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- Monsieur Quinn, il faut que vous m’aidiez à récupérer ce morceau de papier.

Et il manqua de s’étouffer avec sa saucisse.

- Pas besoin de vous faire un dessin, Monsieur Goldman, me dit Robert Quinn dans l’arrière-sal e du Clark’s. J’avais tout imaginé sauf ça : elle voulait que je mette la main sur ce satané feuil et. Vous reprendrez une bière ?

- Volontiers. La même. Dites-moi, Monsieur Quinn, cela vous dérange-t-il si je vous enregistre.

- M’enregistrer ? Je vous en prie. Pour une fois que quelqu’un s’intéresse un tant soit peu à ce que je raconte.

Il héla l’employé et lui commanda deux autres pressions; je sortis mon enregistreur et le mis en marche.

- Donc, devant cette cabane à hot-dogs, elle vous demande de l’aide, dis-je pour relancer la conversation.

- Oui. Apparemment, ma femme était prête à tout pour anéantir Harry Quebert.

Et Nola était prête à tout pour le protéger d’elle. Moi, je n’en revenais pas de la conversation que j’étais en train d’avoir. C’est là que j’ai appris qu’il se passait véritablement une histoire entre Nola et Harry. Je me rappelle qu’el e me regardait avec ses yeux pétillants et pleins d’aplomb, et moi je lui ai dit : « Quoi ? Comment ça, récupérer ce morceau de papier ? » Elle m’a répondu : « Je l’aime. Je ne lui veux pas d’ennuis. S’il a écrit ce mot, c’est à cause de ma tentative de suicide. Tout est ma faute, je n’aurais pas dû essayer de me tuer. Je l’aime, il est tout ce que j’ai, tout ce dont je pourrai jamais rêver. » Et nous avons cette conversation à propos de l’amour. « Alors, tu veux dire que toi et Harry Quebert, vous… - Nous nous aimons ! - Aimer ? Que me racontes-tu, enfin ! Tu ne peux pas l’aimer ! - Et pourquoi pas ? - Parce qu’il est trop vieux pour toi. - L’âge ne compte pas ! - Bien sûr qu’il compte ! - Eh bien, il ne devrait pas ! - C’est comme ça, les jeunes fil es de ton âge n’ont rien à faire avec un type de son âge. - Je l’aime ! - Ne dis pas d’horreurs et mange ta gaufre, veux-tu ? - Mais, Monsieur Quinn, si je le perds, je perds tout ! » Je n’en croyais pas mes yeux, Monsieur Goldman : cette gamine était folle amoureuse de Harry. Et les sentiments qu’el e éprouvait étaient des sentiments que moi-même je ne connaissais pas, ou que je ne me souvenais pas avoir éprouvés pour ma propre femme. Et j’ai réalisé à cet instant, à cause de cette fille de quinze ans, que je n’avais probablement jamais connu l’amour.

Que beaucoup de gens n’avaient certainement jamais connu l’amour. Qu’ils se contentaient au fond de bons sentiments, qu’ils se terraient dans le confort d’une vie minable et qu’ils passaient à côté de sensations merveilleuses, qui sont probablement

les seules à justifier l’existence. Un de mes neveux, qui vit à Boston, travaille dans la finance : il gagne une montagne de dollars par mois, est marié, a trois enfants, une femme adorable et une jolie bagnole. La vie idéale, quoi. Un jour, il rentre chez lui et il dit à sa femme qu’il s’en va, qu’il a trouvé l’amour, avec une universitaire de Harvard en âge d’être sa fil e, rencontrée lors d’une conférence. Tout le monde a dit qu’il avait pété un plomb, qu’il recherchait dans cette fille une seconde jeunesse, mais moi, je crois qu’il avait simplement rencontré l’amour. Des gens croient qu’ils s’aiment, alors ils se marient. Et puis, un jour, ils découvrent l’amour, sans même le vouloir, sans s’en rendre compte. Et ils se le prennent en pleine gueule. À ce moment-là, c’est comme de l’hydrogène qui entrerait au contact de l’air : ça fait une explosion phénoménale, ça ravage tout. Trente années de mariage frustré qui pètent d’un seul coup, comme si une gigantesque fosse septique portée à ébullition explosait, éclaboussant tout le monde aux alentours. La crise de la quarantaine, le démon de midi, ce sont juste des types qui comprennent la portée de l’amour trop tard, et qui en voient leur vie bouleversée.

