b) L’adaptation
Le passage du livre au film :
Avant d’être un film d’animation, l’histoire Les Trois Brigands est racontée dans un livre illustré. Paru en 1961 en Allemagne, il est traduit en français en 1968 et édité par l’Ecole des Loisirs. Après une première adaptation en court métrage en 1991, il est porté à l’écran en version longue en 2007 (long métrage). Ce passage du papier à la pellicule est toujours un exercice délicat : de l’image fixe, composée et accompagnée d’un texte simple et percutant, il faut parvenir à une animation (enchaînement de différents plans) où la voix du narrateur est souvent suppléée par les dialogues. C’est un travail méticuleux qui révèle les spécificités et les contraintes de chacun des deux supports (livre et film)
Activités au sujet du livre :
1. Réfléchir sur la transformation d’un livre en film : qu’est-ce qu’un livre, qu’est ce qu’un film ?
2. Comparez le film avec le livre (on peut le faire sous forme de tableau de comparaison): 3. Quelles sont les ressemblances et les différences ? au niveau du graphisme, de l’histoire, des personnages…
4. Comment les regarde-t-on ? support papier, écran, narration par un texte ou avec des voix, des sons, de la musique…
Le point de vue du producteur :
Pour Stephan Schesch , adapter le livre en film a été un rêve de longue date : « Je connais et j’adore ce livre ce livre depuis mon enfance. Je l’ai très souvent lu à mes enfants et, à chaque fois que je lisais ce livre, mon envie grandissait et j’avais envie d’en faire un film vraiment particulier. »
« Ce fut un long parcours de l’adapter au cinéma. Des négociations ont été menées depuis 1997, en particulier avec Tomi Ungerer. La question centrale était de savoir comment on peut faire un long métrage à partir d’une histoire si courte… Dans un premier temps le livre a été analysé pour en ressortir les personnages clés : Grigou, Rappiat et Filou, trois brigands épouvantables (épouvantablement gentils et drôles) dont la vie est mise sens dessus dessous par une petite orpheline innocente et zélée. » Et à l’opposé il y a la « vieille tante grognon », qui n’est évoquée dans le livre que par ces trois mots.
A partir de là, l’histoire a été développée et enrichie par des éléments chers à Tomi Ungerer : des méchants qui apprennent à écrire, bricoler, jouer de la musique , des détails absurdes et loufoques et un style de narration épurée.
Alors qu’il se penchait intensivement sur le sujet, le producteur Stephan Schesch s’est aperçu à quel point l’histoire des Trois Brigands est en fait moderne et adaptée à l’époque actuelle. On passe de sujets comme “Les enfants au pouvoir” à la problématique “Encadrement dans les crèches” ou
“Mères et travail”, pour en arriver à la question “Les pères sont-ils les meilleures mères ?”. Ce film n’est pas seulement une contribution très originale au thème “les enfants dans la société actuelle” le remettant en question et l’interrogeant d’une façon engagée et non conventionnelle.
Comme Tomi Ungerer le fait du reste, depuis longtemps, dans toute son oeuvre.
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R
especter la démarche de l’auteur :
Les auteurs Bettine von Borries et Achim von Borries ( Parfum d'absinthe) écrivent le script.
Parallèlement, le réalisateur Hayo Freitag conçoit le design de la production, c’est-à-dire l’adaptation des personnages et des arrière-plans du livre pour le passage au grand écran, là encore en étroite collaboration avec Tomi Ungerer.
La priorité absolue a toujours été de mettre en oeuvre l’essence, c’est-à-dire la démarche graphique, narrative, politique, morale, philosophique et surtout concise, de l’histoire de Tomi Ungerer. Tous les partenaires avaient en effet un même objectif : Les Trois Brigands ne devait en aucun cas devenir un film pour enfants insipide, banal et sans message, mais bien une histoire à plusieurs niveaux de compréhension, visuellement excellente et bien racontée.
