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Puis sur un ton de bravade :

- D'ailleurs je m'y trouve bien, moi, dans la peste, [175] et je ne vois pas pourquoi je me mêlerais de la faire cesser.

Tarrou se frappa le front, comme illuminé par une vérité soudaine :

- Ah ! c'est vrai, j'oubliais, vous seriez arrêté sans cela.

Cottard eut un haut-le-corps et se saisit de la chaise comme s'il allait tomber. Rieux avait cessé d'écrire et le regardait d'un air sérieux et intéressé.

- Qui vous l'a dit ? cria le rentier.

Tarrou parut surpris et dit :

- Mais vous. Ou du moins, c'est ce que le docteur et moi avons cru comprendre.

Et comme Cottard, envahi tout à coup d'une rage trop forte pour lui, bredouillait des paroles incompréhensibles :

Albert Camus, LA PESTE (1947) 149

- Ne nous énervez pas, ajouta Tarrou. Ce n'est pas le docteur ni moi qui vous dénoncerons. Votre histoire ne nous regarde pas. Et puis, la police, nous n'avons jamais aimé ça. Allons, asseyez-vous.

Le rentier regarda sa chaise et s'assit, après une hésitation. Au bout d'un moment, il soupira.

- C'est une vieille histoire, reconnut-il, qu'ils ont ressortie. Je croyais que c'était oublié. Mais il y en a un qui a parlé. Ils m'ont fait appeler et m'ont dit de me tenir à leur disposition jusqu'à la fin de l'enquête. J'ai compris qu'ils finiraient par m'arrêter.

- C'est grave ? demanda Tarrou.

- Ça dépend de ce que vous voulez dire. Ce n'est pas un meurtre en tout cas.

- Prison ou travaux forcés ?

Cottard paraissait très abattu.

- Prison, si j'ai de la chance. .

Mais après un moment, il reprit avec véhémence :

[176] - C'est une erreur. Tout le monde fait des erreurs. Et je ne peux pas supporter l'idée d'être enlevé pour ça, d'être séparé de ma maison, de mes habitudes, de tous ceux que je connais.

- Ah ! demanda Tarrou, c'est pour ça que vous avez inventé de vous pendre ?

- Oui, une bêtise, bien sûr.

Rieux parla pour la première fois et dit à Cottard qu'il comprenait son inquiétude, mais que tout s'arrangerait peut-être.

- Oh ! pour le moment, je sais que je n'ai rien à craindre.

- Je vois, dit Tarrou, vous n'entrerez pas dans nos formations.

L'autre, qui tournait son chapeau entre ses mains, leva vers Tarrou un regard incertain :

- Il ne faut pas m'en vouloir.

Albert Camus, LA PESTE (1947) 150

- Sûrement pas. Mais essayez au moins, dit Tarrou en souriant, de ne pas propager volontairement le microbe.

Cottard protesta qu'il n'avait pas voulu la peste, qu'elle était arrivée comme ça et que ce n'était pas sa faute si elle arrangeait ses affaires pour le moment. Et quand Rambert arriva à la porte, le rentier ajoutait, avec beaucoup d'énergie dans la voix :

- Du reste, mon idée est que vous n'arriverez à rien.

Rambert apprit que Cottard ignorait l'adresse de Gonzalès, mais qu'on pouvait toujours retourner au petit café. On prit rendez-vous pour le lendemain. Et comme Rieux manifesta le désir d'être renseigné, Rambert l'invita avec Tarrou pour la fin de la semaine à n'importe quelle heure de la nuit, dans sa chambre.

Au matin, Cottard et Rambert allèrent au petit café et laissèrent à Garcia un rendez-vous pour le soir, ou le lendemain en cas d'empêchement. Le soir, ils l'attendirent [177] en vain. Le lendemain, Garcia était là. Il écouta en silence l'histoire de Rambert. Il n'était pas au courant, mais il savait qu'on avait consigné des quartiers entiers pendant vingt-quatre heures afin de procéder à des vérifications domiciliaires. Il était possible que Gonzalès et les deux jeunes gens n'eussent pu fran-chir les barrages. Mais tout ce qu'il pouvait faire était de les mettre en rapport à nouveau avec Raoul. Naturellement, ce ne serait pas avant le surlendemain.

- Je vois, dit Rambert, il faut tout recommencer.

Le surlendemain, au coin d'une rue, Raoul confirma l'hypothèse de Garcia ; les bas quartiers avaient été consignés. Il fallait reprendre contact avec Gonzalès. Deux jours après, Rambert déjeunait avec le joueur de football.

- C'est idiot, disait celui-ci. On aurait dû convenir d'un moyen de se retrouver.

C'était aussi l'avis de Rambert.

- Demain matin, nous irons chez les petits, on tâchera de tout arranger.

Albert Camus, LA PESTE (1947) 151

Le lendemain, les petits n'étaient pas chez eux. On leur laissa un rendez-vous pour le lendemain midi, place du Lycée. Et Rambert rentra chez lui avec une expression qui frappa Tarrou, lorsqu'il le rencontra dans l'après-midi.

- Ça ne va pas ? lui demanda Tarrou.

- C'est à force de recommencer, dit Rambert.

Et il renouvela son invitation :

- Venez ce soir.

Le soir, quand les deux hommes pénétrèrent dans la chambre de Rambert, celui-ci était étendu. Il se leva, emplit des verres qu'il avait préparés. Rieux, prenant le sien, lui demanda si c'était en bonne voie.

Le journaliste dit qu'il avait fait à nouveau un tour complet, [178] qu'il était arrivé au même point et qu'il aurait bientôt son dernier rendez-vous. Il but et ajouta :

- Naturellement, ils ne viendront pas.

- Il ne faut pas en faire un principe, dit Tarrou.

- Vous n'avez pas encore compris, répondit Rambert, en haussant les épaules.

- Quoi donc ?

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