- Alors, qu’avez-vous fait ? demandai-je.

- Pour Nola ? J’ai refusé. Je lui ai dit que je ne voulais pas me mêler de cette histoire et que, de toute façon, je ne pouvais rien faire. Que la lettre était dans le coffre, et que la seule clé qui l’ouvrait pendait, jour et nuit, autour du cou de ma femme. C’était cuit. Elle m’a supplié, elle m’a dit que si la police mettait la main sur cette feuil e, Harry aurait de graves ennuis, que sa carrière serait brisée, qu’il irait peut-être en prison alors qu’il n’avait rien fait de mal. Je me souviens de son regard brûlant, son attitude, ses gestes… il y avait en el e une fureur magnifique. Je me souviens qu’elle a dit : « Ils vont tout gâcher, Monsieur Quinn ! Les gens de cette ville sont complètement fous ! Ça me rappelle cette pièce d’Arthur Miller, Les Sorcières de Salem. Avez-vous lu Miller ? » Ses yeux se mouillèrent de petites perles de larmes, toutes prêtes à déborder et à dévaler ses joues. J’avais lu Miller. Je me rappelais du foin quand la pièce était sortie à Broadway : la première avait eu lieu le soir de l’exécution des époux Rosenberg. C’était un vendredi, je m’en rappelle encore. Ça m’avait fichu des frissons pendant des jours parce que les Rosenberg avaient des enfants à peine plus âgés que Jenny à cette époque et que je m’étais demandé ce qui lui arriverait si j’étais exécuté moi aussi. Je m’étais senti tellement soulagé de ne pas être communiste.

- Pourquoi Nola est-elle venue vous trouver, vous ?

- Sans doute parce qu’elle s’imaginait que j’avais accès au coffre. Mais ce n’était pas le cas. Comme je vous dis, personne d’autre que ma femme n’avait la clé. Elle la gardait jalousement accrochée à une chaîne et toujours rangée dans ses seins. Et moi, ses seins, il y avait bien longtemps que je n’y avais plus accès.

- Que s’est-il passé alors ?

- Nola m’a flatté. Elle m’a dit : « Vous êtes ingénieux et vif, vous saurez comment faire ! » Alors j’ai fini par accepter. Je lui ai dit que j’essaierais.

- Pourquoi ? demandai-je.

- Pourquoi ? Mais à cause de l’amour ! Comme je vous l’ai dit avant, elle avait quinze ans, mais elle me parlait de choses que je ne connaissais pas et que je ne connaîtrais probablement jamais. Même si, à vrai dire, cette histoire avec Harry me donnait plutôt la nausée. Je l’ai fait pour elle, pas pour lui. Et je lui ai demandé ce qu’elle comptait faire pour le Chef Pratt. Preuve ou pas preuve, le Chef Pratt était au courant de tout désormais. Elle m’a regardé droit dans les yeux et el e m’a dit : « Je vais

l’empêcher de nuire. Je vais faire de lui un criminel. » Sur le moment, je n’ai pas bien compris. Et puis, il y a quelques semaines, lorsque Pratt a été arrêté, j’ai réalisé qu’il avait dû se passer de drôles de choses.

Mercredi 6 août 1975

Sans s’accorder, ils avaient tous deux agi le lendemain de leur conversation.

Vers dix-sept heures, dans une pharmacie de Concord, Robert Quinn acheta des somnifères. Au même moment, dans le secret du poste de police d’Aurora, Nola, agenouillée sous le bureau du Chef Pratt, s’efforçait de protéger Harry en damnant Pratt, et faisant de lui un criminel, l’entraînant dans ce qui al ait devenir une longue spirale de trente ans.

