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« M. Bournisien (c’était le curĂ©) venait la voir.

Il s’enquĂ©rait de sa santĂ©, lui apportait des nouvelles et l’exhortait Ă  la religion dans un petit bavardage cĂąlin, qui ne manquait pas d’agrĂ©ment.

La vue seule de sa soutane la réconfortait. »

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Enfin elle va faire la communion. Je n’aime pas beaucoup Ă  rencontrer des choses saintes dans un roman, mais au moins, quand on en parle, faudrait-il ne pas les travestir par le langage. Y a-t-il dans cette femme adultĂšre qui va Ă  la communion quelque chose de la foi de la Madeleine repentante ? Non, non, c’est toujours la femme passionnĂ©e qui cherche des illusions, et qui les cherche dans les choses les plus saintes, les plus augustes.

« Un jour, qu’au plus fort de sa maladie elle s’était crue agonisante, elle avait demandĂ© la communion ; et Ă  mesure que l’on faisait dans sa chambre les prĂ©paratifs pour le sacrement, que l’on disposait en autel la commode encombrĂ©e de sirops, et que FĂ©licitĂ© semait par terre des fleurs de dahlia, Emma sentait quelque chose de fort passant sur elle, qui la dĂ©barrassait de ses douleurs, de toute perception, de tout sentiment.

Sa chair allĂ©gĂ©e ne pesait plus, une autre vie commençait ; il lui sembla que son ĂȘtre montant vers Dieu allait s’anĂ©antir dans cet amour, comme un encens allumĂ© qui se dissipe en vapeur. »

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Dans quelle langue prie-t-on Dieu avec les paroles adressĂ©es Ă  l’amant dans les Ă©panchements de l’adultĂšre ? Sans doute on parlera de la couleur locale, et on s’excusera en disant qu’une femme vaporeuse, romanesque, ne fait pas, mĂȘme en religion, les choses comme tout le monde. Il n’y a pas de couleur locale qui excuse ce mĂ©lange ! Voluptueuse un jour, religieuse le lendemain, nulle femme, mĂȘme dans d’autres rĂ©gions, mĂȘme sous le ciel d’Espagne ou d’Italie, ne murmure Ă  Dieu les caresses adultĂšres qu’elle donnait Ă  l’amant. Vous apprĂ©cierez ce langage, messieurs, et vous n’excuserez pas ces paroles de l’adultĂšre introduites, en quelque sorte, dans le sanctuaire de la divinitĂ© ! VoilĂ  la seconde citation ; j’arrive Ă  la troisiĂšme, c’est la sĂ©rie des adultĂšres.

AprĂšs la transition religieuse, madame Bovary est encore prĂȘte Ă  tomber. Elle va au spectacle Ă  Rouen. On jouait Lucie de Lammermoor. Emma fit un retour sur elle-mĂȘme.

« Ah ! si dans la fraßcheur de sa beauté, avant les souillures du mariage et les désillusions de 743

l’adultĂšre (il y en a qui auraient dit : les dĂ©sillusions du mariage et les souillures de l’adultĂšre), avant les souillures du mariage et les dĂ©sillusions de l’adultĂšre, elle avait pu placer sa vie sur quelque grand cƓur solide, alors la vertu, la tendresse, les voluptĂ©s et le devoir se confondant, jamais elle ne serait descendue d’une fĂ©licitĂ© si haute. »

En voyant Lagardy sur la scĂšne, elle eut envie de courir dans ses bras « pour se rĂ©fugier en sa force, comme dans l’incarnation de l’amour mĂȘme, et de lui dire, de s’écrier : EnlĂšve-moi, partons ! Ă  toi, Ă  toi ! toutes mes ardeurs et tous mes rĂȘves ! »

LĂ©on Ă©tait derriĂšre elle.

