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Le 13 octobre 1976, elle fêta ses vingt-cinq ans. Harry était à Philadelphie, elle l’avait lu dans le journal. Depuis son départ, il ne lui avait pas donné signe de vie. Ce soir-là, dans le salon de la maison familiale et devant ses parents, Travis Dawn, qui était venu déjeuner chez les Quinn tous les dimanches depuis un an, demanda sa main à Jenny. Et comme elle n’avait plus d’espoir, elle accepta.

Juillet 1985

Dix ans après les événements, le spectre de Nola et de son enlèvement avait été balayé par le temps. Dans les rues d’Aurora, il y avait longtemps que la vie avait repris ses droits : les enfants, sur leurs patins à roulettes, y jouaient de nouveau bruyamment au hockey, les concours de corde à sauter avaient recommencé et des marelles géantes étaient réapparues sur les trottoirs. Dans la rue principale, les vélos encombraient de nouveau la devanture de l’épicerie de la famil e Hendorf où la poignée de bonbons se vendait désormais à près d’un dol ar.

À Goose Cove, à la fin d’une matinée de la deuxième semaine de juil et, Harry, installé sur la terrasse, profitait de la chaleur des beaux jours en corrigeant des feuillets de son nouveau roman; couché près de lui, le chien Storm dormait. Une nuée de mouettes passa au-dessus de lui. Il les suivit du regard, elles se posèrent sur la plage. Il se leva aussitôt pour al er chercher à la cuisine du pain sec qu’il gardait dans une boîte en fer-blanc marquée de l’inscription Souvenir de Rockland, Maine, puis descendit sur la plage pour le distribuer aux oiseaux, suivi à la trace par le vieux Storm dont la marche était rendue difficile par l’arthrose. Il s’assit sur les galets pour contempler les oiseaux, et le chien s’assit à côté de lui. Il le caressa longuement. « Mon pauvre vieux Storm, lui disait-il, t’as de la peine à marcher, hein ? C’est que t’es plus tout jeune… Je me souviens du jour où je t’ai acheté, c’était juste avant Noël 1975… T’étais une foutue minuscule boule de poils, pas plus grosse que mes deux poings. »

Soudain, il entendit une voix qui l’appelait.

- Harry ?

Sur la terrasse, un visiteur le hélait. Harry plissa les yeux et reconnut Eric Rendal , le recteur de l’université de Burrows, dans le Massachusetts. Les deux hommes avaient sympathisé au cours d’une conférence, une année auparavant, et ils avaient gardé des contacts réguliers depuis.

- Eric ? C’est vous ? répondit Harry.

- C’est bien moi.

- Ne bougez pas, je remonte.

Une poignée de secondes plus tard, Harry, péniblement suivi par le vieux labrador, rejoignit Rendall sur sa terrasse.

- J’ai essayé de vous joindre, expliqua le recteur pour justifier sa visite impromptue.

- Je ne réponds pas souvent au téléphone, sourit Harry.

- C’est votre nouveau roman ? demanda Rendall en avisant les feuillets éparpil és sur la table.

- Oui, il doit sortir cet automne. Deux ans que j’y travail e…

Je dois encore relire les épreuves, mais vous savez, je crois que rien de ce que je pourrai écrire ne sera jamais comme Les Origines du mal.

Rendal dévisagea Harry avec sympathie.

- Au fond, dit-il, les écrivains n’écrivent qu’un seul livre par vie.

Harry acquiesça d’un signe de tête et offrit du café à son visiteur. Puis ils s’installèrent autour de la table et Rendall expliqua :

- Harry, je me suis permis de venir vous trouver parce que je me rappel e que vous m’aviez dit avoir envie d’enseigner à l’université. Or, il y a une place de professeur qui se libère au département de littérature de Burrows. Je sais que ce n’est pas Harvard, mais nous sommes une université de qualité. Si le poste vous intéresse, il est à vous.

Harry se tourna vers le chien couleur du soleil et lui flatta l’encolure.

- T’entends ça, Storm, lui murmura-t-il à l’oreille. Je vais devenir professeur à l’université.

6. Le Principe Barnaski

“Vous voyez, Marcus, les mots c’est bien, mais parfois ils sont vains et ne suffisent plus. Il arrive un moment où certaines personnes ne veulent pas vous entendre.