Cette nuit-là, Tamara dormit de tout son saoul. Après le repas, el e se sentit tellement fatiguée qu’el e se coucha sans même prendre le temps de se démaquiller.

Elle s’effondra comme une masse sur son lit, et tomba dans un profond sommeil. Ce fut si rapide que Robert craignit durant une fraction de seconde d’avoir dissous une trop forte dose dans son verre d’eau et de l’avoir tuée, mais les ronflements magistraux à la cadence militaire que poussa bientôt sa femme le rassurèrent aussitôt. Il attendit qu’il soit une heure du matin pour agir : il devait être sûr que Jenny dormait, et qu’en ville, personne ne le verrait. Lorsqu’il fut le moment d’entrer en action, il commença par secouer sa femme sans ménagement, pour s’assurer qu’elle était définitivement neutralisée : il eut la joie de constater qu’el e restait inerte. Pour la première fois, il se sentit puissant : le dragon, affalé sur son matelas, n’impressionnait plus personne. Il décrocha le col ier qu’el e portait autour du cou et s’empara de la clé, victorieux. Au passage, il lui attrapa les seins à pleines mains et il constata avec regret que cela ne lui faisait plus aucun effet.

Sans un bruit, il quitta la maison. Pour rester silencieux et n’éveiller aucun soupçon, il emprunta le vélo de sa fil e. Pédalant dans la nuit, les clés du Clark’s et du coffre dans la poche, il sentait monter en lui l’excitation de l’interdit. Il ne savait plus s’il faisait ça pour Nola ou surtout pour nuire à sa femme. Et sur sa bicyclette lancée à toute allure à travers la ville, il se sentit soudain tellement libre qu’il décida de divorcer.

Jenny était une adulte désormais, il n’avait plus aucune raison de rester avec sa femme. Il en avait assez de cette furie, il avait droit à une nouvelle vie. Volontairement, il fit quelques détours, pour faire durer encore cette sensation grisante. Arrivé dans la rue principale, il poussa son vélo pour avoir le temps d’inspecter les environs : la ville dormait paisiblement. Il n’y avait ni lumière, ni bruit. Il laissa son vélo contre un mur, ouvrit le Clark’s et se faufila à l’intérieur, ne se guidant qu’à la lumière des éclairages publics qui filtraient par les baies vitrées. Il arriva jusqu’au bureau. Ce bureau où il n’avait jamais le droit d’entrer sans l’autorisation expresse de sa femme, il en était désormais le maître; il le foulait au pied, il le violait, c’était un territoire conquis. Il al uma la lampe torche qu’il avait emportée et commença par explorer les étagères et les classeurs. Il y avait des années qu’il rêvait de fouiller cet endroit : que pouvait y cacher sa femme ? Il s’empara des différents dossiers et les parcourut rapidement : il se surprit à chercher des lettres d’amants. Il se demandait si sa femme le trompait. Il imaginait que oui : comment pouvait-elle se contenter de lui ? Mais il n’y trouva que des bons de commande et des documents de comptabilité. Alors il passa au coffre : un coffre en

acier, imposant, qui devait bien mesurer un mètre de haut, et qui reposait sur une palette en bois. Il introduisit la clé de sécurité dans la serrure, la fit tourner et il frémit en entendant le mécanisme d’ouverture fonctionner. Il tira la lourde porte et braqua sa lampe sur l’intérieur, composé de quatre niveaux. C’était la première fois qu’il voyait ce coffre ouvert; il frémit d’excitation.

Sur le premier rayonnage, il trouva des documents de banque, le dernier relevé de comptabilité, des reçus de commandes et les fiches de salaire des employés.

Sur le second rayonnage, il trouva une boîte en fer-blanc contenant les fonds de caisse du Clark’s, et une autre contenant des liquidités modestes pour payer les fournisseurs.

