louĂ© soit cet esprit de tempĂȘte, cet esprit sauvage, bon et libre, qui danse sur les marĂ©cages et les tristesses comme sur des prairies !

Celui qui hait les chiens Ă©tiolĂ©s de la populace et toute cette engeance manquĂ©e et sombre : bĂ©ni soit cet esprit de tous les esprits libres, la tempĂȘte riante qui souffle la poussiĂšre dans les yeux de tous ceux qui voient noir et qui sont ulcĂ©rĂ©s !

Ô hommes supĂ©rieurs, ce qu’il y a de plus mauvais en vous : c’est que tous vous n’avez

pas appris Ă  danser comme il faut danser, – Ă  danser par-dessus vos tĂȘtes ! Qu’importe que

vous n’ayez pas rĂ©ussi !

Combien de choses sont encore possibles ! Apprenez donc Ă  rire par-dessus vos tĂȘtes !

Élevez vos cƓurs, haut, plus haut ! Et n’oubliez pas non plus le bon rire !

Cette couronne du rieur, cette couronne de roses Ă  vous, mes frĂšres, je jette cette couronne ! J’ai canonisĂ© le rire ; hommes supĂ©rieurs, apprenez donc – Ă  rire !

Le chant de la mélancolie

1.

Lorsque Zarathoustra prononça ces discours, il se trouvait Ă  l’entrĂ©e de sa caverne ; mais aprĂšs les derniĂšres paroles, il s’échappa de ses hĂŽtes et s’enfuit pour un moment en

plein air.

« Ô odeurs pures autour de moi, s’écria-t-il, ĂŽ tranquillitĂ© bienheureuse autour de moi !

Mais oĂč sont mes animaux ? Venez, venez, mon aigle et mon serpent !

Dites-moi donc, mes animaux : tous ces hommes supĂ©rieurs, – ne sentent-ils peut-ĂȘtre pas bon ? Ô odeurs pures autour de moi ! Maintenant je sais et je sens seulement combien

je vous aime, mes animaux. »

– Et Zarathoustra dit encore une fois : « Je vous aime, mes animaux ! » L’aigle et le serpent cependant se pressĂšrent contre lui, tandis qu’il prononçait ces paroles et leurs regards s’élevĂšrent vers lui. Ainsi ils se tenaient ensemble tous les trois, silencieusement, aspirant le bon air les uns auprĂšs des autres. Car lĂ -dehors l’air Ă©tait meilleur que chez les hommes supĂ©rieurs.

2.

Mais à peine Zarathoustra avait-il quitté la caverne, que le vieil enchanteur se leva et,

regardant malicieusement autour de lui, il dit :

« Il est sorti !

Et dĂ©jĂ , ĂŽ homme supĂ©rieurs – permettez-moi de vous chatouiller de ce nom de louange

et de flatterie, comme il fit lui-mĂȘme – dĂ©jĂ  mon esprit malin et trompeur, mon esprit d’enchanteur, s’empare de moi, mon dĂ©mon de mĂ©lancolie,

– qui est, jusqu’au fond du cƓur, l’adversaire de ce Zarathoustra : pardonnez-lui !

Maintenant il veut faire devant vous ses enchantements, c’est justement son heure ; je lutte en vain avec ce mauvais esprit.

À vous tous, quels que soient les honneurs que vous vouliez prĂȘter, que vous vous appeliez les « esprits libres » ou bien « les vĂ©ridiques », ou bien « les expiateurs de l’esprit », « les dĂ©chaĂźnĂ©s », ou bien « ceux du grand dĂ©sir » –

Ă  vous tous qui souffrez comme moi du grand dĂ©goĂ»t, pour qui le Dieu ancien est mort, sans qu’un Dieu nouveau soit encore au berceau, enveloppĂ© de linges, – Ă  vous tous, mon

mauvais esprit, mon démon enchanteur, est favorable.

Je vous connais, ĂŽ hommes supĂ©rieurs, je le connais, – je le connais aussi, ce lutin que

j’aime malgrĂ© moi, ce Zarathoustra : il me semble le plus souvent semblables Ă  une belle

larve de saint,

– semblable Ă  un nouveau dĂ©guisement singulier, oĂč se plaĂźt mon esprit mauvais, le dĂ©mon de mĂ©lancolie : – souvent il me semble que j’aime Zarathoustra Ă  cause de mon mauvais esprit. –

Mais dĂ©jĂ  il s’empare de moi et il me terrasse, ce mauvais esprit, cet esprit de mĂ©lancolie, ce dĂ©mon du crĂ©puscule : et en vĂ©ritĂ©, ĂŽ hommes supĂ©rieurs, il est pris d’une

envie –

– ouvrez les yeux ! – il est pris d’une envie de venir nu, en homme ou en femme, je ne

le sais pas encore : mais il vient, il me terrasse, malheur Ă  moi ! ouvrez vos sens !

Le jour baisse, pour toutes choses le soir vient maintenant, mĂȘme pour les meilleures choses ; Ă©coutez donc et voyez, ĂŽ hommes supĂ©rieurs, quel dĂ©mon, homme ou femme, est

cet esprit de la mélancolie du soir ! »

Ainsi parlait le vieil enchanteur, puis il regarda malicieusement autour de lui et saisit sa harpe.

3.

Dans l’air clarifiĂ©,

quand déjà la consolation de la rosée

descend sur terre,

invisible, sans qu’on l’entende,

Are sens