"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » Français Books » 🌚🌚"La Vie est facile, ne t'inquiĂšte pas" de Marie M. Martin-Lugand🌚🌚

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Sa voix dérailla.

– Et moi ? reprit-il. Je croyais que c’était moi, ta famille !

Je vis quelques larmes rouler sur ses joues, les miennes ruisselaient sur mon visage.

– Tu es et tu resteras ma famille, FĂ©lix
 Mais j’aime Edward et je ne peux pas vivre sans lui


Viens vivre en Irlande avec moi !

– Tu es conne, ou quoi ? Tu crois que j’ai envie de tenir la chandelle et de jouer les baby-sitters !

– Non, bien sĂ»r que non, lui rĂ©pondis-je en piquant du nez.

Il s’éloigna, attrapa son manteau, alluma une cigarette Ă  l’intĂ©rieur. Je marchai derriĂšre lui, en panique.

– Que fais-tu FĂ©lix ?

– Je me casse ! Je ne veux pas assister à ça
 Et puis il faut que je trouve du boulot, je vais pointer au chîmage par ta faute.

Il avait déjà ouvert la porte.

– Non, FĂ©lix, tu ne perdras pas ton travail. J’ai demandĂ© Ă  ce que l’acheteur te garde.

– Ouais, comme les meubles !

Il claqua la porte, qui trembla au point que je crus que la vitre allait exploser, et partit en courant dans la rue. Le son de la clochette résonna longtemps. Pour la premiÚre fois, ce fut morbide
 La violence de sa réaction me paralysa.

Pourtant, je n’eus pas le temps de m’appesantir davantage sur FĂ©lix, son chagrin et encore moins le mien.

Les rapaces de l’immobilier dĂ©barquĂšrent les uns aprĂšs les autres. Je les observai froidement dĂ©cortiquer mon cafĂ©, rĂ©pondant Ă  leurs questions avec distance et dĂ©tachement. Il m’était dĂ©sormais impossible de lier mes Ă©motions aux Gens, qui n’allaient bientĂŽt plus ĂȘtre mes Gens. Je devais m’y faire, car le lendemain j’irais signer le mandat de vente. FĂ©lix resta invisible toute la journĂ©e.

J’inondai son tĂ©lĂ©phone de messages et de SMS, rien n’y fit : ni les excuses, ni les dĂ©clarations, ni la menace de couper les ponts, ni les sanglots. J’avais une fois de plus l’impression de devenir adulte, de grandir. Chaque dĂ©cision imposait des pertes, d’abandonner des morceaux de sa vie derriĂšre soi. Pour rien au monde je n’aurais voulu ĂȘtre privĂ©e de l’amitiĂ© de FĂ©lix ; il Ă©tait le frĂšre que je n’avais pas eu, il Ă©tait mon complice, mon confident et mon double, il Ă©tait mon sauveur des heures sombres
 mais j’aimais Edward au-delĂ  de ce lien. De la mĂȘme façon, j’aurais laissĂ© FĂ©lix pour Colin, il le savait au fond de lui-mĂȘme. J’espĂ©rais qu’il finirait par me comprendre. L’appel d’Edward Ă  22 heures me sauva d’un gros coup de dĂ©prime. En parlant avec lui, je me glissai sous la couette, m’enroulai dedans, et Ă©voquai notre future vie ensemble. De son cĂŽtĂ©, il Ă©tait moins expansif que moi – je le connaissais –, je le sentais encore sur la rĂ©serve, Ă©prouvant des difficultĂ©s Ă  se laisser aller. Ma dĂ©cision restait abstraite pour lui, Ă  des milliers de kilomĂštres de Paris. Il m’expliqua qu’il prĂ©fĂ©rait attendre avant d’en parler Ă  Declan – je le comprenais. Et puis, nous avions conscience que cela pouvait prendre du temps avant que je prenne un vol aller sans retour prĂ©vu.

Lorsqu’en fin de journĂ©e, le lendemain, la vitrine fut affublĂ©e du panneau « Ă  vendre », je dĂ©cidai de lui envoyer un Ă©lĂ©ment concret. Je sortis dans la rue, me postai sur le trottoir d’en face, repĂ©rai l’emplacement d’oĂč il avait dĂ» prendre celle qui ornait son mur. J’eus besoin de quelques secondes pour que mes mains arrĂȘtent de trembler et que ma respiration revienne Ă  la normale. Comment effacer de ma mĂ©moire : Les Gens heureux lisent et boivent du cafĂ©, Ă  vendre. Eux aussi faisaient partie de ma famille, et je les laissais derriĂšre moi. Je pris la photo avec mon smartphone, et l’envoyai Ă  Edward, accompagnĂ©e de quelques mots : « Ce n’est plus une illusion, je ne suis plus Ă  l’intĂ©rieur. » Il me rĂ©pondit dans la foulĂ©e : « Comment vas-tu ? » Que rĂ©pondre Ă  ça sans l’inquiĂ©ter ? « Ça va, mais vous me manquez. » Je reçus une photo qui me donna le sourire ; Edward se dĂ©ridait, il m’envoyait un selfie de Declan et lui sur la plage, souriants. Je m’apprĂȘtais Ă  traverser la rue lorsque je remarquai FĂ©lix, tĂ©tanisĂ© devant la vitrine et le panneau. Je le rejoignis et mis une main sur son bras. Il tremblait.

– Je suis dĂ©solĂ©e, lui dis-je.

– Es-tu certaine que cela en vaut la peine ?

– Oui.

– Qu’est-ce qui te le prouve ?

– Ça.

Je lui tendis mon tĂ©lĂ©phone avec la photo de Declan et Edward qui remplissait tout l’écran. Il les fixa de longues secondes, toujours en tremblant. Puis il souffla, me regarda avant de diriger ses yeux au loin.

– J’aurais vraiment dĂ» lui pĂ©ter la gueule, quitte Ă  finir en taule


Je souris lĂ©gĂšrement, il n’avait pas complĂštement perdu son humour.

– On rentre ?

Je n’attendis pas sa rĂ©ponse, le tirai par le bras Ă  l’intĂ©rieur des Gens. Je nous servis un verre. Il s’installa du cĂŽtĂ© des clients.

– Tu viendras nous voir ?

– Je ne sais pas
 laisse-moi le temps de m’y faire


À l’ouverture, quelques jours plus tard, l’émotion m’étreignit en voyant Olivier s’arrĂȘter devant Les Gens. Je ne l’avais pas revu depuis notre rupture, qui me semblait dĂ©jĂ  vieille de plusieurs lustres.

Difficile d’imaginer qu’à cette heure il Ă©tait prĂ©vu que nous vivions ensemble. Il poussa la porte, et je remarquai le sac qu’il tenait Ă  la main. Il alla le ranger prĂšs de la rĂ©serve, et revint s’installer au comptoir.

– Tu veux bien me servir ta recette du bonheur ? J’en ai besoin.

Deux minutes plus tard, son café était servi, et il rompit le silence.

– Tu n’as pas mis longtemps Ă  te dĂ©cider, soupira-t-il.

– C’est vrai
 Olivier, excuse-moi pour tout le mal que je t’ai fait


Il leva la main, je me tus.

– On allait droit dans le mur, enfin
 surtout moi.

Il vida sa tasse d’une seule gorgĂ©e, et se leva en me dĂ©signant le sac de la main.

– Je crois que j’ai retrouvĂ© toutes tes affaires


Are sens

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