Sur le troisième rayonnage, il trouva un morceau de bois qui ressemblait à un ours. Il sourit : c’était le premier objet qu’il avait offert à Tamara, lors de leur première vraie sortie ensemble. Ce moment, il l’avait préparé avec minutie, pendant plusieurs semaines, multipliant les heures supplémentaires à la station-service où il travaillait en plus de ses études pour pouvoir emmener sa Tamy dans l’un des meil eurs établissements de la région, Chez Jean-Claude, un restaurant français où l’on servait des plats d’écrevisses apparemment extraordinaires. Il avait étudié tout le menu, il avait compté combien lui coûterait le repas si elle prenait les plats les plus chers; il avait économisé jusqu’à réunir assez d’argent, puis il l’avait invitée. Ce fameux soir, lorsqu’il était venu la chercher chez ses parents et qu’el e avait appris leur destination, el e l’avait supplié de ne pas se ruiner pour elle. « Oh, Robert, tu es un amour. Mais c’est trop, c’est vraiment trop », avait-el e dit. Elle avait dit amour. Et pour le convaincre de renoncer, elle avait proposé d’al er manger des pâtes dans un petit italien de Concord qui la tentait depuis longtemps. Ils avaient mangé des spaghettis, bu du chianti et de la grappa maison et, un peu ivres, ils étaient al és à une fête foraine proche. Sur le retour, ils s’étaient arrêtés au bord de l’océan et ils avaient attendu le lever du soleil. Sur la plage, il avait trouvé un morceau de bois qui ressemblait à un ours et il le lui avait donné lorsqu’elle s’était blottie contre lui, aux premiers éclats de l’aube. Elle avait dit qu’elle le garderait toujours et el e l’avait embrassé pour la première fois.

Poursuivant son exploration du coffre, Robert, ému, trouva, à côté du morceau de bois, une quantité de photos de lui-même au fil des années. Au dos de chacune, Tamara avait griffonné quelques annotations, même pour les plus récentes. La dernière datait du mois d’avril, lorsqu’ils étaient allés assister à une course automobile. On y voyait Robert, jumelles vissées sur les yeux, qui commentait les tours. Et au dos Tamara avait inscrit : Mon Robert, toujours aussi passionné par la vie. Je l’aimerai jusqu’à mon dernier souffle.

Après les photos, il y avait des souvenirs de leur vie commune : leur faire-part de mariage, celui de la naissance de Jenny, des photos de vacances, de menues bricoles dont il pensait qu’el es avaient été jetées depuis longtemps. Des petits cadeaux, une broche en toc, un stylo-souvenir, ou encore ce presse-papiers en serpentine acheté lors de vacances au Canada, et qui lui avaient tous valu des réprimandes acerbes, des Mais, Bobbo ! Que veux-tu que je fasse de pareilles cochonneries ? Et voilà qu’el e avait religieusement tout conservé dans ce coffre. Robert songea alors que ce que sa femme cachait dans ce coffre, c’était son cœur. Et il se demanda pourquoi.

Sur le quatrième rayonnage, il trouva un épais cahier relié en cuir, qu’il ouvrit : le journal de Tamara. Sa femme tenait un journal. Il n’en avait jamais rien su. Il l’ouvrit au

hasard et lut à la lumière de sa lampe :

1er janvier 1975

Avons fêté la Saint-Sylvestre chez les Richardson.

Note de la soirée : 5/10. Nourriture pas terrible et les Richardson sont des gens ennuyeux. Je ne l’avais jamais remarqué. Je crois que la Saint-Sylvestre est un bon moyen de savoir lesquels de vos amis sont ennuyeux ou non. Bobbo a rapidement vu que je m’ennuyais, il a voulu me divertir. Il a fait le pitre, il a voulu raconter des blagues et il a fait semblant de faire parler son tourteau. Les Richardson ont bien ri. Paul Richardson s’est même levé pour noter l’une des blagues. Il a dit qu’il voulait être certain de s’en rappeler. Moi, tout ce que j’ai réussi à faire, c’est le disputer. Dans la voiture, au retour, je lui ai dit des horreurs. J’ai dit : « Tu ne fais rire personne avec tes blagues de mauvais goût. Tu es lamentable. Qui t’a demandé de faire le clown, hein ?