« Il se tenait derriĂšre elle, s’appuyant de l’épaule contre la cloison ; et de temps Ă  autre elle se sentait frissonner sous le souffle tiĂšde de ses narines qui lui descendait dans la chevelure. »

On vous a parlĂ© tout Ă  l’heure des souillures du mariage ; on va vous montrer encore l’adultĂšre dans toute sa poĂ©sie, dans ses ineffables sĂ©ductions. J’ai dit qu’on aurait dĂ» au moins 744

modifier les expressions et dire : les dĂ©sillusions du mariage et les souillures de l’adultĂšre. Bien souvent, quand on s’est mariĂ©, au lieu du bonheur sans nuages qu’on s’était promis, on rencontre les sacrifices, les amertumes. Le mot dĂ©sillusion peut donc ĂȘtre justifiĂ©, celui de souillure ne saurait l’ĂȘtre.

Léon et Emma se sont donné rendez-vous à la

cathédrale. Ils la visitent, ou ils ne la visitent pas.

Ils sortent.

« Un gamin polissonnait sur le parvis.

« – Va me chercher un fiacre ! lui crie LĂ©on.

L’enfant partit comme une balle...

« – Ah ! LĂ©on !... vraiment... je ne sais... si je dois... ! et elle minaudait. Puis, d’un air sĂ©rieux : C’est trĂšs inconvenant, savez-vous ?

« – En quoi ? rĂ©pliqua le clerc, cela se fait Ă  Paris.

« Et cette parole, comme un irrésistible argument, la détermina. »

Nous savons maintenant, messieurs, que la chute n’a pas lieu dans le fiacre. Par un scrupule 745

qui l’honore, le rĂ©dacteur de la Revue a supprimĂ© le passage de la chute dans le fiacre. Mais si la Revue de Paris baisse les stores du fiacre, elle nous laisse pĂ©nĂ©trer dans la chambre oĂč se donnent les rendez-vous.

Emma veut partir, car elle avait donnĂ© sa parole qu’elle reviendrait le soir mĂȘme.

« D’ailleurs, Charles l’attendait ; et dĂ©jĂ  elle se sentait au cƓur cette lĂąche docilitĂ© qui est pour bien des femmes comme le chĂątiment tout Ă  la fois et la rançon de l’adultĂšre... »

« LĂ©on, sur le trottoir, continuait Ă  marcher, elle le suivait jusqu’à l’hĂŽtel ; il montait, il ouvrait la porte, entrait. Quelle Ă©treinte !

« Puis les paroles aprĂšs les baisers se prĂ©cipitaient. On se racontait les chagrins de la semaine, les pressentiments, les inquiĂ©tudes pour les lettres ; mais Ă  prĂ©sent tout s’oubliait, et ils se regardaient face Ă  face, avec des rires de voluptĂ© et des appellations de tendresse.

« Le lit Ă©tait un grand lit d’acajou en forme de 746

nacelle. Les rideaux de levantine rouge, qui descendaient du plafond, se cintraient trop bas vers le chevet Ă©vasĂ©, et rien au monde n’était beau comme sa tĂȘte brune et sa peau blanche, se dĂ©tachant sur cette couleur pourpre, quand, par un geste de pudeur, elle fermait ses deux bras nus, en se cachant la figure dans les mains.

« Le tiÚde appartement, avec son tapis discret, ses ornements folùtres et sa lumiÚre tranquille, semblait tout commode pour les intimités de la passion. »

VoilĂ  ce qui se passe dans cette chambre.

Voici encore un passage trùs important – comme peinture lascive !

