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Le métro est ce que les enfants préfèrent. Si Louise ne les retenait pas, ils courraient sur le quai, ils se jetteraient dans la rame en écrasant les pieds des passagers, tout ça pour s’asseoir contre la vitre, la langue pendante, les yeux grands ouverts. Ils se mettent debout et Adam imite sa sœur qui s’accroche à la barre et fait semblant de conduire le train.

Dans le jardin, la nounou court avec eux. Ils rient, elle les gâte, leur o re des glaces et des ballons. Elle les prend en photo, couchés sur un tapis de feuilles mortes, jaune vif ou rouge sang. Mila demande pourquoi certains arbres ont pris cette teinte dorée, lumineuse, tandis que d’autres, les mêmes, plantés à côté ou en face, semblent pourrir, passant directement du vert au marron foncé.

Louise est incapable de se l’expliquer. « On demandera à ta maman », dit-elle.

Dans les manèges, ils hurlent de terreur et de joie. Louise a le vertige et elle tient Adam bien fort sur ses genoux quand le train s’enfonce dans les tunnels sombres et dévale des pentes à toute vitesse. Dans le ciel un ballon s’envole, Mickey est devenu un vaisseau spatial.

Ils s’installent sur l’herbe pour pique-niquer et Mila se moque de Louise qui a peur des grands paons, à quelques mètres d’eux. La nounou a emporté une vieille couverture en laine que Myriam avait roulée en boule sous son lit et que Louise a nettoyée et reprisée. Ils s’endorment tous les trois sur l’herbe. Louise se réveille, Adam collé contre elle. Elle a froid, les enfants ont dû tirer la couverture. Elle se retourne et ne voit pas Mila. Elle l’appelle. Elle se met à hurler. Les gens se retournent. On lui demande : « Tout va bien, madame ? Vous avez besoin d’aide ? » Elle ne répond pas. « Mila, Mila », hurle-t-elle en courant, Adam dans ses bras. Elle fait le tour des manèges, court devant le stand de carabine. Les larmes lui montent aux yeux, elle a envie de secouer les passants, de pousser les inconnus qui se pressent là, tenant bien en main leurs enfants. Elle retourne vers la fermette.

Sa mâchoire tremble tellement qu’elle ne peut même plus appeler la llette. Son crâne lui fait atrocement mal et elle sent que ses genoux se mettent à ancher. Dans un instant, elle tombera par terre, incapable de faire un geste, muette, totalement démunie.

Puis elle l’aperçoit, au bout d’une allée. Mila mange une glace sur un banc, une femme penchée vers elle. Louise se jette sur l’enfant.

« Mila ! Mais tu es complètement folle ! Qu’est-ce qui t’a pris de partir comme ça ? » L’inconnue, une femme d’une soixantaine d’années, serre la petite lle contre elle. « C’est scandaleux. Qu’est-ce que vous faisiez ? Comment a-t-elle pu se retrouver toute seule ? Je pourrais très bien demander le numéro de ses parents à la petite. Je ne suis pas sûre qu’ils apprécieraient. »

Mais Mila échappe à l’étreinte de l’inconnue. Elle la repousse et lui lance un regard méchant, avant de se jeter contre les jambes de Louise. La nounou se penche vers elle et la soulève. Louise embrasse son cou glacé, elle lui caresse les cheveux. Elle regarde le visage blême de l’enfant et s’excuse de sa négligence. « Ma petite, mon ange, mon chaton. » Elle la cajole, la couvre de baisers, la tient serrée contre sa poitrine.

En voyant l’enfant se lover dans les bras de la petite femme blonde, la vieille se calme. Elle ne sait plus quoi dire. Elle les observe en remuant la tête d’un air de reproche. Elle espérait sans doute provoquer un scandale. Cela l’aurait distraite. Elle aurait eu quelque chose à raconter si la nounou s’était mise en colère, s’il avait fallu appeler les parents, si des menaces avaient été proférées puis mises à exécution. L’inconnue nit par se lever de ce banc, et elle part en disant : « Bon, la prochaine fois, vous ferez attention. »

Louise regarde partir la vieille qui se retourne deux ou trois fois.

