"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » Français Books » 🌚🌚"La Vie est facile, ne t'inquiète pas" de Marie M. Martin-Lugand🌚🌚

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Il éclata de rire.

– Pas faux. Mais ça a le mérite de te faire marrer.

J’esquivai la conversation houleuse avec Edward en lui envoyant un simple SMS : « Je dîne avec un acheteur, je t’appelle après. » J’éteignis mon téléphone. À 20 h 01, le mystérieux Frédéric arriva, ignora superbement Félix, et m’entraîna à sa suite. Nous marchâmes en silence et à distance jusqu’à un restaurant, place du Marché-Sainte-Catherine, où il avait réservé une table. Malgré son attitude pour le moins étrange, je me sentis rapidement très à l’aise avec lui. Il se présenta brièvement ; c’était un ancien cadre dirigeant de la Défense qui avait de belles économies à la banque, n’ayant pas de famille à charge.

Il voulait changer de vie, sans quitter Paris, qui était son troisième poumon. Puis il voulut savoir comment Les Gens étaient nés. Les vannes s’ouvrirent, je lui racontai ma vie : Colin et Clara, mon deuil impossible, l’exil en Irlande, Edward, son caractère, son amour, mon amour pour lui, et son fils depuis peu, ma décision de tout plaquer pour recommencer de zéro avec eux.

– Et Félix ? m’interrompit-il d’un coup.

Je me lançai dans un nouveau chapitre de ma vie, et son attention redoubla. Je conclus en lui expliquant à quel point la vente des Gens et mon départ le blessaient, sans lui cacher la vérité.

– Si vous achetez, les débuts risquent d’être difficiles avec lui, mais s’il vous plaît, soyez patient, il est merveilleux, il fait partie des Gens, il en est plus l’âme que moi.

– Diane, vous êtes la femme de sa vie, me dit-il en me regardant droit dans les yeux.

– Oh, je vous arrête tout de suite, vous vous trompez, Félix est gay.

– Je le sais… mais justement, je maintiens, vous êtes la femme de sa vie, et il la perd. Il aura eu vous et sa mère. J’ai connu ça.

Il me lança un sourire en coin pour bien confirmer ce que j’avais compris.

– Vous finissez toujours par lâcher l’homo de votre vie pour l’homme de votre vie. Et on n’y est pas préparé.

Il leva la main pour demander l’addition, la paya sans que je réussisse à aligner deux mots.

– Je vous raccompagne, me proposa-t-il.

Je hochai la tête, et nous prîmes le chemin des Gens.

– Je vous promets de m’occuper de lui, me dit-il, brisant le silence. Il s’en remettra, et reviendra vers vous, un jour…

– Attendez, Frédéric ! Vous êtes en train de me dire quoi exactement ?

– J’achète vos Gens heureux, et je compte bien y être aussi heureux… avec Félix.

– Minute ! Vous achetez Les Gens ?

– Puisque je vous le dis ! Dans peu de temps, vous allez retrouver votre Edward et son fils.

– Mais, Félix ! Vous comptez lui faire quoi ?

– La cour…

J’écarquillai des yeux comme des billes.

– Je ne doute pas de vos capacités de séduction. Mais Félix ne conçoit même pas l’existence de la monogamie.

– C’est ce qu’on verra…

À son regard, je compris qu’il réussirait.

– Je règle tout avec l’agence, je passerai vous voir demain. Passez une bonne nuit, Diane. Mes amitiés à Edward.

Je commençai à monter l’escalier de mon immeuble, mais je m’arrêtai et me pinçai le bras. La douleur m’assura de la réalité de cette soirée. En arrivant chez moi, je m’allongeai directement sur mon lit, mon téléphone en main. Edward aboya dès qu’il décrocha :

– Je t’interdis de me refaire un coup pareil ! C’est qui ce type avec qui tu as passé la soirée ?

– L’amoureux de Félix et le nouveau propriétaire des Gens.

– Quoi ?

– Tu as bien entendu… j’arrive bientôt, très bientôt… et je n’ai plus à m’inquiéter pour Félix…

À partir de là, tout s’enchaîna très vite. Félix ayant procuration pour Les Gens, je n’avais pas besoin de rester jusqu’à la vente définitive, et je ne tenais plus. Frédéric se proposa de prendre ma place pour se

faire aux Gens et au travail, espérant aussi apprivoiser Félix. Celui-ci râla, dans un premier temps, puis finit par accepter, blasé. Pour le moment, il ne voyait rien du petit manège de son futur patron. Le jour où ça lui exploserait à la figure, ça lui ferait tout bizarre ! Frédéric était en train de se rendre indispensable.

De mon côté, je les laissais se jauger et prendre leurs marques ensemble pour préparer mon grand départ, le vrai, le dernier. J’empaquetai toutes mes affaires, qu’un transporteur livrerait à Mulranny dans plusieurs semaines, je clôturai mes comptes bancaires, et remplis des tonnes et des tonnes de papiers administratifs. Chaque jour, j’avais Edward et Declan au téléphone. Ou plutôt devrais-je dire Declan !

Pour Edward, déjà pas très causant en vrai, le téléphone était un supplice…

Dernière journée à Paris. Mon vol était le lendemain. Je passerais mon ultime après-midi aux Gens. En attendant, je refis ce chemin que je prenais chaque lundi depuis plus de un an. Je sortis du métro, les jambes tremblantes. J’entrai chez la fleuriste la plus proche, qui me connaissait depuis le jour où je m’étais enfuie de chez elle. Je lui achetai pour la dernière fois en mains propres une brassée de roses blanches, et ouvris un compte : chaque semaine, elle devrait leur déposer le même bouquet. Je l’embrassai amicalement et me dirigeai vers le cimetière. Je pris tout mon temps pour traverser l’allée centrale. Arrivée devant eux, je me mis à genoux, changeai les fleurs, et déposai les roses fanées derrière moi. Puis je caressai le marbre.

– Eh… mes amours… vous resterez toujours mes amours. Je pars demain, ça y est… Colin, on en a déjà parlé… Tu sais que je ne t’oublierai jamais. Je ne t’ai pas remplacé par Edward… Je l’aime, c’est tout…

Et toi, ma Clara… tu aurais pu avoir un frère comme Declan… Je ne suis pas sa maman, je reste la tienne.

Ma nouvelle vie commence demain dans un endroit que vous ne connaissez pas, mais qui est aujourd’hui chez moi. Je ne sais pas quand je reviendrai vous voir… mais vous serez toujours avec moi… Si vous ne trouvez pas le chemin, demandez à Abby, elle vous guidera vers la plage… Je vous aime… Je vous aimerai toujours…

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