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Il éprouva soudain le besoin d’en parler à quelqu’un, et il se rendit aussitôt au Clark’s pour trouver Jenny.

- J’ai fini mon livre, lui dit-il, dans un élan d’euphorie. Je suis venu à Aurora pour écrire un livre, et le voilà. Il est terminé. Terminé. Terminé !

- C’est formidable, répondit Jenny. Je suis certaine que c’est un très grand livre.

Que vas-tu faire à présent ?

- Je vais aller à New York quelque temps. Pour le proposer à des éditeurs.

Il soumit des copies du manuscrit à cinq des grandes maisons d’édition de New York. Moins d’un mois plus tard, les cinq maisons le recontactèrent, certaines d’avoir là un chef-d’œuvre, et surenchérissant pour l’achat des droits. Une nouvelle vie débutait. Il engagea un avocat et un agent. À quelques jours de Noël, il signa finalement un contrat phénoménal de 100 000 dollars avec l’une d’entre elles. Il était en route pour la gloire.

Il rentra à Goose Cove le 23 décembre, au volant d’une Chrysler Cordoba flambant neuve. Il avait tenu à passer Noël à Aurora. Coincée dans la porte, une lettre anonyme, déposée depuis plusieurs jours. La dernière qu’il recevrait jamais.

La journée du lendemain fut consacrée à la préparation du repas du soir : il fit rôtir une gigantesque dinde, fit dorer des haricots au beurre et sauter des pommes de terre dans l’huile, confectionna un gâteau au chocolat et à la crème fraîche. Le tourne-disque jouait Madame Butterfly. Il dressa une table pour deux, à côté du sapin. Il ne remarqua pas, derrière la vitre embuée, Robert Quinn qui l’observait et qui se jura, ce jour-là, de cesser ses lettres.

Après avoir dîné, Harry s’excusa auprès de l’assiette vide qui lui faisait face, et s’éclipsa un instant dans son bureau. Il en revint avec un grand carton.

- C’est pour moi ? s’écria Nola.

- Ça n’a pas été facile de le trouver, mais tout arrive, répondit Harry en déposant le carton par terre.

Nola s’agenouilla près de la boîte. « Mais qu’est-ce que c’est ? Qu’est-ce que c’est ? » répéta-t-el e en soulevant les battants du carton qui n’étaient pas scel és. Un museau apparut et bientôt une petite tête jaune. « Un chiot ! C’est un chiot ! Un chien couleur du soleil ! Oh Harry, Harry chéri ! Merci ! Merci ! » Elle sortit le petit chien de la boîte et le prit dans ses bras. C’était un labrador d’à peine deux mois et demi. « Tu t’appelleras Storm ! expliqua-t-el e au chien. Storm ! Storm ! Tu es le chien dont j’ai toujours rêvé ! »

Elle déposa le chiot sur le sol. Il se mit à explorer son nouvel environnement en jappant, et el e s’accrocha au cou de Harry.

- Merci, Harry, je suis si heureuse avec vous. Mais j’ai tellement honte, je n’ai pas de cadeau pour vous.

- Mon cadeau, c’est ton bonheur, Nola.

Il la serra dans ses bras mais il lui sembla qu’elle glissait, bientôt il ne la sentit plus, il ne la vit plus. Il l’appela mais elle ne répondit plus. Il se retrouva seul, debout au milieu de la salle à manger, à serrer ses propres bras. À ses pieds, le chiot était sorti de sa boîte et jouait avec les lacets de ses chaussures.

Les Origines du mal parurent en juin 1976. Dès sa sortie, le livre rencontra un immense succès. Encensé par la critique, le prodigieux Harry Quebert, trente-cinq ans, était désormais considéré comme le plus grand écrivain de sa génération.

Deux semaines avant la sortie du livre, conscient de l’impact qu’il allait susciter, l’éditeur de Harry fit en personne le trajet jusqu’à Aurora pour venir le chercher :

- Allons, Quebert, on me dit que vous ne voulez pas venir à New York ?

interrogea l’éditeur.

- Je ne peux pas partir, dit Harry. J’attends quelqu’un.

- Vous attendez quelqu’un ? Qu’est-ce que vous me racontez là ? Toute l’Amérique vous veut. Vous allez devenir une immense vedette.

- Je ne peux pas partir, j’ai un chien.

- Eh bien, nous le prenons avec nous. Vous verrez, nous le chouchouterons : il aura une nounou, un cuisinier, un promeneur, un toiletteur. Allons, faites votre valise et en route pour la gloire, mon ami.

Et Harry quitta Aurora pour une tournée de plusieurs mois à travers le pays. On ne parla bientôt plus que de lui et de son stupéfiant roman. Depuis la cuisine du Clark’s ou dans sa chambre à coucher, Jenny le suivait, par le biais de la radio, de la télévision.

Elle achetait tous les journaux à son sujet, el e conservait religieusement tous les articles. Chaque fois qu’elle voyait son livre dans un magasin, el e l’achetait. Elle en avait plus de dix exemplaires. Elle les avait tous lus. Souvent, elle se demandait s’il reviendrait la chercher. Lorsque le facteur passait, elle se surprenait à attendre une lettre. Lorsque le téléphone sonnait, elle espérait que c’était lui.

