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– Mais, fit Bolton, rappelle-toi ce que t’a dit le docteur.

– Oh ! répliqua Pen avec sa grosse voix brutale, pour le dire, on le dit. Reste à savoir si, sous prétexte de santé, on ne s’amuse pas à faire l’économie du liquide.

– Ce diable de Pen a peut-être raison, répondit Gripper.

– Allons donc ! riposta Bolton, il a le nez trop rouge pour cela ; et s’il perd un peu de sa couleur à naviguer sous un pareil régime, Pen n’aura pas trop à se plaindre.

– Qu’est-ce que mon nez t’a fait ? répondit brusquement le matelot attaqué à son endroit sensible. Mon nez n’a pas besoin de tes conseils ; il ne te les demande pas ; mêle-toi donc de ce qui regarde le tien !

– Allons ! ne te fâche pas. Pen, je ne te croyais pas le nez si susceptible. Hé ! je ne déteste pas plus qu’un autre un bon verre de whisky, surtout par une température pareille ; mais si, au bout du compte, cela fait plus de mal que de bien, je m’en passe volontiers.

– Tu t’en passes, dit le chauffeur Waren qui prit part à la conversation ; eh bien, tout le monde ne s’en passe peut-être pas à bord !

– Que veux-tu dire, Waren ? reprit Garry en le regardant fixement.

– Je veux dire que, pour une raison ou pour une autre, il y a des liqueurs à bord, et j’imagine qu’on ne s’en prive pas beaucoup à l’arrière.

– Et qu’en sais-tu ? demanda Garry.

Waren ne sut trop que répondre ; il parlait pour parler, comme on dit.

– Tu vois bien, Garry, reprit Bolton, que Waren n’en sait rien.

– Eh bien, dit Pen, nous demanderons une ration de gin au commandant ; nous l’avons bien gagnée, et nous verrons ce qu’il répondra.

– Je vous engage à n’en rien faire, répondit Garry.

– Et pourquoi ? s’écrièrent Pen et Gripper.

– Parce que le commandant vous refusera. Vous saviez quel était le régime du bord, quand vous vous êtes embarqués ; il fallait y réfléchir à ce moment-là.

– D’ailleurs, répondit Bolton qui prenait volontiers le parti de Garry dont le caractère lui plaisait, Richard Shandon n’est pas le maître à bord ; il obéit tout comme nous autres.

– Et à qui donc ? demanda Pen.

– Au capitaine.

– Ah ! toujours ce capitaine de malheur ! s’écria Pen. Et ne voyez-vous pas qu’il n’y a pas plus de capitaine que de taverne sur ces bancs de glace ? C’est une façon de nous refuser poliment ce que nous avons le droit d’exiger.

– Mais si, il y a un capitaine, reprit Bolton ; et je parierais deux mois de ma paye que nous le verrons avant peu.

– C’est bon, fit Pen ; en voilà un à qui je voudrais bien dire deux mots en face !

– Qui parle du capitaine ? dit en ce moment un nouvel interlocuteur.

C’était le matelot Clifton, passablement superstitieux et envieux à la fois.

– Est-ce que l’on sait quelque chose de nouveau sur le capitaine ? demanda-t-il.

– Non, lui fut-il répondu d’une seule voix.

– Eh bien, je m’attends à le trouver installé un beau matin dans sa cabine, sans que personne ne sache ni comment, ni par où il sera arrivé.

– Allons donc ! répondit Bolton ; tu te figures, Clifton, que ce gaillard-là est un farfadet, un lutin comme il en court dans les hautes terres d’Écosse !

– Ris tant que tu voudras, Bolton ; cela ne changera pas mon opinion. Tous les jours, en passant devant la cabine, je jette un regard par le trou de la serrure, et l’un de ces matins je viendrai vous raconter à qui ce capitaine ressemble, et comment il est fait.

– Eh, par le diable, fit Pen, il sera bâti comme tout le monde, ton capitaine ! Et si c’est un gaillard qui veut nous mener où cela ne nous plaît pas, on lui dira son fait.

– Bon, fit Bolton, voilà Pen qui ne le connaît même pas, et qui veut déjà lui chercher dispute !

– Qui ne le connaît pas, répliqua Clifton de l’air d’un homme qui en sait long ; c’est à savoir, s’il ne le connaît pas !

– Que diable veux-tu dire ? demanda Gripper.

– Je m’entends.

– Mais nous ne t’entendons pas !

– Eh bien, est-ce que Pen n’a pas eu déjà des désagréments avec lui ?

– Avec le capitaine ?

– Oui, le dog-captain ; car c’est exactement la même chose.

Les matelots se regardèrent sans trop oser répondre.

– Homme ou chien, fit Pen entre ses dents, je vous affirme que cet animal-là aura son compte un de ces jours.

– Voyons, Clifton, demanda sérieusement Bolton, prétends-tu, comme l’a dit Johnson en se moquant, que ce chien-là est le vrai capitaine ?

– Certes, répondit Clifton avec conviction ; et si vous étiez des observateurs comme moi, vous auriez remarqué les allures étranges de cet animal.

– Lesquelles ? voyons, parle !

– Est-ce que vous n’avez pas vu la façon dont il se promène sur là dunette avec un air d’autorité, regardant la voilure du navire, comme s’il était de quart ?

– C’est vrai, fit Gripper ; et même un soir je l’ai positivement surpris les pattes appuyées sur la roue du gouvernail.

– Pas possible ! fit Bolton.

– Et maintenant, reprit Clifton, est-ce que, la nuit, il ne quitte pas le bord pour aller se promener seul sur les champs de glace, sans se soucier ni des ours ni du froid ?

– C’est toujours vrai, fit Bolton.

– Est-ce que vous voyez cet animal-là, comme un honnête chien, rechercher la compagnie des hommes, rôder du côté de la cuisine, et couver des yeux maître Strong quand il apporte quelque bon morceau au commandant ? Est-ce que vous ne l’entendez pas, la nuit, quand il s’en va à deux ou trois milles du navire, hurler de façon à vous donner froid dans le dos, ce qui n’est pourtant pas facile à ressentir par une pareille température ? Enfin, est-ce que vous avez jamais vu ce chien-là se nourrir ? Il ne prend rien de personne ; sa pâtée est toujours intacte, et, à moins qu’une main ne le nourrisse secrètement à bord, j’ai le droit de dire que cet animal vit sans manger, Or, si celui-là n’est pas fantastique, je ne suis qu’une bête.

– Ma foi, répondit Bell le charpentier, qui avait entendu toute l’argumentation de Clifton, ma foi, cela pourrait bien être !

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