Elle lui sourit, reconnaissante. À mesure que la silhouette voûtée s’éloigne, Louise serre Mila contre elle, de plus en plus fort. Elle écrase le torse de la petite lle qui supplie : « Arrête, Louise, tu m’étou es. » L’enfant essaie de se dégager de cette étreinte, elle remue, donne des coups de pied mais la nounou la tient fermement.

Elle colle ses lèvres contre l’oreille de Mila et elle lui dit, d’une voix calme et glacée : « Ne t’éloigne plus jamais, tu m’entends. Tu veux que quelqu’un te vole ? Un méchant monsieur ? La prochaine fois, c’est ce qui arrivera. Tu auras beau crier et pleurer, personne ne viendra. Est-ce que tu sais ce qu’il te fera ? Non ? Tu ne sais pas ? Il t’emmènera, il te cachera, il te gardera pour lui tout seul et tu ne reverras plus jamais tes parents. » Louise s’apprête à poser l’enfant quand elle sent une douleur atroce dans l’épaule. Elle hurle et essaie de repousser la petite lle, qui la mord jusqu’au sang. Les dents de Mila s’enfoncent dans sa chair, la déchirent, elle reste accrochée au bras de Louise comme un animal devenu fou.

Ce soir-là, elle ne raconte pas à Myriam l’histoire de la fugue ni celle de la morsure. Mila, elle aussi, reste silencieuse sans que sa nounou l’ait prévenue ou menacée. À présent, Louise et Mila ont chacune un grief contre l’autre. Elles ne se sont jamais senties aussi unies que par ce secret.

Jacques

Jacques adorait lui dire de se taire. Il ne supportait pas sa voix, qui lui râpait les nerfs. « Tu vas la fermer, oui ? » Dans la voiture, elle ne pouvait pas s’empêcher de bavarder. Elle avait peur de la route et parler la calmait. Elle se lançait dans des monologues insipides, reprenant à peine sa respiration entre deux phrases. Elle jacassait, égrenant le nom des rues, étalant les souvenirs qu’elle y avait.

Elle sentait bien que son mari fulminait. Elle savait que c’était pour la faire taire qu’il augmentait le son de la radio. Que c’était pour l’humilier qu’il ouvrait la fenêtre et se mettait à fumer en fredonnant. La colère de son époux lui faisait peur mais elle devait aussi reconnaître que, parfois, cela l’excitait. Elle jouissait de lui tordre les boyaux, de l’amener à un état de rage tel qu’il était capable de se garer sur le bas-côté, de la saisir par le cou et de la menacer à voix basse de la faire taire à tout jamais.

Jacques était lourd, bruyant. En vieillissant, il est devenu aigre et vaniteux. Le soir, en rentrant du travail, il faisait pendant une heure au moins l’exposé de ses griefs contre untel ou untel. À l’en croire, tout le monde essayait de le voler, de le manipuler, de tirer pro t de

sa condition. Après son premier licenciement, il a poursuivi son employeur devant les prud’hommes. La procédure lui a coûté du temps, énormément d’argent mais la victoire nale lui a apporté un tel sentiment de puissance qu’il a pris goût aux litiges et aux tribunaux. Plus tard, il a cru faire fortune en poursuivant son assurance après un banal accident de voiture. Puis il s’en est pris aux voisins du premier étage, à la mairie, au syndic de l’immeuble. Ses journées entières étaient occupées par la rédaction de lettres illisibles et menaçantes. Il épluchait les sites Internet d’aide juridique, à la recherche du moindre article de loi qui pourrait jouer en sa faveur.

Jacques était colérique et d’une mauvaise foi sans limites. Il enviait le succès des autres, leur déniait tout mérite. Il lui arrivait même de passer l’après-midi au tribunal de commerce, pour se gaver de la détresse des autres. Il jouissait des ruines subites, des coups du sort.

