Il m’entraîna à l’intérieur. Judith nous attendait, café à la main, accoudée au bar. Elle nous sourit, tristement.
– Fallait bien que ça arrive, depuis le temps que vous l’attendiez…
– Fous-nous la paix, lui rétorqua vertement Edward.
– Eh ! Calme-toi… je ne vous le reproche pas. Je vous envie, c’est tout…
Une course se fit entendre dans l’escalier, puis la voix joyeuse de Declan :
– J’ai dormi tout seul ! Papa ! Diane ! J’ai dormi tout seul !
J’eus le temps de m’éloigner d’Edward avant que son fils lui saute dans les bras. Sa fierté était immense, un sourire extraordinaire illuminait son visage.
– Tu as vu, Diane ?
– Tu es un champion !
Son sourire se figea lorsqu’il remarqua Judith. Son visage reflétait la violence de la réalité qui venait de lui tomber dessus. Il voulut descendre des bras de son père, et fonça tête baissée dans l’entrée. Il tira sur la sangle de mon sac de voyage, et me fixa.
– C’est quoi ? cria-t-il.
– Ma valise, lui répondis-je, en m’approchant de lui.
– Pourquoi elle est là ?
– Je rentre chez moi, tu te souviens ?
– Non ! C’est ici, ta maison maintenant, avec papa et moi ! Je veux pas que tu partes !
– Je suis désolée…
Ses yeux débordèrent de larmes, il devint rouge de colère, de rage, même.
– Tu es méchante !
– Declan, ça suffit ! intervint Edward.
– Laisse-le, soufflai-je. Il a raison…
– Je te déteste ! hurla Declan.
Il gravit l’escalier en courant et claqua la porte de sa chambre. Edward vint me prendre dans ses bras.
– Comment a-t-on pu être si égoïstes ? sanglotai-je.
– Je sais…
– Fichez le camp, maintenant, nous dit Judith.
Je me détachai d’Edward et m’approchai d’elle.
– Je ne te dis plus au revoir, j’en ai marre de le faire. On se parle au téléphone…
– Tu as raison…
Edward m’attendait sur le perron, mon sac de voyage à la main. Au moment de franchir le seuil, je
m’arrêtai. Ça allait trop vite…
– Je dois lui dire au revoir.
Je montai l’escalier quatre à quatre et frappai à la porte de sa chambre.
– Non !
– Declan, je vais entrer.
– Je ne veux plus jamais te voir !
Je pénétrai dans la pièce, il était assis sur son lit, raide comme un piquet. Il s’essuya rageusement les joues du plat de la main, en regardant droit devant lui. Je m’installai à côté de lui.
– Je suis désolée… Je t’ai fait espérer que j’allais rester. Tu as raison, je suis bien avec toi et ton papa, j’aime être ici. Je n’ai pas menti là-dessus… Tu comprendras quand tu seras plus grand… On ne fait pas toujours ce que l’on veut : j’ai un travail à Paris, des responsabilités de grande personne. Je sais que tu t’en moques… Je penserai très souvent à toi, je te le promets.
Il se jeta dans mes bras. Je le berçai une dernière fois en lui embrassant les cheveux et en retenant mes larmes. Il ne comprendrait pas que je parte s’il voyait mon chagrin.
– Chut… ça va aller… tu es courageux… je ne t’oublierai pas, jamais… tu vas devenir un grand garçon fort comme ton papa… D’accord ?
Je le gardai contre moi encore de longues minutes, j’aurais voulu toujours le protéger, le rassurer. Sauf que l’heure tournait…