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- Dans la maivon, là-bas…

- Nom de Dieu, quelqu’un t’a vu ?

- Eli’, avec Nola nous nous fommes difputé… Elle ne voulait pas fe laiffer faire.

V’ai été oblivé de lui faire du mal. Mais el e a réuffi à f’enfuir, elle a couru, elle est entrée dans fette maison… Ve fuis rentré aussi, ve penfais que la maivon était déverte. Mais ve fuis tombé fur fette vieille… V’ai dû la tuer…

- Quoi ? Quoi ? Mais qu’est-ce que tu racontes ?

- Eli’, ve t’en supplie, aide-moi !

Il fallait se débarrasser du corps. Sans perdre une seconde, Stern attrapa une pelle dans le garage et s’empressa d’aller creuser un trou. Il choisit l’orée de la forêt, où le sol était meuble et où personne, surtout pas Quebert, ne remarquerait que la terre avait été retournée. Il creusa rapidement un trou peu profond : il appela alors Caleb pour qu’il apporte le corps, mais il ne le vit pas. Il le trouva agenouillé devant la voiture, plongé dans un paquet de feuilles.

- Luther ? Mais qu’est-ce que tu fabriques, nom de Dieu ?

Il pleurait.

- F’est le livre de Quebert… Nola m’en avait parlé. Il a écrit un livre pour elle…

F’est tellement beau.

- Apporte-la là-bas, j’ai creusé un trou.

- Attends !

- Quoi ?

- Ve veux lui dire que ve l’aime.

- Hein ?

- Laiffe-moi lui écrire un mot. Vuste un mot. Prête-moi ton ftylo. Après, nous l’enterrons, après ve difparaîtrai pour touvours.

Stern pesta; il sortit néanmoins son stylo de la poche de son veston et le tendit à Caleb, qui inscrivit sur la couverture du manuscrit : Adieu, Nola chérie. Puis, il rangea religieusement le livre dans le sac, toujours autour du cou de Nola, et il la transporta jusqu’au trou. Il l’y jeta et les deux hommes remblayèrent ensuite la terre, prenant garde d’ajouter dessus des aiguilles de pins, quelques branchages et de la mousse pour que l’illusion soit parfaite.

- Et après ça ? demandai-je.

- Après ça, me dit Gahalowood, Stern veut trouver un moyen de protéger Luther.

Et ce moyen, c’est Pratt.

- Pratt ?

- Oui, je pense que Stern savait ce que Pratt avait fait à Nola. On sait que Caleb rôdait à Goose Cove, qu’il espionnait Harry et Nola : il aurait pu voir Pratt ramasser Nola sur le bord de la route et la forcer à lui faire une fellation… Et il l’aura dit à Stern.

Alors ce soir-là, Stern laisse Luther à Goose Cove et va trouver Pratt au poste de police : il attend qu’il soit tard, peut-être après onze heures, lorsque les recherches sont

levées. Il veut être seul avec Pratt, et il le fait chanter : il lui demande de laisser partir Luther et de s’arranger pour qu’il passe entre les barrages, en échange de son silence à propos de Nola. Et Pratt accepte : quelle probabilité, sinon, que Caleb ait pu circuler librement jusque dans le Massachusetts ? Mais Caleb se sent acculé. Il n’a nulle part où aller, il est perdu. Il achète de l’alcool, il boit. Il veut en finir. Il fait le grand saut depuis les falaises de Sunset Cove. Quelques semaines plus tard, lorsqu’on retrouve la voiture, Pratt vient à Sagamore pour étouffer l’affaire. Il s’arrange pour que Caleb ne devienne pas suspect.

- Mais pourquoi avoir détourné les soupçons de Caleb, puisqu’il est mort ?

- Il y avait Stern. Et Stern savait. En disculpant Caleb, Pratt se protégeait.

- Pratt et Stern savaient donc la vérité depuis toujours ?

- Oui. Ils ont enterré cette histoire au fond de leur mémoire. Ils ne se sont plus jamais revus. Stern s’est débarrassé de la maison de Goose Cove en la bradant à Harry, et il n’a plus jamais mis les pieds à Aurora. Et pendant trente ans tout le monde a cru que cette affaire ne serait jamais résolue.

- Jusqu’à ce qu’on retrouve les restes de Nola.

- Et qu’un écrivain entêté vienne remuer le fond de cette affaire. Un écrivain contre lequel on a tout tenté pour qu’il renonce à découvrir la vérité.

- Ainsi Pratt et Stern auraient voulu étouffer l’affaire, fis-je. Mais qui a tué Pratt, alors ? Stern, en voyant que Pratt est sur le point de craquer et qu’il va révéler la vérité ?

- Ça, il faut encore le découvrir. Mais pas un mot sur tout ça, l’écrivain, m’ordonna Gahalowood. N’écrivez rien à ce sujet pour le moment, je ne veux pas d’une nouvelle fuite dans les journaux. Je vais fouiller la vie de Stern. Ce sera une hypothèse difficile à vérifier. En tous les cas, il y a un dénominateur commun à tous ces scénarios : Luther Caleb. Et si c’est bien lui qui a assassiné Nola Kellergan, nous en aurons la confirmation…

- Avec l’analyse de l’écriture… dis-je.

- Exactement.

- Une dernière question, sergent : pourquoi Stern voudrait-il protéger Caleb à tout prix ?

- Ça, je voudrais bien le savoir, l’écrivain.

L’enquête sur la mort de Pratt s’annonçait complexe : la police ne disposait d’aucun élément solide et n’avait pas la moindre piste. Une semaine après son assassinat, eut lieu l’enterrement de la dépouil e de Nola, dont les restes avaient finalement été rendus à son père. C’était le mercredi 30 juillet 2008. La cérémonie, à laquel e je n’assistai pas, se tint au cimetière d’Aurora au début de l’après-midi, sous un crachin inattendu et devant une assemblée clairsemée. David Kel ergan arriva sur sa moto jusque devant la tombe, sans que personne parmi les présents n’ose rien dire. Il avait sa musique dans les oreilles et ses seules paroles - selon ce que l’on rapporta -

furent : « Mais pourquoi l’a-t-on sortie de la terre si c’est pour l’y remettre ? » Il ne pleura pas.

Si je n’étais pas à l’enterrement, c’est parce qu’à l’heure exacte où il débuta, je fis ce qu’il me semblait important de faire : j’allai trouver Harry pour lui tenir compagnie.

Il était assis sur le parking, torse nu sous la pluie tiède.

- Venez-vous mettre à l’abri, Harry, lui dis-je.

- Ils l’enterrent, hein ?

- Oui.

- Ils l’enterrent et je ne suis même pas là.

- C’est mieux ainsi… C’est mieux que vous n’y soyez pas… À cause de toute cette histoire.

- Au diable le qu’en-dira-t-on ! Ils enterrent Nola et je ne suis même pas là pour lui dire adieu, pour la revoir une dernière fois. Pour être avec elle. Il y a trente-trois ans que j’attends de la retrouver, ne serait-ce qu’une dernière fois. Savez-vous où j’aimerais être ?

- À l’enterrement ?

- Non. Au paradis des écrivains.

Il s’étendit sur le béton et il ne bougea plus. Je m’allongeai à côté de lui. La pluie nous tombait dessus.

Are sens