"Unleash your creativity and unlock your potential with MsgBrains.Com - the innovative platform for nurturing your intellect." » Français Books » 💚💚,,Madame Bovary'' - Gustave Flaubert

Add to favorite 💚💚,,Madame Bovary'' - Gustave Flaubert

Select the language in which you want the text you are reading to be translated, then select the words you don't know with the cursor to get the translation above the selected word!




Go to page:
Text Size:

554

Un matin qu’elle venait de partir, selon sa coutume, assez lĂ©gĂšrement vĂȘtue, il tomba de la neige tout Ă  coup ; et comme Charles regardait le temps Ă  la fenĂȘtre, il aperçut M. Bournisien dans le boc du sieur Tuvache qui le conduisait Ă  Rouen. Alors il descendit confier Ă  l’ecclĂ©siastique un gros chĂąle pour qu’il le remĂźt Ă  Madame, sitĂŽt qu’il arriverait Ă  la Croix rouge. À

peine fut-il Ă  l’auberge que Bournisien demanda oĂč Ă©tait la femme du mĂ©decin d’Yonville.

L’hĂŽteliĂšre rĂ©pondit qu’elle frĂ©quentait fort peu son Ă©tablissement. Aussi, le soir, en reconnaissant madame Bovary dans l’ Hirondelle, le curĂ© lui conta son embarras, sans paraĂźtre, du reste y attacher de l’importance ; car il entama l’éloge d’un prĂ©dicateur qui pour lors faisait merveilles Ă  la cathĂ©drale, et que toutes les dames couraient entendre.

N’importe, s’il n’avait point demandĂ© d’explications, d’autres plus tard pourraient se montrer moins discrets. Aussi jugea-t-elle utile de descendre chaque fois Ă  la Croix rouge, de sorte que les bonnes gens de son village qui la voyaient dans l’escalier ne se doutaient de rien.

555

Un jour pourtant, M. Lheureux la rencontra qui sortait de l’hĂŽtel de Boulogne au bras de LĂ©on ; et elle eut peur, s’imaginant qu’il bavarderait ; il n’était pas si bĂȘte.

Mais, trois jours aprĂšs, il entra dans sa chambre, ferma la porte et dit :

– J’aurais besoin d’argent.

Elle déclara ne pouvoir lui en donner.

Lheureux se rĂ©pandit en gĂ©missements, et rappela toutes les complaisances qu’il avait eues.

En effet, des deux billets souscrits par Charles, Emma jusqu’à prĂ©sent n’en avait payĂ© qu’un seul.

Quant au second, le marchand, sur sa priĂšre, avait consenti Ă  le remplacer par deux autres, qui mĂȘme avaient Ă©tĂ© renouvelĂ©s Ă  une fort longue Ă©chĂ©ance. Puis il tira de sa poche une liste de fournitures non soldĂ©es, Ă  savoir les rideaux, le tapis, l’étoffe pour les fauteuils, plusieurs robes et divers articles de toilette, dont la valeur se montait Ă  la somme de deux mille francs environ.

Elle baissa la tĂȘte ; il reprit :

– Mais, si vous n’avez pas d’espùces, vous 556

avez du bien. Et il indiqua une mĂ©chante masure sise Ă  Barneville, prĂšs d’Aumale, qui ne rapportait pas grand’chose. Cela dĂ©pendait autrefois d’une petite ferme vendue par M.

Bovary pùre, car Lheureux savait tout, jusqu’à la contenance d’hectares, avec le nom des voisins.

Moi, Ă  votre place, disait-il, je me libĂ©rerais, et j’aurais encore le surplus de l’argent.

Elle objecta la difficultĂ© d’un acquĂ©reur ; il donna l’espoir d’en trouver ; mais elle demanda comment faire pour qu’elle pĂ»t vendre.

– N’avez-vous pas la procuration ? rĂ©pondit-il.

Ce mot lui arriva comme une bouffĂ©e d’air frais.

– Laissez-moi la note, dit Emma.

– Oh ! ce n’est pas la peine ! reprit Lheureux.

Il revint la semaine suivante, et se vanta d’avoir, aprĂšs force dĂ©marches, fini par dĂ©couvrir un certain Langlois qui, depuis longtemps, guignait la propriĂ©tĂ© sans faire connaĂźtre son prix.

– N’importe le prix ! s’écria-t-elle.

Il fallait attendre, au contraire, tĂąter ce 557

gaillard-lĂ . La chose valait la peine d’un voyage, et, comme elle ne pouvait faire ce voyage, il offrit de se rendre sur les lieux, pour s’aboucher avec Langlois. Une fois revenu, il annonça que l’acquĂ©reur proposait quatre mille francs. Emma s’épanouit Ă  cette nouvelle. – Franchement, ajouta-t-il, c’est bien payĂ©.

Elle toucha la moitié de la somme immédiatement, et, quand elle fut pour solder son mémoire, le marchand lui dit :

– Cela me fait de la peine, parole d’honneur, de vous voir vous dessaisir tout d’un coup d’une somme aussi consĂ©quente que celle-lĂ .

Alors, elle regarda les billets de banque, et rĂȘvant au nombre illimitĂ© de rendez-vous que ces deux mille francs reprĂ©sentaient :

– Comment ! comment ! balbutia-t-elle.

– Oh ! reprit-il en riant d’un air bonhomme, on met tout ce que l’on veut sur les factures. Est-ce que je ne connais pas les mĂ©nages ? Et il la considĂ©rait fixement, tout en tenant Ă  sa main deux longs papiers qu’il faisait glisser entre ses 558

ongles. Enfin, ouvrant son portefeuille, il Ă©tala sur la table quatre billets Ă  ordre, de mille francs chacun.

– Signez-moi cela, dit-il, et gardez tout.

Elle se récria, scandalisée.

– Mais, si je vous donne le surplus, rĂ©pondit effrontĂ©ment M. Lheureux, n’est-ce pas vous rendre service, Ă  vous ? Et, prenant une plume, il Ă©crivit au bas du mĂ©moire : « Reçu de madame Bovary quatre mille francs. » Qui vous inquiĂšte ?

puisque vous toucherez dans six mois l’arriĂ©rĂ© de votre baraque, et que je vous place l’échĂ©ance du dernier billet pour aprĂšs le payement ?

Emma s’embarrassait un peu dans ses calculs, et les oreilles lui tintaient comme si des piĂšces d’or, s’éventrant de leurs sacs, eussent sonnĂ© tout autour d’elle sur le parquet. Enfin Lheureux expliqua qu’il avait un sien ami Vinçart, banquier Ă  Rouen, lequel allait escompter ces quatre billets, puis il remettrait lui-mĂȘme Ă  Madame le surplus de la dette rĂ©elle.

Mais, au lieu de deux mille francs, il n’en 559

apporta que dix-huit cents, car l’ami Vinçart (comme de juste) en avait prĂ©levĂ© deux cents, pour frais de commission et d’escompte. Puis il rĂ©clama nĂ©gligemment une quittance. Vous comprenez... dans le commerce... quelquefois...

Are sens

Copyright 2023-2059 MsgBrains.Com