"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » » Ainsi parlait Zarathoustra - Friedrich Nietzsche

Add to favorite Ainsi parlait Zarathoustra - Friedrich Nietzsche

Select the language in which you want the text you are reading to be translated, then select the words you don't know with the cursor to get the translation above the selected word!




Go to page:
Text Size:

de répandre ta peine – répandre en des flots de larmes toute la peine que te cause ta plénitude et toute l’anxiété de la vigne qui la fait soupirer après le vigneron et la serpe du vigneron !

Mais si tu ne veux pas pleurer, pleurer jusqu’à l’épuisement ta mélancolie de pourpre, il

faudra que tu chantes, ô mon âme ! – Vois-tu, je souris moi-même, moi qui t’ai prédit cela :

– chanter d’une voix mugissante, jusqu’à ce que toutes les mers deviennent

silencieuses, pour ton grand désir, –

– jusqu’à ce que, sur les mers silencieuses et ardentes, plane la barque, la merveille dorée, dont l’or s’entoure du sautillement de toutes les choses bonnes, malignes et singulières : –

– et de beaucoup d’animaux, grands et petits, et de tout ce qui a des jambes légères et

singulières, pour pouvoir courir sur des sentiers de violettes, –

– vers la merveille dorée, vers la barque volontaire et vers son maître : mais c’est lui qui est le vigneron qui attend avec sa serpe de diamant, –

– ton grand libérateur, ô mon âme, l’ineffable – pour qui seuls les chants de l’avenir sauront trouver des noms ! Et, en vérité, déjà ton haleine a le parfum des chants de l’avenir, –

– déjà tu brûles et tu rêves, déjà ta soif boit à tous les puits consolateurs aux échos graves, déjà ta mélancolie se repose dans la béatitude des chants de l’avenir ! – –

Ô mon âme, je t’ai tout donné, et même ce qui était mon dernier bien, et toutes mes mains se sont dépouillées pour toi : – que je t’aie dit de chanter, voici, ce fut mon dernier don !

Que je t’aie dit de chanter, parle donc, parle : qui de nous deux maintenant doit dire –

merci ? – Mieux encore : chante pour moi, chante mon âme ! Et laisse-moi te remercier ! –

Ainsi parlait Zarathoustra.

L’autre chant de la danse

1.

« Je viens de regarder dans tes yeux, ô vie : j’ai vu scintiller de l’or dans tes yeux nocturnes, – cette volupté a fait cesser les battements de mon cœur.

– j’ai vu une barque d’or scintiller sur des eaux nocturnes, un berceau doré qui enfonçait, tirait de l’eau et faisait signe !

Tu jetais un regard vers mon pied fou de danse, un regard berceur, fondant, riant et interrogateur : deux fois seulement, de tes petites mains, tu remuas ta crécelle – et déjà mon pied se dandinait, ivre de danse. –

Mes talons se cambraient, mes orteils écoutaient pour te comprendre : le danseur ne porte-t-il pas son oreille – dans ses orteils !

C’est vers toi que j’ai sauté : alors tu t’es reculée devant mon élan ; et c’est vers moi que sifflaient les languettes de tes cheveux fuyants et volants !

D’un bond je me suis reculé de toi et de tes serpents : tu te dressais déjà à demi détournée, les yeux pleins de désirs.

Avec des regards louches – tu m’enseignes des voies détournées ; sur des voies détournées mon pied apprend – des ruses !

Je te crains quand tu es près de moi, je t’aime quand tu es loin de moi ; ta fuite m’attire, tes recherches m’arrêtent : – je souffre, mais, pour toi, que ne souffrirais-je pas volontiers !

Toi, dont la froideur allume, dont la haine séduit, dont la fuite attache, dont les moqueries – émeuvent :

– qui ne te haïrait pas, grande lieuse, enveloppeuse, séduisante, chercheuse qui trouve !

Qui ne t’aimerait pas, innocente, impatiente, hâtive pécheresse aux veux d’enfant !

Où m’entraînes-tu maintenant, enfant modèle, enfant mutin ? Et te voilà qui me fuis de

nouveau, doux étourdi, jeune ingrat !

Je te suis en dansant, même sur une piste incertaine. Où es-tu ? Donne-moi la main ! Ou

bien un doigt seulement !

Il y a là des cavernes et des fourrés : nous allons nous égarer ! – Halte ! Arrête-toi ! Ne vois-tu pas voltiger des hiboux et des chauves-souris ?

Toi, hibou que tu es ! Chauve-souris ! Tu veux me narguer ? Où sommes-nous ? C’est

des chiens que tu as appris à hurler et à glapir.

Aimablement tu claquais devant moi de tes petites dents blanches, tes yeux méchants pétillent vers moi à travers ta petite crinière bouclée !

Quelle danse par monts et par vaux ! je suis le chasseur : – veux-tu être mon chien ou

mon chamois ?

À côté de moi maintenant ! Et plus vite que cela, méchante sauteuse ! Maintenant en haut ! Et de l’autre côté ! – Malheur à moi ! En sautant je suis tombé moi-même !

Ah ! Regarde comme je suis étendu ! regarde, pétulante, comme j’implore ta grâce !

J’aimerais bien à suivre avec toi – des sentiers plus agréables !

– les sentiers de l’amour, à travers de silencieux buissons multicolores ! Ou bien là-bas,

ceux qui longent le lac : des poissons dorés y nagent et y dansent !

Tu es fatiguée maintenant ? Il y a là-bas des brebis et des couchers de soleil : n’est-il

pas beau de dormir quand les bergers jouent de la flûte ?

Tu es si fatiguée ? Je vais t’y porter, laisse seulement flotter tes bras ! As-tu peut-être soif ? – j’aurais bien quelque chose, mais ta bouche n’en veut pas !

Ô ce maudit serpent, cette sorcière glissante, brusque et agile ! Où t’es-tu fourrée ? Mais sur mon visage je sens deux marques de ta main, deux taches rouges !

Je suis vraiment fatigué d’être toujours ton berger moutonnier ! Sorcière ! j’ai chanté pour toi jusqu’à présent, maintenant pour moi tu dois – crier !

Tu dois danser et crier au rythme de mon fouet ! Je n’ai pourtant pas oublié le fouet ? –

Non ! » –

Are sens