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– Nous allons être attaqués, fit Bell.

– Eh bien ! répondit Hatteras, nous lutterons corps à corps.

– Mille diables ! s’écria Altamont, j’aime mieux cela ! j’en ai assez pour mon compte de ces ennemis invisibles ! on se verra et on se battra !

– Oui, répondit Johnson, mais pas à coups de fusil ; c’est impossible dans un espace aussi étroit.

– Soit ! à la hache ! au couteau !

Le bruit augmentait ; on entendait distinctement l’éraillure des griffes ; les ours avaient attaqué la muraille à l’angle même où elle rejoignait le talus de neige adossé au rocher.

– L’animal qui creuse, dit Johnson, n’est pas maintenant à six pieds de nous.

– Vous avez raison, Johnson, répondit l’Américain ; mais nous avons le temps de nous préparer à le recevoir !

L’Américain prit sa hache d’une main, son couteau de l’autre ; arc-bouté sur son pied droit, le corps rejeté en arrière, il se tint en posture d’attaque. Hatteras et Bell l’imitèrent. Johnson prépara son fusil pour le cas où l’usage d’une arme à feu serait nécessaire.

Le bruit devenait de plus en plus fort ; la glace arrachée craquait sous la violente incision de griffes d’acier.

Enfin une croûte mince sépara seulement l’assaillant de ses adversaires ; soudain, cette croûte se fendit comme le cerceau tendu de papier sous l’effort du clown, et un corps noir, énorme, apparut dans la demi-obscurité de la chambre.

Altamont ramena rapidement sa main armée pour frapper.

– Arrêtez ! par le Ciel ! dit une voix bien connue.

– Le docteur ! le docteur ! s’écria Johnson.

C’était le docteur, en effet, qui, emporté par sa masse, vint rouler au milieu de la chambre.

– Bonjour, mes braves amis, dit-il en se relevant lestement.

Ses compagnons demeurèrent stupéfaits ; mais à la stupéfaction succéda la joie ; chacun voulut serrer le digne homme dans ses bras ; Hatteras, très ému, le retint longtemps sur sa poitrine. Le docteur lui répondit par une chaleureuse poignée de main.

– Comment, vous, monsieur Clawbonny ! dit le maître d’équipage.

– Moi, mon vieux Johnson, et j’étais plus inquiet de votre sort que vous n’avez pu l’être du mien.

– Mais comment avez-vous su que nous étions assaillis par une bande d’ours ? demanda Altamont ; notre plus vive crainte était de vous voir revenir tranquillement au Fort-Providence, sans vous douter du danger.

– Oh ! j’avais tout vu, répondit le docteur ; vos coups de fusil m’ont donné l’éveil ; je me trouvais en ce moment près des débris du Porpoise ; j’ai gravi un hummock ; j’ai aperçu les cinq ours qui vous poursuivaient de près ; ah ! quelle peur j’ai ressentie pour vous ! Mais enfin votre dégringolade du haut de la colline et l’hésitation des animaux m’ont rassuré momentanément ; j’ai compris que vous aviez eu le temps de vous barricader dans la maison. Alors, peu à peu, je me suis approché, tantôt rampant, tantôt me glissant entre les glaçons ; je suis arrivé près du fort, et j’ai vu ces énormes bêtes au travail, comme de gros castors ; ils battaient la neige, ils amoncelaient les blocs, en un mot ils vous muraient tout vivants. Il est heureux que l’idée ne leur soit pas venue de précipiter des blocs de glace du sommet du cône, car vous auriez été écrasés sans merci.

– Mais, dit Bell, vous n’étiez pas en sûreté, monsieur Clawbonny ; ne pouvaient-ils abandonner la place et revenir vers vous ?

– Ils n’y pensaient guère ; les chiens Groënlandais, lâchés par Johnson, sont venus plusieurs fois rôder à petite distance, et ils n’ont pas songé à leur donner la chasse ; non, ils se croyaient sûrs d’un gibier plus savoureux.

– Grand merci du compliment, dit Altamont en riant.

– Oh ! il n’y a pas de quoi être fier. Quand j’ai compris la tactique des ours, j’ai résolu de vous rejoindre. Il fallait attendre la nuit, par prudence ; aussi, dès les premières ombres du crépuscule, je me suis glissé sans bruit vers le talus, du côté de la poudrière. J’avais mon idée en choisissant ce point ; je voulais percer une galerie. Je me suis donc mis au travail ; j’ai attaqué la glace avec mon couteau à neige, un fameux outil, ma foi ! Pendant trois heures j’ai pioché, j’ai creusé, j’ai travaillé, et me voilà affamé, éreinté, mais arrivé…

– Pour partager notre sort ? dit Altamont.

– Pour nous sauver tous ; mais donnez-moi un morceau de biscuit et de viande ; je tombe d’inanition.

Bientôt le docteur mordait de ses dents blanches un respectable morceau de bœuf salé. Tout en mangeant, il se montra disposé à répondre aux questions dont on le pressait.

– Nous sauver ! avait repris Bell.

– Sans doute, répondit le docteur, en faisant place à sa réponse par un vigoureux effort des muscles staphylins.

– Au fait, dit Bell, puisque M. Clawbonny est venu, nous pouvons nous en aller par le même chemin.

– Oui-da, répondit le docteur, et laisser le champ libre à cette engeance malfaisante, qui finira par découvrir nos magasins et les piller !

– Il faut demeurer ici, dit Hatteras.

– Sans doute, répondit le docteur, et nous débarrasser néanmoins de ces animaux.

– Il y a donc un moyen ? demanda Bell.

– Un moyen sûr, répondit le docteur.

– Je le disais bien, s’écria Johnson en se frottant les mains ; avec M. Clawbonny, jamais rien n’est désespéré ; il a toujours quelque invention dans son sac de savant.

– Oh ! oh ! mon pauvre sac est bien maigre, mais en fouillant bien…

– Docteur, dit Altamont, les ours ne peuvent-ils pénétrer par cette galerie que vous avez creusée ?

– Non, j’ai eu soin de reboucher solidement l’ouverture ; et maintenant, nous pouvons aller d’ici à la poudrière sans qu’ils s’en doutent.

– Bon ! nous direz-vous maintenant quel moyen vous comptez employer pour nous débarrasser de ces ridicules visiteurs ?

– Un moyen bien simple, et pour lequel une partie du travail est déjà fait.

– Comment cela ?

– Vous le verrez. Mais j’oublie que je ne suis pas venu seul ici.

– Que voulez-vous dire ? demanda Johnson.

– J’ai là un compagnon à vous présenter.

Et, en parlant de la sorte, le docteur tira de la galerie le corps d’un renard fraîchement tué.

– Un renard ! s’écria Bell.

– Ma chasse de ce matin, répondit modestement le docteur, et vous verrez que jamais renard n’aura été tué plus à propos.

– Mais enfin, quel est votre dessein ? demanda Altamont.

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