"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » Français Books » 🌚🌚"La Vie est facile, ne t'inquiĂšte pas" de Marie M. Martin-Lugand🌚🌚

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– Papa m’attend dans la voiture


Il serra plus fort mon ventre.

– Tu vas voir, ça va ĂȘtre gĂ©nial d’aller Ă  l’école avec tante Judith
 et papa sera rentrĂ© pour la sortie.

Hier soir, je t’ai prĂ©parĂ© ton uniforme, tu n’as plus qu’à t’habiller


Il se dĂ©tacha de moi et me regarda de ses magnifiques yeux. Puis il se redressa, s’accrocha Ă  mon cou et me fit un bisou, un vrai bisou d’enfant, humide et gĂ©nĂ©reux. J’embrassai son front, il me lĂącha.

MalgrĂ© le sentiment d’abandon, je me levai et dĂ©couvris Judith qui avait assistĂ© Ă  toute la scĂšne.

– Au revoir, Declan.

– Au revoir, Diane.

Je traversai la piĂšce et marquai un temps d’arrĂȘt prĂšs d’elle, nous nous regardĂąmes, nous sourĂźmes, et je dĂ©posai une bise sur sa joue avant de filer dans l’escalier. Je croisai Postman Pat couchĂ© au bas des marches, je lui fis une derniĂšre caresse et sortis du cottage. Edward Ă©tait appuyĂ© contre sa voiture, une cigarette aux lĂšvres. Je lançai un dernier regard Ă  la mer et grimpai dans le Range. Il me suivit de peu et

mit le moteur en route.

– Tu es prĂȘte ?

– Non
 mais je ne le serai jamais, donc tu peux y aller.

Je fixai le cottage à travers la vitre quelques secondes. Et puis la voiture fila, traversa le village qui se réveillait.

– Regarde qui est là, me dit Edward.

J’aperçus au loin la silhouette de Jack, prĂšs de son portail. Il leva la main dans notre direction lorsque nous passĂąmes prĂšs de lui. Je regardai en arriĂšre, il resta quelques instants Ă  fixer la voiture, puis il rentra chez lui, le dos courbĂ©. Quand nous dĂ©passĂąmes la sortie de Mulranny, j’attrapai le paquet de cigarettes d’Edward sur le tableau de bord, en pris une, l’allumai, et tirai dessus comme une malade.

J’avais envie de taper, de hurler, d’évacuer ma colĂšre. Pour la premiĂšre fois, j’en voulais Ă  Abby ; en mourant, elle m’avait mise dans cette situation intenable. J’avais parfaitement conscience du caractĂšre puĂ©ril, Ă©goĂŻste de ma rĂ©action, mais c’était mon seul moyen de dĂ©fense contre le chagrin.

J’étais aussi en colĂšre contre moi-mĂȘme ; j’étais une fouteuse de merde ! Je faisais souffrir Olivier, Edward, Declan et Judith. Finalement, j’étais toujours aussi capricieuse, maladroite et Ă©goĂŻste. À

croire que la vie ne m’avait rien appris.

– Merde ! Fais chier ! jurai-je en français.

En continuant à rñler dans un langage plus que fleuri, je saisis mon sac à main, le vidai sur mes genoux pour faire du tri ; il fallait que je m’occupe. La cendre de ma clope tomba sur mon jean, je braillai.

Edward me laissait piquer ma crise sans broncher, il roulait pied au plancher comme d’habitude. Petit Ă  petit, mon Ă©tat de nerfs se modifia. Je me calmai, je respirai plus lentement, ma gorge et mon ventre se nouĂšrent, je cessai de gigoter, m’enfonçai plus profondĂ©ment dans mon siĂšge, me laissant aller contre l’appui-tĂȘte. J’avais beau fixer la route, je ne voyais pas les paysages.

Le tĂ©lĂ©phone d’Edward sonna aprĂšs plus d’une heure. Il dĂ©crocha, je n’écoutai pas la conversation et restai stoĂŻque le temps qu’elle dura.

– C’était Judith
 Declan va mieux, il est parti Ă  l’école de meilleure humeur


Cette nouvelle m’arracha un petit sourire, qui s’estompa trùs rapidement. Je sentis sur ma joue le pouce d’Edward, il essuyait une larme. Je tournai le visage vers lui, il ne m’avait jamais paru si triste ni si fort.

