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– Pas davantage. Il faudrait admettre que nous fussions près de terre, et, dans ce cas, nous entendrions les fracas de l’éruption.

– Mais alors ?… demanda le capitaine.

– C’est un phénomène cosmique, répondit le docteur, phénomène peu observé jusqu’ici !… Si nous continuons notre route, nous ne tarderons pas à sortir de cette sphère lumineuse pour retrouver l’obscurité et la tempête.

– Quoi qu’il en soit, en avant ! répondit Hatteras.

– En avant ! s’écrièrent ses compagnons, qui ne songèrent même pas à reprendre haleine dans ce bassin tranquille.

La voile, avec ses plis de feu, pendait le long du mât étincelant ; les avirons plongèrent dans les vagues ardentes et parurent soulever des flots d’étincelles faites de gouttes d’eau vivement éclairées.

Hatteras, la boussole à la main, reprit la route du nord ; peu à peu le brouillard perdit de sa lumière, puis de sa transparence ; le vent fit entendre ses rugissements à quelques toises, et bientôt la chaloupe, se couchant sous une violente rafale, rentra dans la zone des tempêtes.

Mais l’ouragan avait heureusement tourné d’un point vers le sud, et l’embarcation put courir vent arrière, allant droit au pôle, risquant de sombrer, mais se précipitant avec une vitesse insensée ; recueil, rocher ou glaçon, pouvait surgir à chaque instant des flots, et elle s’y fût infailliblement mise en pièces.

Cependant, pas un de ces hommes n’élevait une objection ; pas un ne faisait entendre la voix de la prudence. Ils étaient pris de la folie du danger. La soif de l’inconnu les envahissait. Ils allaient ainsi non pas aveugles, mais aveuglés, trouvant l’effroyable rapidité de cette course trop faible au gré de leur impatience. Hatteras maintenait sa barre dans son imperturbable direction, au milieu des vagues écumant sous le fouet de la tempête.

Cependant l’approche de la côte se faisait sentir ; il y avait dans l’air des symptômes étranges.

Tout à coup le brouillard se fendit comme un rideau déchiré par le vent, et, pendant un laps de temps rapide comme l’éclair, on put voir à l’horizon un immense panache de flammes se dresser vers le ciel.

– Le volcan ! le volcan !…

Ce fut le mot qui s’échappa de toutes les bouches ; mais la fantastique vision avait disparu ; le vent, sautant dans le sud-est, prit l’embarcation par le travers et l’obligea de fuir encore cette terre inabordable.

– Malédiction ! fit Hatteras en bordant sa misaine ; nous n’étions pas à trois milles de la côte !

Hatteras ne pouvait résister à la violence de la tempête ; mais, sans lui céder, il biaisa dans le vent, qui se déchaînait avec un emportement indescriptible. Par instants, la chaloupe se renversait sur le côté, à faire craindre que sa quille n’émergeât tout entière ; cependant elle finissait par se relever sous l’action du gouvernail, comme un coursier dont les jarrets fléchissent et que son cavalier relève de la bride et de l’éperon.

Hatteras, échevelé, la main soudée à sa barre, semblait être l’âme de cette barque et ne faire qu’un avec elle, ainsi que l’homme et le cheval au temps des centaures.

Soudain, un spectacle épouvantable s’offrit à ses regards.

À moins de dix toises, un glaçon se balançait sur la cime houleuse des vagues ; il descendait et montait comme la chaloupe ; il la menaçait de sa chute, et l’eût écrasée à la toucher seulement.

Mais, avec ce danger d’être précipité dans l’abîme, s’en présentait un autre non moins terrible ; car ce glaçon, courant à l’aventure, était chargé d’ours blancs, serrés les uns contre les autres, et fous de terreur.

– Des ours ! des ours ! s’écria Bell d’une voix étranglée.

Et chacun, terrifié, vit ce qu’il voyait.

Le glaçon faisait d’effrayantes embardées ; quelquefois il s’inclinait sous des angles si aigus, que les animaux roulaient pêle-mêle les uns sur les autres. Alors ils poussaient des grognements qui luttaient avec les fracas de la tempête, et un formidable concert s’échappait de cette ménagerie flottante.

Que ce radeau de glace vînt à culbuter, et les ours, se précipitant vers l’embarcation, en eussent tenté l’abordage.

Pendant un quart d’heure, long comme un siècle, la chaloupe et le glaçon naviguèrent de conserve, tantôt écartés de vingt toises, tantôt prêts à se heurter ; parfois l’un dominait l’autre, et les monstres n’avaient qu’à se laisser choir. Les chiens Groënlandais tremblaient d’épouvante. Duk restait immobile.

Hatteras et ses compagnons étaient muets ; il ne leur venait pas même à l’idée de mettre la barre dessous pour s’écarter de ce redoutable voisinage, et ils se maintenaient dans leur route avec une inflexible rigueur. Un sentiment vague, qui tenait plus de l’étonnement que de la terreur, s’emparait de leur cerveau ; ils admiraient, et ce terrifiant spectacle complétait la lutte des éléments.

