"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » Français Books » Ainsi parlait Zarathoustra - Friedrich Nietzsche

Add to favorite Ainsi parlait Zarathoustra - Friedrich Nietzsche

Select the language in which you want the text you are reading to be translated, then select the words you don't know with the cursor to get the translation above the selected word!




Go to page:
Text Size:

– Ainsi parlèrent l’un à l’autre les deux veilleurs de nuit, ennemis de la lumière, puis ils soufflèrent tristement dans leurs cornes. Voilà ce qui se passa hier dans la nuit, le long des vieux murs du jardin.

Quant à moi, mon cœur se tordait de rire ; il voulait se briser, mais ne savais comment ;

et cet accès d’hilarité me secouait le diaphragme.

En vérité, ce sera ma mort, d’étouffer de rire, en voyant des ânes ivres et en entendant

ainsi des veilleurs de nuit douter le Dieu.

Le temps n’est-il pas depuis longtemps passé, même pour de pareils doutes ? Qui aurait le droit de réveiller dans leur sommeil d’aussi vieilles choses ennemies de la lumière ?

Il y a longtemps que c’en est fini des dieux anciens : – et, en vérité, ils ont eu une bonne et joyeuse fin divine !

Ils ne passèrent pas par le « crépuscule » pour aller vers la mort, – c’est un mensonge de

le dire ! Au contraire : ils se sont tués eux-mêmes à force de – rire !

C’est ce qui arriva lorsqu’un dieu prononça lui-même la parole la plus impie, – la parole : « Il n’y a qu’un Dieu ! Tu n’auras point d’autres dieux devant ma face ! » – une

vieille barbe de dieu, un dieu coléreux et jaloux s’est oublié ainsi : – c’est alors que tous les dieux se mirent à rire et à s’écrier en branlant sur leurs sièges : « N’est-ce pas là précisément la divinité, qu’il y ait des dieux – qu’il n’y ait pas un Dieu ? »

Que celui qui a des oreilles pour entendre entende. –

Ainsi parlait Zarathoustra dans la ville qu’il aimait et qui est appelée la « Vache multicolore ».

Car de cet endroit il n’avait plus que deux jours de marche pour retourner à sa caverne,

auprès de ses animaux ; mais il avait l’âme sans cesse pleine d’allégresse de se savoir si

près de son retour. –

Le retour

Ô solitude ! Toi ma patrie, solitude ! Trop longtemps j’ai vécu sauvage en de sauvages pays étrangers, pour ne pas retourner à toi avec des larmes !

Maintenant menace-moi du doigt, ainsi qu’une mère menace, et souris-moi comme

sourit une mère, dis-moi seulement : « Qui était-il celui qui jadis s’est échappé loin de moi comme un tourbillon ? – celui qui, en s’en allant, s’est écrié : trop longtemps j’ai tenu compagnie à la solitude, alors j’ai désappris le silence ! C’est cela – que tu as sans doute appris maintenant ?

« Ô Zarathoustra, je sais tout : et que tu te sentais plus abandonné dans la multitude, toi l’unique, que jamais tu ne l’as été avec moi !

« Autre chose est l’abandon, autre chose la solitude : C’est cela – que tu as appris maintenant ! Et que parmi les hommes tu seras toujours sauvage et étranger :

« – sauvage et étranger, même quand ils t’aiment, car avant tout ils veulent être ménagés !

« Mais ici tu es chez toi et dans ta demeure ; ici tu peux tout dire et t’épancher tout entier, ici nul n’a honte des sentiments cachés et tenaces.

« Ici toutes choses s’approchent à ta parole, elles te cajolent et te prodiguent leurs caresses : car elles veulent monter sur ton dos. Monté sur tous les symboles tu chevauches

ici vers toutes les vérités.

« Avec droiture et franchise, tu peux parler ici à toutes choses : et, en vérité, elles croient recevoir des louanges, lorsqu’on parle à toutes choses – avec droiture.

« Autre chose, cependant, est l’abandon. Car te souviens-tu, ô Zarathoustra ? Lorsque

ton oiseau se mit à crier au-dessus de toi, lorsque tu étais dans la forêt, sans savoir où aller, incertain, tout près d’un cadavre : – lorsque tu disais : que mes animaux me conduisent !

J’ai trouvé plus de danger parmi les hommes que parmi les animaux : – c’était de l’abandon !

« Et te souviens-tu, ô Zarathoustra ? Lorsque tu étais assis sur ton île, fontaine de vin

parmi les seaux vides, donnant à ceux qui ont soif et le répandant sans compter : – jusqu’à ce que tu fus enfin seul altéré parmi les hommes ivres et que tu te plaignis nuitamment :

« N’y a-t-il pas plus de bonheur à prendre qu’à donner ? Et n’y a-t-il pas plus de bonheur

encore à voler qu’à prendre ? » – C’était de l’abandon !

« Et te souviens-tu, ô Zarathoustra ? Lorsque vint ton heure la plus silencieuse qui te chassa de toi-même, lorsqu’elle te dit avec de méchants chuchotements : « Parle et détruis ! » »

« – lorsqu’elle te dégoûta de ton attente et de ton silence et qu’elle découragea ton humble courage : c’était de l’abandon ! » –

Ô solitude ! Toi ma patrie, solitude ! Comme ta voix me parle, bienheureuse tendre !

Nous ne nous questionnons point, nous ne nous plaignons point l’un à l’autre,

ouvertement nous passons ensemble les portes ouvertes.

Car tout est ouvert chez toi et il fait clair ; et les heures, elles aussi, s’écoulent ici plus légères. Car dans l’obscurité, te temps vous paraît plus lourd à porter qu’à la lumière.

Are sens

Copyright 2023-2059 MsgBrains.Com