Ma premiĂšre rĂ©action fut de lui obĂ©ir ; je tournai les talons et me dirigeai vers lâescalier. Et puis je mâarrĂȘtai. Il nâavait pas le droit de me dire tout ça, de partager sa souffrance sans Ă©couter la mienne.
Il croyait quoi ? Que cela allait ĂȘtre facile pour moi, de tirer un trait sur lui et sur son fils, de rentrer Ă Paris et de faire semblant dâaimer Olivier ? Alors que je lui appartenais intĂ©gralement, et ce, mĂȘme si jâavais parfaitement conscience de lâimpossibilitĂ© de notre histoire. Je lui fis face, il ne mâavait pas lĂąchĂ©e des yeux. Je traversai le salon en courant, et me jetai sur lui. Il me repoussa, et me tint Ă distance.
â Ăa ne peut pas se finir comme ça !
â Diane⊠arrĂȘteâŠ
â Non, je nâarrĂȘterai pas ! Jâai des choses Ă te dire !
â Je ne veux pas les entendre.
La duretĂ© de son ton me fit reculer, et puis je me dis que ça suffisait. Jâattrapai son visage et lâembrassai.
Il rĂ©pondit Ă mon baiser furieusement, en mâenfermant dans lâĂ©tau de ses bras. Jây mis toute ma frustration des derniers mois. Je me hissai sur la pointe des pieds, me coulai contre son corps, essayant de me faire plus petite, pour disparaĂźtre avec lui, pour ĂȘtre encore plus proche. Jâen voulais plus ; plus de lui, de ses lĂšvres, de sa peau. Je nâavais jamais ressenti un tel dĂ©sir, ni une envie si forte de mâabandonner Ă un homme. Oui, il avait Ă©tĂ© ma bĂ©quille, mais aujourdâhui mes sentiments allaient bien au-delĂ . Je lâavais dâabord mal aimĂ©, pas comme il fallait, dĂ©sormais chaque fibre de mon ĂȘtre, de mon cĆur et de mon
corps le dĂ©sirait. Jâaimais sa force et ses faiblesses. Dans un rĂąle de souffrance, il mâarracha Ă lui.
â On va se faire encore plus de mal, arrĂȘte, sâil te plaĂźtâŠ
â Une nuit⊠il nous reste une nuit dâillusion.
Il luttait tellement pour garder le contrĂŽle de ses Ă©motions, il sâinterdisait de vivre depuis si longtemps, terrifiĂ© par la douleur dâamour et Ă©crasĂ© par les responsabilitĂ©s quâil sâimposait. Je pris sa main dans la mienne, et lâentraĂźnai Ă lâĂ©tage. Je le laissai devant sa chambre pour vĂ©rifier que celle de Declan Ă©tait bien fermĂ©e. Il mâattendait, appuyĂ© contre le chambranle de la porte. Il riva son regard au mien.
â Il est encore temps de ne pas aller plus loin.
â Câest vraiment ce que tu veux ?
Tout en nous enfermant dans la chambre, il me poussa jusquâĂ son lit. Si, un instant, il avait Ă©tĂ© perdu et faible, câĂ©tait fini ; il prenait le pouvoir sur moi. La duretĂ© du baiser quâil me donna me le confirma. Nous nous effondrĂąmes sur le lit, saisis par lâurgence de nous aimer, nous dĂ©shabillant brutalement, cherchant nos lĂšvres, palpant nos peaux affamĂ©es. La proximitĂ© de Declan, nous imposant un silence absolu, et la conscience que nous nâavions que quelques heures devant nous ajoutaient de lâintensitĂ© Ă cet instant que nous attendions depuis si longtemps : ĂȘtre lâun Ă lâautre.
Quand il me pĂ©nĂ©tra, ma respiration se coupa, nos regards sâancrĂšrent lâun dans lâautre. Je lus dans le sien tout lâamour, le dĂ©sir, mais aussi toute la souffrance quâil ressentait. Jouir du corps dâEdward mâarracha des larmes. Il sâĂ©croula sur moi en me serrant davantage contre lui, je le gardai emprisonnĂ© entre mes jambes en caressant ses cheveux. Puis, jâattrapai son visage entre mes mains. Il mâembrassa doucement, lâorage Ă©tait passĂ©.
â Je tâaime, murmurai-je.
â Ne redis jamais cela⊠ça ne change rienâŠ
â Je sais⊠mais pour quelques heures, autorisons-nous Ă ĂȘtre libres de tout.
Nous pĂ»mes nous aimer sans rĂ©serve toute la nuit. Par moments, nous somnolions, nos peaux moites collĂ©es lâune Ă lâautre. Et le premier qui ouvrait les yeux rĂ©veillait lâautre par ses caresses et ses baisers.
â DianeâŠ
Je me blottis plus Ă©troitement contre son torse en mâaccrochant davantage Ă lui, en mĂȘlant ses jambes aux miennes. Il mâembrassa la tempe.
â Je vais me lever⊠je ne veux pas que Declan nous trouve ensemble.
Sa remarque eut le don de me réveiller totalement.
â Tu as raison.
Je redressai la tĂȘte, et passai un doigt le long de sa mĂąchoire contractĂ©e. Il attrapa ma main et embrassa
ma paume. Puis il se dĂ©tacha de moi, sâassit au bord du lit en sâĂ©bouriffant les cheveux. Il me regarda par-dessus son Ă©paule, jâesquissai une tentative de sourire, il me caressa la joue.
â Jây vaisâŠ
â Oui.
Je lui tournai le dos, je ne voulais pas le voir quitter la chambre, je ne voulais pas conserver cette image, je ne voulais me souvenir que de notre nuit dâamour. Je serrai son oreiller de toutes mes forces au moment oĂč la porte se referma avec un lĂ©ger bruit.
Je restai peut-ĂȘtre une demi-heure au lit. Me lever me demanda un effort surhumain, ainsi que rĂ©cupĂ©rer mes vĂȘtements Ă©parpillĂ©s aux quatre coins de la piĂšce. Je luttai contre mes vieux dĂ©mons : jâavais envie de ne pas me laver, conserver son odeur sur moi le plus longtemps possible. Mais Edward nâĂ©tait pas mort.
Le jour nâĂ©tait pas encore tout Ă fait levĂ© lorsque je gagnai le rez-de-chaussĂ©e. Je dĂ©posai mon sac de voyage dans lâentrĂ©e. Une tasse de cafĂ© fumant mâattendait sur le bar de la cuisine, jâen avalai quelques gorgĂ©es. Ensuite, je me dirigeai vers la terrasse oĂč Edward se tenait, cigarette aux lĂšvres.
Sâil mâentendit arriver, il ne rĂ©agit pas. Je vins me coller Ă lui en prenant sa main dans la mienne, nos doigts sâentrelacĂšrent, et il mâembrassa les cheveux en soupirant. Je fermai les yeux en me blottissant contre lui. Au loin, nous entendĂźmes une voiture se garer devant le cottage.
â VoilĂ Judith, me dit-il.
Je mâapprĂȘtais Ă mâĂ©loigner de lui, persuadĂ©e quâil souhaitait garder secrĂštes nos retrouvailles.
â Reste lĂ .
Il lĂącha ma main, pour me serrer plus fort contre lui, dans ses bras. Je cachai mon visage dans sa chemise, jâaspirai Ă pleins poumons son parfum. La porte dâentrĂ©e claqua : Judith et sa discrĂ©tion lĂ©gendaire.
â Il va falloir aller rĂ©veiller Declan, mâannonça Edward.
Je mâagrippai Ă sa chemise.
â Allons-y.