Tu es ingénieur dans une grande usine, non ? Parle de ton métier, montre que tu es sérieux et quelqu’un d’important. Tu n’es pas au cirque, bon sang ! » Il m’a répondu que Paul avait ri à ses blagues et je lui ai dit de se taire, que je ne voulais plus l’entendre.

Je ne sais pas pourquoi je suis méchante. Je l’aime tellement. Il est tellement doux, et attentionné. Je ne sais pas pourquoi je me comporte mal avec lui. Ensuite je m’en veux, et je me déteste, et du coup, je suis encore plus ignoble.

En ce jour de nouvelle année, je prends la résolution de changer. Enfin, je prends cette résolution chaque année et je ne m’y tiens jamais. Depuis quelques mois, j’ai commencé à aller voir le docteur Ashcroft à Concord. C’est lui qui m’a conseillé de tenir un journal. Nous avons une séance par semaine. Personne n’est au courant.

J’aurais bien trop honte que l’on sache que je vais voir un psychiatre. Les gens diraient que je suis fol e. Je ne suis pas folle. Je souffre. Je souffre, mais je ne sais pas de quoi.

Le docteur Ashcroft dit que j’ai tendance à détruire tout ce qui me fait du bien. On appelle ça l’autodestruction. Il dit que j’ai des angoisses de mort et que c’est peut-être lié. Je n’en sais rien. Mais je sais que je souffre. Et que j’aime mon Robert. Je n’aime que lui. Sans lui, que serais-je devenue ?

Robert referma le livre. Il pleurait. Ce que sa femme n’avait jamais pu lui dire, el e l’avait écrit. Elle l’aimait. Elle l’aimait vraiment. Elle n’aimait que lui. Il trouva que c’étaient les plus beaux mots qu’il avait jamais lus. Il s’essuya les yeux pour ne pas tacher les pages et lut encore; pauvre Tamara, Tamy chérie, qui souffrait en silence.

Pourquoi ne lui avait-elle rien dit pour le docteur Ashcroft ? Si elle souffrait, il voulait souffrir avec el e, c’était pour cela qu’il l’avait épousée. Balayant le dernier rayonnage du coffre d’un coup de lampe, il tomba sur le mot de Harry et fut brusquement ramené à la réalité. Il se rappela sa mission; il se rappela que sa femme était affalée sur son lit, droguée, et qu’il devait se débarrasser de ce morceau de papier. Il s’en voulut soudain de ce qu’il était en train de commettre; il était sur le point de renoncer lorsqu’il songea que s’il se débarrassait de cette lettre, sa femme se préoccuperait moins de Harry Quebert et plus de lui. C’était lui qui comptait, elle l’aimait. C’était écrit.

C’est ce qui le poussa finalement à s’emparer du feuillet et à s’enfuir du Clark’s

dans le silence de la nuit, après s’être assuré de n’avoir laissé aucune trace de son passage. Il traversa la ville sur sa bicyclette et, dans une ruelle tranquille, il mit le feu aux mots de Harry Quebert à l’aide de son briquet. Il regarda le morceau de papier brûler, brunir, se tordre en une flamme d’abord dorée, puis bleue, et disparaître lentement. Il n’en resta bientôt rien. Il rentra chez lui, remit la clé entre les seins de sa femme, se coucha à ses côtés, et l’étreignit longuement.

Il fallut deux jours à Tamara pour réaliser que le feuil et n’était plus à sa place.

Elle se crut folle : elle était certaine de l’avoir mis dans le coffre et pourtant il n’y était pas. Personne n’avait pu y avoir accès, el e gardait la clé avec elle et il n’y avait pas eu d’effraction. L’aurait-elle égaré dans le bureau ? L’avait-elle rangé ailleurs, machinalement ? Elle passa des heures à fouiller la pièce, à vider les classeurs et les remplir à nouveau, à trier les papiers et les ranger encore, en vain : ce minuscule morceau de papier avait mystérieusement disparu.

Robert Quinn m’expliqua que, lorsque, quelques semaines plus tard, Nola disparut, sa femme en fit une maladie.

Are sens