« Je ne suis pas comme toi, disait-il èrement à Louise. Je n’ai pas une âme de carpette, à ramasser la merde et le vomi des mioches. Il n’y a plus que les négresses pour faire un travail pareil. » Il trouvait sa femme excessivement docile. Et si cela l’excitait, la nuit, dans le lit conjugal, cela l’exaspérait le reste du temps. Il donnait continuellement des conseils à Louise, qu’elle faisait mine d’écouter.

« Tu devrais leur dire de te rembourser, c’est tout », « Tu ne devrais pas accepter de travailler une minute de plus sans être payée »,

« Prends un congé maladie, va, qu’est-ce que tu veux qu’ils y fassent ? ».

Jacques était trop occupé pour chercher un emploi. Ses tracasseries lui prenaient tout son temps. Il quittait peu l’appartement, étalant ses dossiers sur la table basse, la télévision toujours allumée. À cette époque, la présence des enfants lui est

devenue insupportable et il a intimé à Louise l’ordre d’aller travailler dans l’appartement de ses employeurs. Les toux enfantines, les vagissements, même les rires l’irritaient. Louise, surtout, le répugnait. Ses préoccupations minables, qui tournaient toutes autour des gamins, le mettaient dans un véritable état de rage. « Toi et tes a aires de bonnes femmes », répétait-il. Il pensait que ces histoires ne sont pas bonnes à être racontées. Elles devraient être vécues à l’abri du monde, nous n’en devrions rien savoir, de ces histoires de bébés ou de vieillards. Ce sont de mauvais moments à passer, des âges de servitude et de répétitions des mêmes gestes. Des âges où le corps, monstrueux, sans pudeur, mécanique froide et odorante, envahit tout. Des corps qui réclament de l’amour et à boire. « C’est à vous dégoûter d’être un homme. »

À cette époque, il a acheté à crédit un ordinateur, une nouvelle télévision, et un fauteuil électrique qui faisait des massages et dont on pouvait abaisser le dossier pour faire la sieste. Des heures devant l’écran bleu de son ordinateur, dont le sou e asthmatique emplissait la pièce. Assis sur son nouveau fauteuil, face à sa télévision ambant neuve, il appuyait frénétiquement sur les boutons de sa télécommande, comme un gosse rendu idiot par trop de jouets.

C’était sans doute un samedi puisqu’ils déjeunaient ensemble.

Jacques râlait, comme toujours, mais avec moins de vigueur. Sous la table, Louise a déposé une vasque pleine d’eau glacée dans laquelle Jacques a trempé ses pieds. Louise revoit encore, dans ses cauchemars, les jambes violettes de Jacques, ses chevilles de diabétique gon ées et malsaines, qu’il lui demandait sans cesse de

masser. Cela faisait quelques jours que Louise avait remarqué son teint cireux, ses yeux éteints. Elle avait noté sa di culté à terminer une phrase sans reprendre son sou e. Elle a préparé un osso-buco.

À la troisième bouchée, alors qu’il s’apprêtait à parler, Jacques a tout vomi dans son assiette. Il a vomi en jet, comme les nouveau-nés, et Louise a su que c’était grave. Que ça ne passerait pas. Elle s’est levée et, en voyant le visage désemparé de Jacques, elle a dit : « Ce n’est pas grave. Ce n’est rien. » Elle a parlé sans s’arrêter, s’accusant d’avoir mis trop de vin dans la sauce qui était acide, déroulant des théories stupides sur les aigreurs d’estomac. Elle parlait et parlait, donnait des conseils, s’accusait puis demandait pardon. Sa logorrhée tremblante et décousue ne faisait qu’augmenter l’angoisse qui s’était emparée de Jacques, celle d’être dans son corps comme en haut d’un escalier dont on a raté une marche et qu’on se regarde dégringoler, la tête la première, le dos broyé, les chairs en sang. Si elle s’était tue, il aurait peut-être pleuré, il aurait demandé de l’aide ou même un peu de tendresse. Mais en rangeant l’assiette, en défaisant la nappe, en nettoyant le sol, sans cesse, elle parlait.