Le pĂšre de famille qu’il Ă©tait encaissait les Ă©preuves pour son fils. MĂȘme si ce n’était pas nouveau pour lui, il se relĂ©guait au second plan : Declan avant tout. J’étais dans le mĂȘme Ă©tat d’esprit que lui
 Il me caressa la joue. Puis il posa sa grande main sur ma cuisse, je mis la mienne dessus, et il se concentra Ă  nouveau sur sa conduite.

Le trajet passa trop vite, beaucoup trop vite, dans un silence de plomb. RĂ©guliĂšrement, Edward essuyait mes larmes silencieuses. J’avais l’impression d’ĂȘtre une condamnĂ©e dans le couloir de la mort. La vie, la gĂ©ographie allaient me soustraire un homme et un enfant que j’aimais plus que tout au monde. Ma seule consolation serait de savoir qu’ils existaient, qu’ils allaient bien ; ce n’était pas la grande faucheuse qui

me les avait enlevĂ©s. C’était la faute Ă  « pas de chance », nous n’habitions pas le mĂȘme pays, nous n’avions pas la mĂȘme vie. Nous nous Ă©tions enfoncĂ©s dans nos sentiments sans mesurer la rĂ©alitĂ©.

Nous arrivĂąmes sur le parking de l’aĂ©roport de Dublin. Edward coupa le contact, ni l’un ni l’autre nous n’esquissĂąmes le moindre geste pour quitter l’habitacle. Nous restĂąmes une dizaine de minutes ainsi. Et puis je me tournai vers lui, enfoncĂ© dans son siĂšge, la tĂȘte en arriĂšre, les yeux fermĂ©s, les traits contractĂ©s.

Je caressai sa barbe ; il me regarda intensĂ©ment. J’y voyais le mĂȘme amour que la nuit passĂ©e, mais aussi une douleur encore plus grande. Il se redressa, s’approcha de moi et effleura mes lĂšvres des siennes, notre baiser s’approfondit. Lorsqu’il y mit un terme, il prit mon visage en coupe et appuya son front contre le mien. Mes larmes mouillaient ses mains. Il pressa fortement ses lĂšvres sur les miennes.

– Allons-y


– Oui
 il est temps


Je chancelai en quittant la voiture. Edward chargea mon sac de voyage sur son Ă©paule et me prit par la main. Je m’y agrippai de toutes mes forces et collai mon visage contre son bras. Nous pĂ©nĂ©trĂąmes dans le hall du terminal. Évidemment, mon vol Ă©tait Ă  l’heure. Nous Ă©tions largement en avance. C’était aussi bien

; je voulais qu’Edward soit Ă  la sortie de l’école, Declan ne devait pas rester trop longtemps loin de son pĂšre. Je prĂ©fĂ©rai m’enregistrer sans attendre et me dĂ©barrasser de ma valise. Edward ne me lĂącha pas ; l’hĂŽtesse de l’air nous dĂ©visagea.

– Vous voyagez ensemble ? lui demanda-t-elle.

– Si seulement c’était possible
, marmonna-t-il dans sa barbe, le regard dur.

– Non, soufflai-je. Je suis seule.

Les lĂšvres d’Edward retrouvĂšrent ma tempe, mes larmes coulaient sans discontinuer. Non sans un dernier coup d’Ɠil, l’hĂŽtesse se concentra sur son clavier. Je la remerciai intĂ©rieurement de ne pas me souhaiter bon voyage. Nous nous Ă©loignĂąmes du comptoir et je regardai l’heure.

– Vas-y, dis-je Ă  Edward. J’ai promis Ă  Declan que tu serais lĂ  pour la sortie de l’école


CollĂ©s l’un Ă  l’autre, nos doigts entrelacĂ©s, nous traversĂąmes Ă  nouveau tout le hall jusqu’aux contrĂŽles de sĂ©curitĂ©. J’avais envie de vomir, de hurler, de pleurer. J’avais peur de me retrouver sans lui. Mais nous parvĂźnmes Ă  la derniĂšre limite pour Edward. Il me prit contre lui, me serra fort.

– Ne conduis pas comme un fou sur la route du retour


Are sens

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