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Que tu aies dit un jour, ô Zarathoustra : « L’esprit, c’est la vie qui incise elle-même la vie, » c’est ce qui m’a conduit et éconduit à ta doctrine. Et, en vérité, avec mon propre sang, j’ai augmenté ma propre science. »

– « Comme le prouve l’évidence, » interrompit Zarathoustra ; et le sang continuait à couler du bras nu du consciencieux. Car dix sangsues s’y étaient accrochées.

« Ô singulier personnage, combien d’enseignements contient cette évidence, c’est-à-

dire toi-même ! Et je n’oserais peut-être pas verser tous les enseignements dans tes oreilles sévères.

Allons ! Séparons-nous donc ici ! Mais j’aimerais bien te retrouver. Là-haut est le chemin qui mène à ma caverne. Tu dois y être cette nuit le bienvenu parmi mes hôtes.

Je voudrais aussi réparer sur ton corps l’outrage que t’a fait Zarathoustra en te foulant

aux pieds : c’est ce à quoi je réfléchis. Mais maintenant un cri de détresse pressant m’appelle loin de toi. »

Ainsi parlait Zarathoustra.

L’enchanteur

1.

Mais en contournant un rocher, Zarathoustra vit, non loin de là, au-dessus de lui, sur le

même chemin, un homme qui gesticulait des membres, comme un fou furieux et qui finit

par se précipiter à terre à plat ventre. « Halte ! dit alors Zarathoustra à son cœur, celui-là doit être l’homme supérieur, c’est de lui qu’est venu ce sinistre cri de détresse, – je veux voir si je puis le secourir. » Mais lorsqu’il accourut à l’endroit où l’homme était couché par terre, il trouva un vieillard tremblant, aux yeux fixes ; et malgré toute la peine que se donna Zarathoustra pour le redresser et le remettre sur les jambes, ses efforts demeurèrent vains. Aussi le malheureux ne sembla-t-il pas s’apercevoir qu’il y avait quelqu’un auprès

de lui ; au contraire, il ne cessait de regarder de ci de là en faisant des gestes touchants, comme quelqu’un qui est abandonné et isolé du monde entier. Pourtant à la fin, après beaucoup de tremblements, de sursauts et de reploiements sur soi-même, il commença à se

lamenter ainsi :

Qui me réchauffe, qui m’aime encore ?

Donnez des mains chaudes !

Donnez des cœurs-réchauds !

Étendu, frissonnant,

un moribond à qui l’on chauffe les pieds –

secoué, hélas ! de fièvres inconnues,

tremblant devant les glaçons aigus des frimas,

chassé par toi, pensée !

Innommable ! Voilée ! Effrayante !

Chasseur derrière les nuages !

Foudroyé par toi,

œil moqueur qui me regarde dans l’obscurité

– ainsi je suis couché,

je me courbe et je me tords, tourmenté

par tous les martyres éternels,

frappé

par toi, chasseur le plus cruel,

toi, le dieu – inconnu…

Frappe plus fort !

Frappe encore une fois !

Transperce, brise ce cœur !

Pourquoi me tourmenter

de flèches épointées ?

Que regardes-tu encore,

toi que ne fatigue point la souffrance humaine,

Are sens

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