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Elle recula.

- Vous… Vous avez tué Luther !

- Attends, Nola !

Elle s’enfuit à toutes jambes. Travis essaya de la rattraper par les cheveux; il lui arracha une poignée de mèches blondes.

- Rattrape-la, bon Dieu ! hurla Pratt à Travis. Rattrape-la !

Elle fila entre les tail is, écorchant ses joues, et traversa la dernière rangée d’arbres. Une maison. Une maison ! Elle se précipita vers la porte de la cuisine. Son nez saignait toujours. Elle avait du sang sur le visage. Deborah Cooper lui ouvrit, paniquée, et la fit entrer.

- À l’aide, gémit Nola. Appelez des secours.

Deborah se précipita de nouveau sur le téléphone pour prévenir la police.

Nola sentit une main lui obstruer la bouche. D’un geste puissant, Travis la souleva. Elle se débattit, mais il la serrait trop fort. Il n’eut pas le temps de ressortir de la maison : Deborah Cooper revenait déjà du salon. Elle poussa un cri d’effroi.

- Ne vous inquiétez pas, balbutia Travis. Je suis de la police. Tout va bien.

- Au secours ! hurla Nola en essayant de se dégager. Ils ont tué un homme ! Ces policiers ont assassiné un homme ! Il y a un homme mort dans la forêt !

Il s’écoula un moment dont il n’est pas possible de dire combien de temps il dura.

Deborah Cooper et Travis se dévisagèrent en silence : elle n’osa pas se précipiter sur le téléphone, il n’osa pas s’enfuir. Puis un coup de feu retentit et Deborah s’écroula par terre. Le Chef Pratt venait de l’abattre avec son arme de service.

- Vous êtes fou ! hurla Travis. Complètement fou ! Pourquoi avez-vous fait ça ?

- On n’a pas le choix, Travis. Tu sais ce qui nous serait arrivé si la vieille avait

cafté…

Travis tremblait.

- Qu’est-ce qu’on fait maintenant ? demanda le jeune officier.

- J’en sais rien.

Nola, terrorisée, rassemblant l’énergie du désespoir, profita de ce moment de flottement pour se défaire de la prise de Travis. Avant que le Chef Pratt n’ait eu le temps de réagir, el e se jeta hors de la maison par la porte de la cuisine. Elle perdit l’équilibre sur les marches et tomba. Elle se releva aussitôt, mais la main puissante du Chef la retint par les cheveux. Elle poussa un hurlement et lui mordit le bras qu’il tenait près de son visage. Le Chef la relâcha, mais elle n’eut pas le temps de s’enfuir : Travis lui asséna un coup de matraque qui vint frapper l’arrière de son crâne. Elle s’écroula par terre. Il recula, épouvanté. Il y avait du sang partout. Elle était morte.

Travis resta penché un instant sur le corps. Il eut envie de vomir. Pratt tremblait.

De la forêt, on entendit les oiseaux chanter.

- Qu’est-ce qu’on a fait, Chef ? murmura Travis, hagard.

- Du calme. Du calme. Ce n’est pas le moment de paniquer.

- Oui, Chef.

- On doit se débarrasser de Caleb et Nola. Ça, c’est la chaise électrique, tu comprends.

- Oui, Chef. Et Cooper ?

- On fera croire à un assassinat. Un brigandage qui a mal tourné. Tu vas faire exactement ce que je te dis.

Travis pleurait à présent.

- Oui, Chef. Je ferai tout ce qu’il faut.

- Tu m’as dit que tu avais vu la voiture de Caleb près de la route 1.

- Oui. Il y a les clés sur le contact.

- C’est très bien. On va mettre les corps dans la voiture. Et tu vas t’en débarrasser, d’accord ?

- Oui.

- Dès que tu seras parti, je préviendrai des renforts, pour que personne ne nous soupçonne. Il faut faire vite, d’accord ?

Quand la cavalerie arrivera, tu seras déjà loin. Dans la cohue, personne ne remarquera que tu n’es pas là.

- Oui. Chef… Mais je crois que la mère Cooper a de nouveau appelé les urgences.

- Merde ! Il faut se grouiller alors !

Ils traînèrent les corps de Luther et de Nola jusque dans la Chevrolet. Puis Pratt s’enfuit en courant à travers la forêt, en direction de la maison de Deborah Cooper et des voitures de police. Il saisit sa radio de bord pour avertir la centrale qu’il venait de trouver Deborah Cooper assassinée par bal e.

Travis s’installa au volant de la Chevrolet et démarra. Au moment où il sortait des fourrés, il croisa une patrouille du bureau du shérif qui avait été appelée en renfort par la centrale suite au deuxième appel de Deborah Cooper.

Pratt était en train de contacter la centrale lorsqu’il entendit une sirène de police, proche. À la radio, on annonça une poursuite sur la route 1 entre une voiture du bureau

du shérif et une Chevrolet Monte Carlo noire repérée aux abords de Side Creek Lane.

Le Chef Pratt annonça qu’il arrivait en renfort immédiatement. Il démarra, enclencha sa sirène, passa par la route forestière paral èle. Lorsqu’il déboucha sur la route 1, il manqua de peu de percuter Travis. Ils se regardèrent un instant : ils étaient terrifiés.

Au cours de la poursuite, Travis parvint à faire partir la voiture de l’adjoint du shérif en embardée. Il rejoignit la route 1, direction sud, et bifurqua à Goose Cove. Pratt le talonnait, faisant semblant de le poursuivre. À la radio, il donnait des positions erronées, prétendant être sur la route de Montburry. Il coupa sa sirène, s’engouffra dans le chemin de Goose Cove et le rejoignit devant la maison. Les deux hommes sortirent de voiture, paniqués, aux abois.

- T’es pas fou de t’arrêter ici ? dit Pratt.

- Quebert n’est pas là, répondit Travis. Je sais qu’il est absent de la ville quelque temps, il l’a dit à Jenny Quinn qui me l’a dit.

- J’ai demandé des barrages sur toutes les routes. J’étais obligé.

- Merde ! Merde ! gémit Travis. Je suis coincé ! Qu’est-ce qu’on fait alors ?

Pratt regarda autour de lui. Il remarqua le garage vide.

- Laisse la voiture là-dedans, verrouil e la porte et dépêche-toi de retourner à Side Creek Lane par la plage. Va faire semblant de fouil er la maison de Cooper. Je reprends la poursuite. Nous nous débarrasserons des corps cette nuit. Tu as une veste dans ta voiture ?

Are sens