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Il avait Ă  Ă©crire deux lettres, Ă  faire une potion calmante pour Bovary, Ă  trouver un mensonge qui pĂ»t cacher l’empoisonnement et Ă  le rĂ©diger en article pour le Fanal sans compter les personnes qui l’attendaient, afin d’avoir des informations ; et, quand les Yonvillais eurent tous entendu son histoire d’arsenic qu’elle avait pris pour du sucre, en faisant une crĂšme Ă  la vanille, Homais, encore une fois, retourna chez Bovary.

Il le trouva seul (M. Canivet venait de partir), assis dans le fauteuil, prĂšs de la fenĂȘtre, et contemplant d’un regard idiot les pavĂ©s de la salle.

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– Il faudrait Ă  prĂ©sent, dit le pharmacien, fixer vous-mĂȘme l’heure de la cĂ©rĂ©monie.

– Pourquoi ? quelle cĂ©rĂ©monie ?

Puis d’une voix balbutiante et effrayĂ©e :

– Oh ! non, n’est-ce pas ? non, je veux la garder.

Homais, par contenance, prit une carafe sur l’étagĂšre pour arroser les gĂ©raniums.

– Ah ! merci, dit Charles, vous ĂȘtes bon !

Et il n’acheva pas, suffoquant sous une abondance de souvenirs que ce geste du pharmacien lui rappelait.

Alors, pour le distraire, Homais jugea convenable de causer un peu horticulture ; les plantes avaient besoin d’humiditĂ©. Charles baissa la tĂȘte en signe d’approbation.

– Du reste, les beaux jours maintenant vont revenir.

– Ah ! fit Bovary.

L’apothicaire, Ă  bout d’idĂ©es, se mit Ă  Ă©carter doucement les petits rideaux du vitrage.

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– Tiens, voilà M. Tuvache qui passe.

Charles répéta comme une machine :

– M. Tuvache qui passe.

Homais n’osa lui reparler des dispositions funĂšbres ; ce fut l’ecclĂ©siastique qui parvint Ă  l’y rĂ©soudre.

Il s’enferma dans son cabinet, prit une plume, et, aprĂšs avoir sanglotĂ© quelque temps, il Ă©crivit : Je veux qu’on l’enterre dans sa robe de noces, avec des souliers blancs, une couronne. On lui Ă©talera ses cheveux sur les Ă©paules ; trois cercueils, un de chĂȘne, un d’acajou, un de plomb.

Qu’on ne me dise rien, j’aurai de la force. On luimettra par-dessus tout une grande piùce develours vert. Je le veux. Faites-le.

Ces messieurs s’étonnĂšrent beaucoup des idĂ©es romanesques de Bovary, et aussitĂŽt le pharmacien alla lui dire :

– Ce velours me paraĂźt une superfĂ©tation. La dĂ©pense, d’ailleurs...

– Est-ce que cela vous regarde ? s’écria Charles. Laissez-moi ! vous ne l’aimiez pas !

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Allez-vous-en !

L’ecclĂ©siastique le prit par-dessous le bras pour lui faire faire un tour de promenade dans le jardin. Il discourait sur la vanitĂ© des choses terrestres. Dieu Ă©tait bien grand, bien bon ; on devait sans murmure se soumettre Ă  ses dĂ©crets, mĂȘme le remercier.

Charles Ă©clata en blasphĂšmes :

– Je l’exùcre, votre Dieu !

– L’esprit de rĂ©volte est encore en vous, soupira l’ecclĂ©siastique.

Bovary Ă©tait loin. Il marchait Ă  grands pas, le long du mur, prĂšs de l’espalier, et il grinçait des dents, il levait au ciel des regards de malĂ©diction ; mais pas une feuille seulement n’en bougea.

Une petite pluie tombait. Charles, qui avait la poitrine nue, finit par grelotter ; il rentra s’asseoir dans la cuisine.

À six heures, on entendit un bruit de ferraille sur la Place : c’était l’ Hirondelle qui arrivait ; et il resta le front contre les carreaux, Ă  voir descendre les uns aprĂšs les autres tous les 670

voyageurs. FĂ©licitĂ© lui Ă©tendit un matelas dans le salon ; il se jeta dessus et s’endormit.

Bien que philosophe, M. Homais respectait les morts. Aussi, sans garder rancune au pauvre Charles, il revint le soir pour faire la veillée du cadavre, apportant avec lui trois volumes, et un portefeuille, afin de prendre des notes.

M. Bournisien s’y trouvait, et deux grands cierges brĂ»laient au chevet du lit, que l’on avait tirĂ© hors de l’alcĂŽve.

L’apothicaire, à qui le silence pesait, ne tarda pas à formuler quelques plaintes sur cette

« infortunĂ©e jeune femme » ; et le prĂȘtre rĂ©pondit qu’il ne restait plus maintenant qu’à prier pour elle.

– Cependant, reprit Homais, de deux choses l’une : ou elle est morte en Ă©tat de grĂące (comme s’exprime l’Église), et alors elle n’a nul besoin de nos priĂšres ; ou bien elle est dĂ©cĂ©dĂ©e impĂ©nitente (c’est, je crois, l’expression ecclĂ©siastique), et alors...

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Bournisien l’interrompit, rĂ©pliquant d’un ton bourru qu’il n’en fallait pas moins prier.

– Mais, objecta le pharmacien, puisque Dieu

connaĂźt tous nos besoins, Ă  quoi peut servir la priĂšre ?

– Comment ! fit l’ecclĂ©siastique, la priĂšre !

Vous n’ĂȘtes donc pas chrĂ©tien ?

– Pardonnez ! dit Homais. J’admire le christianisme. Il a d’abord affranchi les esclaves, introduit dans le monde une morale...

– Il ne s’agit pas de cela ! Tous les textes...

– Oh ! oh ! quant aux textes, ouvrez l’histoire ; on sait qu’ils ont Ă©tĂ© falsifiĂ©s par les JĂ©suites.

Charles entra, et, s’avançant vers le lit, il tira lentement les rideaux.

Emma avait la tĂȘte penchĂ©e sur l’épaule droite.

Are sens