Jacques est mort trois mois plus tard. Il s’est asséché comme un fruit qu’on oublie au soleil. Il neigeait le jour de l’enterrement et la lumière était presque bleue. Louise s’est retrouvée seule.

Elle a hoché la tête devant le notaire qui lui a expliqué, contrit, que Jacques ne laissait que des dettes. Elle xait le goitre que le col de chemise écrasait et elle a fait semblant d’accepter la situation. De Jacques, elle n’a hérité que de litiges avortés, de procès en attente, de factures à acquitter. La banque lui a donné un mois pour quitter la petite maison de Bobigny, qui allait être saisie. Louise a fait seule les cartons. Elle a rangé avec soin les quelques a aires que Stéphanie

avait laissées derrière elle. Elle ne savait pas quoi faire des piles de documents que Jacques avait accumulés. Elle a pensé à y mettre le feu, dans le petit jardin, et s’est dit que le feu, avec un peu de chance, pourrait venir lécher les murs de la maison, ceux de la rue, de tout le quartier même. Ainsi, toute cette partie-là de sa vie partirait en fumée. Elle n’en éprouverait aucun déplaisir. Elle resterait là, discrète et immobile, pour observer les ammes dévorer ses souvenirs, ses longues marches dans les rues désertes et sombres, ses dimanches d’ennui entre Jacques et Stéphanie.

Mais Louise a soulevé sa valise, elle a fermé la porte à double tour et elle est partie, abandonnant dans le hall de la petite maison les cartons de souvenirs, les vêtements de sa lle et les combines de son mari.

Cette nuit-là, elle a dormi dans une chambre d’hôtel qu’elle a payée une semaine d’avance. Elle se faisait des sandwichs qu’elle mangeait devant la télévision. Elle suçait des biscuits à la gue qu’elle laissait fondre sur sa langue. La solitude s’est révélée, comme une brèche immense dans laquelle Louise s’est regardée sombrer. La solitude, qui collait à sa chair, à ses vêtements, a commencé à modeler ses traits et lui a donné des gestes de petite vieille. La solitude lui sautait au visage au crépuscule, quand la nuit tombe et que les bruits montent des maisons où l’on vit à plusieurs. La lumière baisse et la rumeur arrive ; les rires, et les halètements, même les soupirs d’ennui.

Dans cette chambre, dans une rue du quartier chinois, elle a perdu la notion du temps. Elle était égarée, hagarde. Le monde entier l’avait oubliée. Elle dormait pendant des heures et se réveillait les yeux gon és et la tête douloureuse, malgré le froid qui sévissait

dans la pièce. Elle ne sortait qu’en cas d’extrême nécessité, quand la faim devenait trop insistante. Elle marchait dans la rue comme dans un décor de cinéma dont elle aurait été absente, spectatrice invisible du mouvement des hommes. Tout le monde semblait avoir quelque part où aller.

La solitude agissait comme une drogue dont elle n’était pas sûre de vouloir se passer. Louise errait dans la rue, ahurie, les yeux ouverts au point de lui faire mal. Dans sa solitude, elle s’est mise à voir les gens. À les voir vraiment. L’existence des autres devenait palpable, vibrante, plus réelle que jamais. Elle observait jusque dans les moindres détails les gestes des couples assis aux terrasses. Les regards en biais des vieillards à l’abandon. Les minauderies des étudiantes qui faisaient semblant de réviser, assises sur le dossier d’un banc. Sur les places, à la sortie d’une station de métro, elle reconnaissait l’étrange parade de ceux qui s’impatientent. Elle attendait avec eux l’arrivée d’un rendez-vous. Chaque jour, elle rencontrait des compagnons en folie, parleurs solitaires, déments, clochards.