- Que convient-il de faire alors ?

- Attrapez-les par le col et appuyez votre coude contre leur gorge. Très fort.

- Pourquoi ?

- Pour les étrangler. Quand les mots ne peuvent plus rien, al ez distribuer quelques coups de poing.”

Au début du mois d’août 2008, au vu des nouveaux éléments révélés par l’enquête, le bureau du procureur de l’État du New Hampshire présenta au juge en charge de l’affaire un nouveau rapport concluant que Luther Caleb était l’assassin de Deborah Cooper et de Nola Kellergan, qu’il avait enlevée, battue à mort et enterrée à Goose Cove. À la suite de ce rapport, le juge convoqua Harry pour une audience urgente, au cours de laquelle il abandonna définitivement les accusations pesant sur lui.

Ce dernier rebondissement donnait à l’affaire les couleurs du grand feuilleton de l’été : Harry Quebert, la vedette rattrapée par son passé et tombée en disgrâce, était finalement blanchi après avoir risqué la peine de mort et avoir vu sa carrière ruinée.

Luther Caleb accéda à une sordide notoriété posthume, qui lui valut de voir sa vie étalée dans les journaux et son nom inscrit au Panthéon des grands criminels de l’histoire de l’Amérique. L’attention générale ne se focalisa bientôt plus que sur lui. Sa vie fut fouillée, les hebdomadaires il ustrés revinrent sur son histoire personnelle en multipliant les photos d’archives achetées à des proches : ses années insouciantes à Portland, son talent pour la peinture, son passage à tabac, sa descente aux enfers. Son besoin de peindre des femmes nues passionna le public et des psychiatres furent interrogés pour des compléments d’explication : était-ce une pathologie connue ? Cela pouvait-il laisser présumer de la suite tragique des événements ? Une fuite au sein de la police permit la diffusion d’images du tableau retrouvé chez Elijah Stern, laissant la voie ouverte aux spéculations les plus fol es : tout le monde se demandait pourquoi Stern, homme puissant et respecté, avait cautionné les séances de peinture d’une fille de quinze ans dénudée ?

Des regards désapprobateurs se tournaient en direction du procureur de l’État, que d’aucuns jugeaient responsable d’avoir agi sans réfléchir et d’avoir précipité le fiasco Quebert. Certains considéraient même qu’en signant le fameux rapport d’août, le procureur avait signé la fin de sa carrière. Ce dernier fut en partie sauvé par Gahalowood, qui, en sa qualité de responsable de l’enquête pour la police, assuma pleinement ses responsabilités, convoquant une conférence de presse pour expliquer qu’il était celui qui avait arrêté Harry Quebert, mais qu’il était également celui qui l’avait fait libérer, et que ceci n’était pas un paradoxe ni une défaillance mais bien la preuve d’un fonctionnement correct de la justice. « Nous n’avons emprisonné personne à tort, déclara-t-il aux journalistes venus en nombre. Nous avons eu des soupçons et nous les avons dissipés. Nous avons agi en cohérence dans les deux cas. C’est le travail de la police. » Et pour expliquer pourquoi il avait fal u toutes ces années pour identifier le coupable, il mentionna sa théorie des circonvolutions : Nola était l’élément central autour duquel beaucoup d’autres éléments gravitaient. Il avait fallu isoler jusqu’au dernier pour trouver son meurtrier. Mais ce travail n’avait pu se faire que grâce à la découverte du corps. « Vous dites qu’il nous a fal u trente-trois ans pour résoudre ce meurtre, rappela-t-il à son auditoire, mais en fait, il nous a fallu deux mois seulement.

Pendant le reste du temps, il n’y avait pas de corps, pas de meurtre. Juste une gamine disparue. »

Celui qui comprenait le moins la situation était Benjamin Roth. Une après-midi que je le croisai par hasard au rayon cosmétique de l’un des grands centres commerciaux de Concord, il me dit :

- C’est fou, je suis allé voir Harry à son motel hier : on aurait dit que l’abandon des charges ne le réjouissait pas plus que ça.

- Il est triste, expliquai-je.

- Triste ? On a gagné et il est triste ?

- Il est triste parce que Nola est morte.

- Mais ça fait trente ans qu’el e est morte.

- Là, elle est vraiment morte.

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