"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » » "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" de Joël Dicker

Add to favorite "La vérité sur l'affaire Harry Quebert" de Joël Dicker

Harry vérité Quebert Marcus jeune intrigue passé l'affaire mentor roman Dicker questions soulève l'art l'amour réflexions l'enquête habilement récit entrecroisant

Select the language in which you want the text you are reading to be translated, then select the words you don't know with the cursor to get the translation above the selected word!




Go to page:
Text Size:

- Marcus, j’aimerais être mort.

- Je le sais.

- Comment le savez-vous ?

- Les amis sentent ce genre de choses.

Il y eut un long silence. Je finis par ajouter :

- L’autre jour, vous avez dit que nous ne pourrions plus être amis.

- C’est vrai. Nous sommes en train de nous dire adieu peu à peu, Marcus. C’est comme si vous saviez que j’allais mourir bientôt et que vous aviez quelques semaines pour vous y faire. C’est le cancer de l’amitié.

Il ferma les yeux et étendit ses bras comme s’il était sur une croix. Je l’imitai. Et nous restâmes ainsi étendus sur le béton pendant longtemps.

Plus tard, ce même jour, en repartant du motel, je me rendis au Clark’s pour essayer de parler avec quelqu’un qui avait assisté à l’inhumation de Nola. L’endroit était désert : il n’y avait qu’un employé qui astiquait mollement le comptoir et qui trouva en lui un semblant de force pour actionner le levier de la machine à pression et me servir une bière. C’est alors que je remarquai que Robert Quinn se terrait au fond de la salle, picorant des cacahuètes et remplissant les grilles de mots croisés de vieux journaux qui traînaient sur les tables. Il se cachait de sa femme. J’allai le trouver. Je lui proposai une pinte, il accepta et se décala sur son banc pour m’inviter à m’asseoir. C’était un geste touchant : j’aurais pu m’asseoir face à lui, sur l’une des cinquante chaises vides de l’établissement. Mais il s’était décalé pour que je m’assoie à côté de lui, sur la même banquette.

- Étiez-vous à l’enterrement de Nola ? demandai-je.

- Oui.

- Comment c’était ?

- Sordide. Comme toute cette histoire. Il y avait plus de journalistes que de proches.

Nous restâmes un moment silencieux puis il demanda, pour faire la conversation :

- Comment va votre livre ?

- Ça avance. Mais je le relisais hier, et je me rends compte que j’ai quelques

zones d’ombre à éclaircir. Notamment à propos de votre femme. Elle m’assure qu’elle avait en sa possession un feuil et compromettant écrit de la main de Harry Quebert et qui aurait mystérieusement disparu. Vous ne sauriez pas où est passé ce feuil et, par hasard ?

Il avala une longue gorgée de bière et prit même le temps d’avaler quelques cacahuètes avant de me répondre.

- Brûlé, me dit-il. Ce feuillet de malheur a brûlé.

- Hein ? Comment le savez-vous ? demandai-je, stupéfait.

- Parce que c’est moi qui l’ai brûlé.

- Quoi ? Mais pourquoi ? Et surtout pourquoi ne l’avez-vous jamais dit ?

Il haussa les épaules, très pragmatique.

- Parce qu’on ne me l’a jamais demandé. Ça fait trente-trois ans que ma femme me parle de ce feuil et. Elle s’égosil e, el e hurle, el e dit « Mais il était là ! Dans le coffre ! Là ! Là ! » Elle n’a jamais dit : « Robert, mon chéri, aurais-tu vu ce feuil et par hasard ? » Elle ne m’a jamais demandé, donc je ne lui ai jamais répondu.

J’essayai de masquer mon étonnement pour qu’il continue à parler :

- Mais, alors ? Que s’est-il passé ?

- Tout a commencé un dimanche après-midi : ma femme a organisé une garden-party ridicule en l’honneur de Quebert, mais Quebert n’est pas venu. Folle de rage, elle a décidé d’aller le trouver chez lui. Je me souviens bien de ce jour, c’était le dimanche 13 juillet 1975. Le même jour où la petite Nola avait essayé de se suicider.