L’accord de Tomi Ungerer pour une adaptation du livre et son appréciation sur le film :
« Quelle a été votre réaction quand vous avez dit “oui” à une adaptation cinématographique ? »
« Il est vrai que bon nombre de mes livres ont déjà été adaptés pour le cinéma, mais il s’agissait de courts métrages ! Une adaptation des Trois Brigands a vu le jour en Tchécoslovaquie, mais elle ne dure que 8 minutes. C’est pour cette raison qu’en faire un long métrage était un grand défi, car, comme vous le savez, un livre pour enfant a normalement 32 pages. Ce n’est pas franchement un roman ! Dans ce cas, il faut bien “couper l’eau avec du vin”.
Ce qui compte alors, c’est la coopération, et là, je dois vraiment dire que j’ai rencontré des gens formidables, nous avons travaillé dans une osmose parfaite. Ce n’était pas évident au départ.
J’ai eu quelques idées pour le développement de l’histoire, l’équipe également. Le film est maintenant devenu un véritable roman. Et je suis totalement enchanté de tout ce que j’ai vu. »
« Pour vous, qu’est-ce qui devait impérativement être dans le film ? »
« L’ambiance. Et le message. Nous pouvons aussi parler sans problème de morale. Mais ce qui me fascine le plus, c’est ce « no man’s land » entre le bien et le mal. Dans ce « no man’s land » le mal peut apprendre quelque chose du bien, et le bien peut apprendre à comprendre le mal. Et c’est un peu le cas dans Les Trois Brigands. Ce sont en fait des types féroces, méchant…Mais chacun d’entre eux a un grand coeur !
« Oui, en effet ! Mais tout le monde peut avoir un grand coeur, reste à savoir : Comment fait-on ?... »
« Dans ce cas, ça a également à voir avec le destin. Il faut donner une orientation au destin ou trouver une orientation dans le destin. On dit toujours aux enfants : “Non, non, c’est vilain, ce n’est pas bien” ; oui, d’accord, mais entre les deux, il y a le pragmatisme sain. Chaque personne fait beaucoup de vilaines choses, et chaque personne est bonne et mauvaise. Je crois que, pour les enfants, c’est un soulagement de savoir ça.
« Y a-t-il aussi des références autobiographiques dans votre livre Les Trois Brigands ? »
« Il y a toujours une part autobiographique. Dans Les Trois Brigands, c’est surtout l’élément de la frayeur. C’est aussi une partie des souvenirs de jeunesse, cette peur particulière... »
« Lorsque la première version “brute” du film a pu enfin être présentée à Tomi Ungerer - sous la forme de ce que l’on nomme un “Leica Reels”, c’est-à-dire un scénario maquette avec les textes, la musique et le bruitage - il a été totalement enthousiaste allant jusqu’à dire que pour lui, c’était comme s’il avait 6
fait le film lui-même. « Un grand compliment à toute l’équipe et avant tout au réalisateur, Hayo Freitag. »
L
e passage du livre au film : la référence au livre :
L’adaptation des Trois Brigands est d’autant plus intéressante qu’elle fait directement allusion à sa version illustrée : les scènes qui débutent et qui concluent le film reprennent ainsi avec fidélité la composition des pages du livre. Le traitement par aplat d’encre est identique et dénote volontairement par rapport au style graphique choisi pour le film en lui-même.
Les références à l’ouvrage originel vont même au-delà de cette simple copie. Par un jeu d’ombre portée, le réalisateur a choisi d’enlever toute profondeur à l’image et nous donne ainsi la sensation d’être face à une page plate. Un hibou, à sa grande surprise, s’écrase même sur ce décor qui présente une lune en trompe l’oeil !...
Dans ce contexte, la silhouette prend toute son importance : elle devient le contour qui permet de reconnaître de loin et le symbole du passage du livre au film.
Activités : Un livre-Un film
1. L’adaptation respecte-t-elle le livre ? Lire des extraits du livre, comparer avec des scènes du film…