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– De ces rochers oĂč j’avais eu le bonheur de 509

me cramponner, tandis que notre pauvre capitaine s’y brisait la tĂȘte. Nos trois autres compagnons se sont noyĂ©s. Je crois que je suis le seul qui reste vivant ; j’ai aperçu votre navire, et, craignant d’avoir longtemps Ă  attendre sur cette Ăźle isolĂ©e et dĂ©serte, je me suis hasardĂ© sur un dĂ©bris de notre bĂątiment pour essayer de venir jusqu’à vous.

Merci, continua DantĂšs, vous m’avez sauvĂ© la vie ; j’étais perdu quand l’un de vos matelots m’a saisi par les cheveux.

– C’est moi, dit un matelot Ă  la figure franche et ouverte, encadrĂ©e de longs favoris noirs ; et il Ă©tait temps, vous couliez.

– Oui, dit Dantùs en lui tendant la main, oui, mon ami, et je vous remercie une seconde fois.

– Ma foi ! dit le marin, j’hĂ©sitais presque ; avec votre barbe de six pouces de long et vos cheveux d’un pied, vous aviez plus l’air d’un brigand que d’un honnĂȘte homme. »

DantĂšs se rappela effectivement que depuis qu’il Ă©tait au chĂąteau d’If, il ne s’était pas coupĂ© les cheveux, et ne s’était point fait la barbe.

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« Oui, dit-il, c’est un vƓu que j’avais fait Ă  Notre-Dame del Pie de la Grotta, dans un moment de danger, d’ĂȘtre dix ans sans couper mes cheveux ni ma barbe. C’est aujourd’hui l’expiration de mon vƓu, et j’ai failli me noyer pour mon anniversaire.

– Maintenant, qu’allons-nous faire de vous ?

demanda le patron.

– HĂ©las ! rĂ©pondit DantĂšs, ce que vous voudrez : la felouque que je montais est perdue, le capitaine est mort ; comme vous le voyez, j’ai Ă©chappĂ© au mĂȘme sort, mais absolument nu : heureusement, je suis assez bon matelot ; jetez-moi dans le premier port oĂč vous relĂącherez, et je trouverai toujours de l’emploi sur un bĂątiment marchand.

– Vous connaissez la MĂ©diterranĂ©e ?

– J’y navigue depuis mon enfance.

– Vous savez les bons mouillages ?

– Il y a peu de ports, mĂȘme des plus difficiles, dans lesquels je ne puisse entrer ou dont je ne puisse sortir les yeux fermĂ©s.

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– Eh bien, dites donc, patron, demanda le matelot qui avait criĂ© courage Ă  DantĂšs, si le camarade dit vrai, qui empĂȘche qu’il reste avec nous ?

– Oui, s’il dit vrai, dit le patron d’un air de doute, mais dans l’état oĂč est le pauvre diable, on promet beaucoup, quitte Ă  tenir ce que l’on peut.

– Je tiendrai plus que je n’ai promis, dit Dantùs.

– Oh ! oh ! fit le patron en riant, nous verrons cela.

– Quand vous voudrez, reprit DantĂšs en se relevant. OĂč allez-vous ?

– À Livourne.

– Eh bien, alors, au lieu de courir des bordĂ©es qui vous font perdre un temps prĂ©cieux, pourquoi ne serrez-vous pas tout simplement le vent au plus prĂšs ?

– Parce que nous irions donner droit sur l’üle de Rion.

– Vous en passerez à plus de vingt brasses.

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– Prenez donc le gouvernail, dit le patron, et que nous jugions de votre science. »

Le jeune homme alla s’asseoir au gouvernail, s’assura par une lĂ©gĂšre pression que le bĂątiment Ă©tait obĂ©issant ; et, voyant que, sans ĂȘtre de premiĂšre finesse, il ne se refusait pas :

« Aux bras et aux boulines ! » dit-il.

Les quatre matelots qui formaient l’équipage coururent Ă  leur poste, tandis que le patron les regardait faire.

« Halez ! » continua DantÚs.

Les matelots obéirent avec assez de précision.

« Et maintenant, amarrez bien ! »

Cet ordre fut exĂ©cutĂ© comme les deux premiers, et le petit bĂątiment, au lieu de continuer de courir des bordĂ©es, commença de s’avancer vers l’üle de Rion, prĂšs de laquelle il passa, comme l’avait prĂ©dit DantĂšs, en la laissant, par tribord, Ă  une vingtaine de brasses.

« Bravo ! dit le patron.

– Bravo ! » rĂ©pĂ©tĂšrent les matelots.

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Et tous regardaient, Ă©merveillĂ©s, cet homme dont le regard avait retrouvĂ© une intelligence et le corps une vigueur qu’on Ă©tait loin de soupçonner en lui.

« Vous voyez, dit DantĂšs en quittant la barre, que je pourrai vous ĂȘtre de quelque utilitĂ©, pendant la traversĂ©e du moins. Si vous ne voulez pas de moi Ă  Livourne, eh bien, vous me laisserez lĂ  ; et, sur mes premiers mois de solde, je vous rembourserai ma nourriture jusque-lĂ  et les habits que vous allez me prĂȘter.

– C’est bien, c’est bien, dit le patron ; nous pourrons nous arranger si vous ĂȘtes raisonnable.

– Un homme vaut un homme, dit Dantùs ; ce que vous donnez aux camarades, vous me le donnerez, et tout sera dit.

– Ce n’est pas juste, dit le matelot qui avait tirĂ© DantĂšs de la mer, car vous en savez plus que nous.

– De quoi diable te mĂȘles-tu ? Cela te regarde-t-il, Jacopo ? dit le patron ; chacun est libre de s’engager pour la somme qui lui convient.

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– C’est juste, dit Jacopo ; c’était une simple observation que je faisais.

– Eh bien, tu ferais bien mieux encore de prĂȘter Ă  ce brave garçon, qui est tout nu, un pantalon et une vareuse, si toutefois tu en as de rechange.

– Non, dit Jacopo, mais j’ai une chemise et un pantalon.

– C’est tout ce qu’il me faut, dit DantĂšs ; merci, mon ami. »

Jacopo se laissa glisser par l’écoutille, et remonta un instant aprĂšs avec les deux vĂȘtements, que DantĂšs revĂȘtit avec un indicible bonheur.

Are sens