ô comme ils planent en cercle,
descendant toujours plus bas,
au fond de l’abîme toujours plus profond ! –
puis
soudain,
d’un trait droit,
les ailes ramenées,
fondant sur des agneaux,
d’un vol subit, affamé,
pris de l’envie de ces agneaux,
détestant toutes les âmes d’agneaux,
haineux de tout ce qui a le regard
vertueux, l’œil de la brebis, la laine frisée
et grise, avec la bienveillance de l’agneau !
Tels sont,
comme chez l’aigle et la panthère,
les désirs du poète,
tels sont tes désirs, entre mille masques,
toi qui es fou, toi qui es poète !…
Toi qui vis l’homme,
tel Dieu, comme un agneau – :
Déchirer Dieu dans l’homme,
comme l’agneau dans l’homme,
rire en le déchirant –
Ceci, ceci est ta félicité !
La félicité d’un aigle et d’une panthère,
la félicité d’un poète et d’un fou ! »…
Dans l’air clarifié,
quand déjà le croissant de la lune
glisse ses rayons verts,
envieusement, parmi la pourpre du couchant :
– ennemi du jour,
glissant à chaque pas, furtivement,
devant les bosquets de roses,
jusqu’à ce qu’ils s’effondrent
pâles dans la nuit : –
Ainsi je suis tombé moi-même jadis
de ma folie de vérité,
de mes désirs du jour,
fatigué du jour, malade de lumière,
– je suis tombé plus bas, vers le couchant et l’ombre :
par une vérité
brûlé et assoiffé :
– t’en souviens-tu, t’en souviens-tu, cœur chaud,
comme alors tu avais soif ? –
Que je sois banni
de toutes les vérités !
Fou seulement, poète seulement !
De la science
Ainsi chantait l’enchanteur ; et tous ceux qui étaient assemblés furent pris comme des oiseaux, au filet de sa volupté rusée et mélancolique. Seul le consciencieux de l’esprit ne s’était pas laissé prendre : il enleva vite la harpe de la main de l’enchanteur et s’écria :