Enfin, le glaçon s’éloigna peu à peu, poussé par le vent auquel résistait la chaloupe avec sa misaine bordée à plat, et il disparut au milieu du brouillard, signalant de temps en temps sa présence par les grognements éloignés de son monstrueux équipage.

En ce moment, il y eut redoublement de la tempête, ce fut un déchaînement sans nom des ondes atmosphériques ; l’embarcation, soulevée hors des flots, se prit à tournoyer avec une vitesse vertigineuse ; sa misaine arrachée s’enfuit dans l’ombre comme un grand oiseau blanc ; un trou circulaire, un nouveau Maëlstrom, se forma dans le remous des vagues, les navigateurs, enlacés dans ce tourbillon, coururent avec une rapidité telle que ses lignes d’eau leur semblaient immobiles, malgré leur incalculable rapidité. Ils s’enfonçaient peu à peu. Au fond du gouffre, une aspiration puissante, une succion irrésistible se faisait, qui les attirait et les engloutissait vivants.

Ils s’étaient levés tous les cinq. Ils regardaient d’un regard effaré. Le vertige les prenait. Ils avaient en eux ce sentiment indéfinissable de l’abîme !

Mais, tout d’un coup, la chaloupe se releva perpendiculairement. Son avant domina les lignes du tourbillon ; la vitesse dont elle était douée la projeta hors du centre d’attraction, et, s’échappant par la tangente de cette circonférence qui faisait plus de mille tours à la seconde, elle fut lancée au-dehors avec la vitesse d’un boulet de canon.

Altamont, le docteur, Johnson, Bell furent renversés sur leurs bancs.

Quand ils se relevèrent, Hatteras avait disparu.

Il était deux heures du matin.

Chapitre 23 LE PAVILLON D’ANGLETERRE

Un cri, parti de quatre poitrines, succéda au premier instant de stupeur.

– Hatteras ? dit le docteur.

– Disparu ! firent Johnson et Bell.

– Perdu !

Ils regardèrent autour d’eux. Rien n’apparaissait sur cette mer houleuse. Duk aboyait avec un accent désespéré ; il voulait se précipiter au milieu des flots, et Bell parvenait à peine à le retenir.

– Prenez place au gouvernail, Altamont, dit le docteur, et tentons tout au monde pour retrouver notre infortuné capitaine !

Johnson et Bell reprirent leurs bancs. Altamont saisit la barre, et la chaloupe errante revint au vent.

Johnson et Bell se mirent à nager vigoureusement ; pendant une heure, on ne quitta pas le lieu de la catastrophe. On chercha, mais en vain ! Le malheureux Hatteras, emporté par l’ouragan, était perdu.

Perdu ! si près du pôle ! si près de ce but qu’il n’avait fait qu’entrevoir !

Le docteur appela, cria, fit feu de ses armes ; Duk joignit ses lamentables aboiements à sa voix ; mais rien ne répondit aux deux amis du capitaine. Alors une profonde douleur s’empara de Clawbonny ; sa tête retomba sur ses mains, et ses compagnons l’entendirent pleurer.

En effet, à cette distance de la terre, sans un aviron, sans un morceau de bois pour se soutenir, Hatteras ne pouvait avoir gagné vivant la côte, et si quelque chose de lui touchait enfin cette terre désirée, ce serait son cadavre tuméfié et meurtri.

Après une heure de recherche, il fallut reprendre la route au nord et lutter contre les dernières fureurs de la tempête.

À cinq heures du matin, le 11 juillet, le vent s’apaisa ; la houle tomba peu à peu ; le ciel reprit sa clarté polaire, et, à moins de trois milles, la terre s’offrit dans toute sa splendeur.

Ce continent nouveau n’était qu’une île, ou plutôt un volcan dressé comme un phare au pôle boréal du monde.

La montagne, en pleine éruption, vomissait une masse de pierres brûlantes et de quartiers de rocs incandescents ; elle semblait s’agiter sous des secousses réitérées comme une respiration de géant ; les masses projetées montaient dans les airs à une grande hauteur, au milieu des jets d’une flamme intense, et des coulées de lave se déroulaient sur ses flancs en torrents impétueux ; ici, des serpents embrasés se faufilaient entre les roches fumantes ; là, des cascades ardentes retombaient au milieu d’une vapeur pourpre, et plus bas, un fleuve de feu, formé de mille rivières ignées, se jetaient à la mer par une embouchure bouillonnante.

Le volcan paraissait n’avoir qu’un cratère unique d’où s’échappait la colonne de feu, zébrée d’éclairs transversaux ; on eût dit que l’électricité jouait un rôle dans ce magnifique phénomène.

Au-dessus des flammes haletantes ondoyait un immense panache de fumée, rouge à sa base, noir à son sommet. Il s’élevait avec une incomparable majesté et se déroulait largement en épaisses volutes.

Are sens