Elle attendit tout l’été. Lorsqu’elle croisait une voiture semblable à la sienne, son cœur battait plus fort.

Elle attendit durant l’automne qui suivit. Lorsque la porte du Clark’s s’ouvrait, elle imaginait que c’était lui qui revenait la chercher. Il était l’amour de sa vie. Et en attendant, pour s’occuper l’esprit, elle repensait aux jours bénis où il venait travailler à la table 17 du Clark’s. Là, tout près d’el e, il avait écrit ce chef-d’œuvre dont el e relisait quelques pages tous les soirs. S’il voulait rester vivre à Aurora, il pourrait continuer à venir ici tous les jours : elle resterait faire le service, pour le plaisir d’être à ses côtés.

Peu lui importerait de servir des hamburgers jusqu’à la fin de son existence si elle existait à ses côtés. Elle garderait cette table pour lui, pour toujours. Et malgré les récriminations de sa mère, elle commanda, à ses frais, une plaque en métal qu’el e fit visser sur la table 17 et sur laquelle était gravé :

C’est à cette table que durant l’été 1975 l’écrivain Harry Quebert a rédigé son célèbre roman Les Origines du mal

Le 13 octobre 1976, elle fêta ses vingt-cinq ans. Harry était à Philadelphie, elle l’avait lu dans le journal. Depuis son départ, il ne lui avait pas donné signe de vie. Ce soir-là, dans le salon de la maison familiale et devant ses parents, Travis Dawn, qui était venu déjeuner chez les Quinn tous les dimanches depuis un an, demanda sa main à Jenny. Et comme elle n’avait plus d’espoir, elle accepta.

Juillet 1985

Dix ans après les événements, le spectre de Nola et de son enlèvement avait été balayé par le temps. Dans les rues d’Aurora, il y avait longtemps que la vie avait repris ses droits : les enfants, sur leurs patins à roulettes, y jouaient de nouveau bruyamment au hockey, les concours de corde à sauter avaient recommencé et des marelles géantes étaient réapparues sur les trottoirs. Dans la rue principale, les vélos encombraient de nouveau la devanture de l’épicerie de la famil e Hendorf où la poignée de bonbons se vendait désormais à près d’un dol ar.

À Goose Cove, à la fin d’une matinée de la deuxième semaine de juil et, Harry, installé sur la terrasse, profitait de la chaleur des beaux jours en corrigeant des feuillets de son nouveau roman; couché près de lui, le chien Storm dormait. Une nuée de mouettes passa au-dessus de lui. Il les suivit du regard, elles se posèrent sur la plage. Il se leva aussitôt pour al er chercher à la cuisine du pain sec qu’il gardait dans une boîte en fer-blanc marquée de l’inscription Souvenir de Rockland, Maine, puis descendit sur la plage pour le distribuer aux oiseaux, suivi à la trace par le vieux Storm dont la marche était rendue difficile par l’arthrose. Il s’assit sur les galets pour contempler les oiseaux, et le chien s’assit à côté de lui. Il le caressa longuement. « Mon pauvre vieux Storm, lui disait-il, t’as de la peine à marcher, hein ? C’est que t’es plus tout jeune… Je me souviens du jour où je t’ai acheté, c’était juste avant Noël 1975… T’étais une foutue minuscule boule de poils, pas plus grosse que mes deux poings. »

Soudain, il entendit une voix qui l’appelait.

- Harry ?

Sur la terrasse, un visiteur le hélait. Harry plissa les yeux et reconnut Eric Rendal , le recteur de l’université de Burrows, dans le Massachusetts. Les deux hommes avaient sympathisé au cours d’une conférence, une année auparavant, et ils avaient gardé des contacts réguliers depuis.

- Eric ? C’est vous ? répondit Harry.

- C’est bien moi.

- Ne bougez pas, je remonte.

Une poignée de secondes plus tard, Harry, péniblement suivi par le vieux labrador, rejoignit Rendall sur sa terrasse.

- J’ai essayé de vous joindre, expliqua le recteur pour justifier sa visite impromptue.

- Je ne réponds pas souvent au téléphone, sourit Harry.

- C’est votre nouveau roman ? demanda Rendall en avisant les feuillets éparpil és sur la table.

- Oui, il doit sortir cet automne. Deux ans que j’y travail e…

Je dois encore relire les épreuves, mais vous savez, je crois que rien de ce que je pourrai écrire ne sera jamais comme Les Origines du mal.

Rendal dévisagea Harry avec sympathie.

- Au fond, dit-il, les écrivains n’écrivent qu’un seul livre par vie.

Harry acquiesça d’un signe de tête et offrit du café à son visiteur. Puis ils s’installèrent autour de la table et Rendall expliqua :

- Harry, je me suis permis de venir vous trouver parce que je me rappel e que vous m’aviez dit avoir envie d’enseigner à l’université. Or, il y a une place de professeur qui se libère au département de littérature de Burrows. Je sais que ce n’est pas Harvard, mais nous sommes une université de qualité. Si le poste vous intéresse, il est à vous.

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