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Bournisien la dĂ©fendit ; il s’étendit sur les restitutions qu’elle faisait opĂ©rer. Il cita diffĂ©rentes anecdotes de voleurs devenus 677

honnĂȘtes tout Ă  coup. Des militaires, s’étant approchĂ©s du tribunal de la pĂ©nitence, avaient senti les Ă©cailles leur tomber des yeux. Il y avait Ă  Fribourg un ministre...

Son compagnon dormait. Puis, comme il Ă©touffait un peu dans l’atmosphĂšre trop lourde de la chambre, il ouvrit la fenĂȘtre, ce qui rĂ©veilla le pharmacien.

– Allons, une prise ! lui dit-il. Acceptez, cela dissipe.

Des aboiements continus se traĂźnaient au loin, quelque part.

– Entendez-vous un chien qui hurle ? dit le pharmacien.

– On prĂ©tend qu’ils sentent les morts, rĂ©pondit l’ecclĂ©siastique. C’est comme les abeilles : elles s’envolent de la ruche au dĂ©cĂšs des personnes.

Homais ne releva pas ces prĂ©jugĂ©s, car il s’était rendormi.

M. Bournisien, plus robuste, continua quelque temps Ă  remuer tout bas les lĂšvres ; puis, insensiblement, il baissa le menton, lĂącha son 678

gros livre noir et se mit Ă  ronfler.

Ils Ă©taient en face l’un de l’autre, le ventre en avant, la figure bouffie, l’air renfrognĂ©, aprĂšs tant de dĂ©saccord se rencontrant enfin dans la mĂȘme faiblesse humaine ; et ils ne bougeaient pas plus que le cadavre Ă  cĂŽtĂ© d’eux, qui avait l’air de dormir.

Charles, en entrant, ne les réveilla point.

C’était la derniĂšre fois. Il venait lui faire ses adieux.

Les herbes aromatiques fumaient encore, et des tourbillons de vapeur bleuùtre se confondaient au bord de la croisée avec le brouillard qui entrait. Il y avait quelques étoiles, et la nuit était douce.

La cire des cierges tombait par grosses larmes sur les draps du lit. Charles les regardait brûler, fatiguant ses yeux contre le rayonnement de leur flamme jaune.

Des moires frissonnaient sur la robe de satin, blanche comme un clair de lune. Emma disparaissait dessous ; et il lui semblait que, 679

s’épandant au dehors d’elle-mĂȘme, elle se perdait confusĂ©ment dans l’entourage des choses, dans le silence, dans la nuit, dans le vent qui passait, dans les senteurs humides qui montaient.

Puis, tout Ă  coup, il la voyait dans le jardin de Tostes, sur le banc, contre la haie d’épines, ou bien Ă  Rouen, dans les rues, sur le seuil de leur maison, dans la cour des Bertaux. Il entendait encore le rire des garçons en gaietĂ© qui dansaient sous les pommiers ; la chambre Ă©tait pleine du parfum de sa chevelure, et sa robe lui frissonnait dans les bras avec un bruit d’étincelles. C’était la mĂȘme, celle-lĂ  !

Il fut longtemps Ă  se rappeler ainsi toutes les fĂ©licitĂ©s disparues, ses attitudes, ses gestes, le timbre de sa voix. AprĂšs un dĂ©sespoir, il en venait un autre, et toujours, intarissablement, comme les flots d’une marĂ©e qui dĂ©borde.

Il eut une curiosité terrible : lentement, du bout des doigts, en palpitant, il releva son voile.

Mais il poussa un cri d’horreur qui rĂ©veilla les deux autres. Ils l’entraĂźnĂšrent en bas, dans la salle.

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Puis FĂ©licitĂ© vint dire qu’il demandait des cheveux.

– Coupez-en ! rĂ©pliqua l’apothicaire ; et, comme elle n’osait, il s’avança lui-mĂȘme, les ciseaux Ă  la main.

Il tremblait si fort, qu’il piqua la peau des tempes en plusieurs places. Enfin, se raidissant contre l’émotion, Homais donna deux ou trois grands coups au hasard, ce qui fit des marques blanches dans cette belle chevelure noire.

Le pharmacien et le curĂ© se replongĂšrent dans leurs occupations, non sans dormir de temps Ă  autre, ce dont ils s’accusaient rĂ©ciproquement Ă  chaque rĂ©veil nouveau. Alors M. Bournisien aspergeait la chambre d’eau bĂ©nite et Homais jetait un peu de chlore par terre.

FĂ©licitĂ© avait eu soin de mettre pour eux, sur la commode, une bouteille d’eau-de-vie, un fromage et une grosse brioche. Aussi l’apothicaire, qui n’en pouvait plus, soupira, vers quatre heures du matin :

– Ma foi, je me sustenterais avec plaisir ! – Et 681

l’ecclĂ©siastique ne se fit point prier ; il sortit pour aller dire sa messe, revint ; puis ils mangĂšrent et trinquĂšrent, tout en ricanant un peu, sans savoir pourquoi, excitĂ©s par cette gaietĂ© vague qui vous prend aprĂšs des sĂ©ances de tristesse ; et, au dernier petit verre, le prĂȘtre dit au pharmacien, tout en lui frappant sur l’épaule :

– Nous finirons par nous entendre !

Ils rencontrĂšrent en bas, dans le vestibule, les ouvriers qui arrivaient.

Alors Charles, pendant deux heures, eut Ă  subir le supplice du marteau qui rĂ©sonnait sur les planches. Puis on la descendit dans son cercueil de chĂȘne, que l’on emboĂźta dans les deux autres ; mais, comme la biĂšre Ă©tait trop large, il fallut boucher les interstices avec la laine d’un matelas.

Enfin, quand les trois couvercles furent rabotĂ©s, clouĂ©s, soudĂ©s, on l’exposa devant la porte ; on ouvrit toute grande la maison, et les gens d’Yonville commencĂšrent Ă  affluer.

Le pĂšre Rouault arriva. Il s’évanouit sur la Place en apercevant le drap noir.

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X

Il n’avait reçu la lettre du pharmacien que trente-six heures aprĂšs l’évĂ©nement ; et, par Ă©gard pour sa sensibilitĂ©, M. Homais l’avait rĂ©digĂ©e de telle façon qu’il Ă©tait impossible de savoir Ă  quoi s’en tenir.

Le bonhomme tomba d’abord comme frappĂ©

d’apoplexie. Ensuite il comprit qu’elle n’était pas morte. Mais elle pouvait l’ĂȘtre... Enfin il avait passĂ© sa blouse, pris son chapeau, accrochĂ© un Ă©peron Ă  son soulier et Ă©tait parti ventre Ă  terre ; et, tout le long de la route, le pĂšre Rouault, haletant, se dĂ©vora d’angoisses. Une fois mĂȘme, il fut obligĂ© de descendre. Il n’y voyait plus, il entendait des voix autour de lui, il se sentait devenir fou.

Le jour se leva. Il aperçut trois poules noires qui dormaient dans un arbre ; il tressaillit, épouvanté de ce présage. Alors il promit à la 683

Are sens

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