Dimanche 13 juil et 1975

- Robert ! Rooooobert !

Tamara entra comme une furie dans la maison, battant l’air avec une feuille de papier. Elle traversa les pièces du rez-de-chaussée jusqu’à trouver son mari qui lisait le journal dans le salon.

- Robert, sacré nom d’un chien ! Pourquoi ne me réponds-tu pas lorsque je t’appelle ? Es-tu devenu sourd ? Regarde ! Regarde ces horreurs ! Lis comme c’est dégueulasse !

Elle lui tendit le feuillet qu’el e venait de voler chez Harry, et il lut.

Ma Nola, Nola chérie, Nola d’amour. Qu’as-tu fait ? Pourquoi vouloir mourir ?

Est-ce à cause de moi ? Je t’aime, je t’aime plus que tout. Ne me quitte pas. Si tu meurs, je meurs. Tout ce qui importe dans ma vie, Nola, c’est toi. Quatre lettres : N-O-L-A.

- Où as-tu trouvé ça ? demanda Robert.

- Chez ce petit fils de pute de Harry Quebert ! Ha !

- Tu es al ée voler ça chez lui ?

- Je n’ai rien volé : je me suis servie ! Je le savais ! C’est une espèce de pervers dégueulasse qui fantasme sur une môme de quinze ans. Ça me donne la nausée ! J’ai envie de vomir ! J’ai envie de vomir, Bobbo, m’entends-tu ? Harry Quebert est amoureux d’une fillette ! C’est illégal ! C’est un porc ! Un porc ! Et dire qu’il passe son temps au Clark’s, c’est pour la reluquer, oui ! Il vient dans mon restaurant pour reluquer

les miches d’une gosse !

Robert relut le texte plusieurs fois. Il n’y avait guère de doute possible : c’étaient bien des mots d’amour que Harry avait écrits. Des mots d’amour pour une fille de quinze ans.

- Que vas-tu faire de ça ? demanda-t-il à sa femme.

- J’en sais rien.

- Vas-tu alerter la police ?

- La police ? Non, mon Bobbo. Pas pour le moment. Je ne veux pas que tout le monde sache que ce criminel de Quebert préfère une fillette à notre merveilleuse Jenny. Où est-elle d’ailleurs ? Dans sa chambre ?

- Figure-toi que ce jeune officier de police, Travis Dawn, est venu ici peu après que tu sois partie, pour l’inviter au bal de l’été. Ils sont partis dîner à Montburry. Jenny s’est déjà trouvé un autre cavalier pour le bal, si ce n’est pas beau, ça…

- Pas beau, pas beau, mais c’est toi qui n’es pas beau, mon pauvre Bobbo !

Allez, fiche-moi le camp maintenant ! Je dois cacher cette feuil e quelque part, et personne ne doit savoir où.

Bobbo s’exécuta et s’en alla finir son journal sous le porche. Mais il ne parvint pas à lire, l’esprit trop occupé par ce que sa femme avait découvert. Harry, le grand écrivain, écrivait donc des mots d’amour pour une fil ette de la moitié de son âge. La gentille petite Nola. C’était très dérangeant. Devait-il prévenir Nola ? Lui dire que ce Harry était tout empli de drôles de pulsions et qu’il pouvait peut-être même être dangereux ? Ne fallait-il pas prévenir la police, afin qu’un médecin l’examine et le soigne ?

Une semaine après cet épisode eut lieu le bal de l’été. Robert et Tamara Quinn se tenaient dans un coin de la sal e, à siroter un cocktail sans alcool, lorsqu’ils aperçurent Harry Quebert parmi les convives. « Regarde, Bobbo, siffla Tamara, voici le pervers ! » Ils l’observèrent longuement, tandis que Tamara poursuivait son flot d’injures que seul Robert pouvait entendre.

- Que vas-tu faire avec cette feuille ? finit par demander Robert.

Are sens