La ville, à cette époque, était peuplée de fous.

L’hiver s’installe, les jours se ressemblent. Novembre est pluvieux et glacé. Dehors, les trottoirs sont couverts de verglas. Impossible de sortir. Louise essaie de distraire les enfants. Elle invente des jeux, elle chante des chansons. Ils construisent une maison en carton. Mais la journée paraît interminable. Adam a de la èvre et il n’a pas cessé de gémir. Louise le tient dans ses bras, elle le berce pendant près d’une heure, jusqu’à ce qu’il s’endorme. Mila, qui tourne en rond dans le salon, devient nerveuse elle aussi.

« Viens là », lui dit Louise. Mila s’approche et la nounou sort de son sac la petite trousse blanche dont l’enfant a si souvent rêvé. Mila trouve que Louise est la plus belle des femmes. Elle ressemble à cette hôtesse de l’air, blonde et très apprêtée, qui lui avait o ert des bonbons lors d’un vol pour Nice. Louise a beau s’agiter toute la journée, faire la vaisselle et courir de l’école à la maison, elle est toujours parfaite. Ses cheveux sont soigneusement tirés en arrière.

Son mascara noir, dont elle applique au moins trois couches épaisses, lui fait un regard de poupée ébahie. Et puis, il y a ses mains, douces et qui sentent les eurs. Ses mains sur lesquelles jamais le vernis ne s’écaille.

Louise, parfois, se refait les ongles devant Mila et la petite

respire, les yeux fermés, l’odeur du dissolvant et celle du vernis à ongles bon marché que la nounou étale d’un geste vif, sans jamais dépasser. Fascinée, l’enfant la regarde agiter les mains en l’air et souffler sur ses doigts.

Si Mila accepte les baisers de Louise, c’est pour sentir l’odeur de talc sur ses joues, pour voir de plus près les paillettes qui brillent sur ses paupières. Elle aime l’observer quand elle applique son rouge à lèvres. D’une main, Louise tient devant elle un miroir, toujours immaculé, et elle étire sa bouche dans une grimace étrange que Mila reproduit ensuite dans la salle de bains.

Louise fouille dans la trousse. Elle prend les mains de la petite lle et enduit ses paumes de crème à la rose qu’elle extrait d’un pot minuscule. « Ça sent bon, non ? » Elle pose, sous les yeux ébahis de l’enfant, du vernis sur ses petits ongles. Un vernis rose et vulgaire, qui sent très fort l’acétone. Cette odeur, pour Mila, est celle de la féminité.

« Enlève tes chaussettes, tu veux ? » Et sur les doigts de pied potelés, à peine sortis de l’enfance, elle étale le vernis. Louise vide le contenu de la trousse sur la table. Une poussière orange et une odeur de talc se répandent. Mila est prise d’un rire de jubilation. Louise à présent met du rouge à lèvres, du fard à paupières bleu à l’enfant et, sur ses pommettes, une pâte orangée. Elle lui fait baisser la tête et elle crêpe ses cheveux, trop raides et trop ns, jusqu’à en faire une crinière.

Elles rient tellement qu’elles n’entendent pas Paul qui referme la porte et entre dans le salon. Mila sourit, la bouche ouverte, les bras écartés.

« Regarde, papa. Regarde ce que Louise a fait ! »

Paul la xe. Lui qui était si heureux de rentrer plus tôt, si content de voir ses enfants, a un haut-le-cœur. Il a l’impression d’avoir surpris un spectacle sordide ou malsain. Sa lle, sa toute petite, ressemble à un travesti, à une chanteuse de cabaret démodée, nie, abîmée. Il n’en revient pas. Il est furieux, hors de lui. Il déteste Louise de lui avoir imposé ce spectacle. Mila, son ange, sa libellule bleue, est aussi laide qu’un animal de foire, aussi ridicule que le chien qu’une vieille dame hystérique aurait habillé pour sa promenade.

Are sens