« Comme ils aimaient cette bonne chambre pleine de gaietĂ© malgrĂ© sa splendeur un peu fanĂ©e ! Ils trouvaient toujours les meubles Ă  leur place, et parfois des Ă©pingles Ă  cheveux qu’elle avait oubliĂ©es, l’autre jeudi, sous le socle de la pendule. Ils dĂ©jeunaient au coin du feu, sur un petit guĂ©ridon incrustĂ© de palissandre. Emma dĂ©coupait, lui mettait les morceaux dans son assiette en dĂ©bitant toutes sortes de chatteries, et 747

elle riait d’un rire sonore et libertin, quand la mousse du vin de Champagne dĂ©bordait du verre lĂ©ger sur les bagues de ses doigts. Ils Ă©taient si complĂštement perdus en la possession d’eux-mĂȘmes, qu’ils se croyaient lĂ  dans leur maison particuliĂšre, et devant y vivre jusqu’à la mort, comme deux Ă©ternels jeunes Ă©poux. Ils disaient notre chambre, nos tapis, nos fauteuils, mĂȘme elle disait mes pantoufles, un cadeau de LĂ©on, une fantaisie qu’elle avait eue. C’étaient des pantoufles en satin rose, bordĂ©es de cygne.

Quand elle s’asseyait sur ses genoux, sa jambe, alors trop courte, pendait en l’air, et la mignarde chaussure, qui n’avait pas de quartier, tenait seulement par les orteils à son pied nu.

« Il savourait pour la premiĂšre fois, et dans l’exercice de l’amour, l’inexprimable dĂ©licatesse des Ă©lĂ©gances fĂ©minines. Jamais il n’avait rencontrĂ© cette grĂące de langage, cette rĂ©serve de vĂȘtement, ces poses de colombe assoupie. Il admirait l’exaltation de son Ăąme et les dentelles de sa jupe. D’ailleurs, n’était-ce pas une femme du monde, et une femme mariĂ©e ? une vraie maĂźtresse, enfin ? »

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VoilĂ , messieurs, une description qui ne laissera rien Ă  dĂ©sirer, j’espĂšre, au point de vue de la prĂ©vention ? En voici une autre, ou plutĂŽt, voici la continuation de la mĂȘme scĂšne :

« Elle avait des paroles qui l’enflammaient avec des baisers qui lui emportaient l’ñme. OĂč donc avait-elle appris ces caresses presque immatĂ©rielles, Ă  force d’ĂȘtre profondes et dissimulĂ©es ? »

Oh ! je comprends bien, messieurs, le dĂ©goĂ»t que lui inspirait ce mari qui voulait l’embrasser Ă  son retour ; je comprends Ă  merveille que lorsque les rendez-vous de cette espĂšce avaient lieu, elle sentit avec horreur, la nuit, « contre sa chair, cet homme Ă©tendu qui dormait ».

Ce n’est pas tout, Ă  la page 731, il est un dernier tableau que je ne peux pas omettre ; elle Ă©tait arrivĂ©e jusqu’à la fatigue de la voluptĂ©.

« Elle se promettait continuellement pour son prochain voyage une fĂ©licitĂ© profonde ; puis elle s’avouait ne rien sentir d’extraordinaire. Mais cette dĂ©ception s’effaçait vite sous un espoir 1 Page 114.

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nouveau, et Emma revenait Ă  lui plus enflammĂ©e, plus haletante, plus avide. Elle se dĂ©shabillait brutalement, arrachant le lacet mince de son corset qui sifflait autour de ses hanches comme une couleuvre qui glisse. Elle allait sur la pointe de ses pieds nus regarder encore une fois si la porte Ă©tait fermĂ©e, puis elle faisait d’un seul geste tomber ensemble tous ses vĂȘtements ; – et pĂąle, sans parler, sĂ©rieuse, elle s’abattait contre sa poitrine, avec un long frisson. »

Je signale ici deux choses, messieurs, une peinture admirable sous le rapport du talent, mais une peinture exĂ©crable au point de vue de la morale. Oui, M. Flaubert sait embellir ses peintures avec toutes les ressources de l’art, mais sans les mĂ©nagements de l’art. Chez lui point de gaze, point de voiles, c’est la nature dans toute sa nuditĂ©, dans toute sa cruditĂ© !

Are sens